Depuis une semaine, circule une interview vidéo de la méga star ivoirienne Alpha Blondy face au journaliste français de TV5 Monde Patrick Simonin. Dans cet entretien, le chanteur septuagénaire ivoirien qui totalise plus de quarante ans de carrière s’en prend vertement à l’Occident et aux Occidentaux, les Français notamment, les accusant dans un langage cru d’être la cause de la pauvreté de l’Afrique, les commanditaires du terrorisme dans le Sahel…
La vidéo est largement partagée sur la toile africaine, ces genres de discours étant de plus en plus applaudis par les Africains, puisqu’ils présentent le double avantage de donner l’impression que l’Afrique serait en train de mener une quelconque résistance contre ses oppresseurs, et surtout dédouanent le continent noir de toute responsabilité dans son chaos.
Alpha Blondy, qu’on le dise pour commencer, reste un immense chanteur d’une respectable conscience politique à qui sa longévité a permis de construire une riche carrière auréolée par un engagement politique tenace.
Mais cette interview prouve une fois de plus que ce qui a toujours manqué dans la lutte du continent noir contre les multiples dominations dont il a été victime à travers le temps n’est ni le courage, ni la détermination, ni la lucidité de ceux qui portent la résistance, mais leur sincérité.
Il est impossible de parler de l’exploitation du continent noir par l’Occident, une vérité que l’on ne saurait nier, sans occulter le rôle joué par les valets locaux, notamment les chefs d’Etat et élites africains. Et aujourd’hui, lorsqu’on parle de la françafrique, la face la plus hideuse de cet impérialisme, tous les regards se tournent vers Alassane Ouattara, le président ivoirien.
Et pourtant, il y a quelques mois, on a vu un Alpha Blondy tout souriant, content, heureux, parader dans une veste rouge à l’investiture d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat anticonstitutionnel ayant engendré des morts, des blessés et des exilés.
Notre père Alpha Blondy condamne donc l’exploitation de l’Afrique par la France, tout en applaudissant l’intronisation, pour un mandat illégal, du seul président africain de notre temps que l’armée française a, au vu et au su de tous, installé sur le fauteuil présidentiel en 2011.
Je l’ai entendu dire, dans une interview où il s’adressait à l’activiste Kemi Seba qui lui reprochait sa proximité avec Alassane Ouattara, qu’il n’est pas judicieux d’accuser ce dernier parce qu’il n’aurait pas les mains libres. Alassane Ouattara, nous explique donc notre père Alpha Blondy, ne contribue pas au pillage de la Côte d’Ivoire de son plein gré, mais y est forcé par la France. Voilà pourquoi il ne faut pas le condamner.
Si on peut alors trouver une situation atténuante pour Alassane Ouattara, le pauvre, pourquoi ne pas non plus excuser la France qui pille l’Afrique parce qu’elle y est obligée par les USA, ensuite excuser les USA qui agissent ainsi pas par leur propre volonté, mais parce que le diable leur a mis un fusil sur la tempe ?
David Kpelly, écrivain togolais