Dans le cadre des éliminatoires de la Coupe d’Afrique de Nations (CAN) de football organisée en 2025 au Maroc, croyances religieuses et spiritualité s’invitent dans les matchs afin d’assurer la qualification des Éperviers, l’équipe togolaise de football.
Depuis son unique participation à la Coupe du Monde de football en Allemagne en 2006 et sa première qualification aux quarts de finale de la CAN 2013 en Afrique du Sud, les résultats de l’équipe du Togo semblent avoir entrepris une chute sans fin vers le bas. Mais si les espoirs reposent désormais en le nouveau sélectionneur Daré Nibombé nommé le 15 juillet, nombre de Togolais en vont à invoquer des forces supérieures pour conjurer ce qu’ils qualifient largement de « mauvais sort ».
Au Togo, explique docteur Frédéric Edoh, historien des civilisations africaines, nombreux sont ceux qui prétendent que les défaites répétitives des Éperviers – le surnom de l’équipe nationale – tirent leur source du mécontentement de ceux qui ont perdu la vie pour l’équipe : les victimes du crash d’hélicoptère de Lungi en Sierra Léone en juin 2007 (13 membres de l’encadrement avaient alors perdu la vie) et celles tuées en janvier 2010 en Angola lors d’une attaque contre le bus de l’équipe nationale (faisant deux morts parmi l’encadrement).
Pour les adeptes de ces croyances, explique l’historien, « les âmes de ces défunts errent et ne jouissent pas encore d’un repos digne de ce nom au monde des ancêtres ». « Il faut dès lors des rites pour les apaiser et les inviter à soutenir le football togolais », poursuit Frédéric Edoh.
Pour d’autres, poursuit le spécialiste, ces mauvaises performances découlent de la non-purification du stade de Kégué à Lomé (principal stade de l’équipe nationale) et du non-règlement de maux qui minent le football. À savoir une trouble affaire, dite « Moustapha Bodé », du nom d’un spiritualiste à qui la Fédération nationale de football devrait de l’argent pour des services spirituels. Mécontent de ne pas être payé, il aurait lancé sur les Éperviers des malédictions qui planeraient toujours.
Des rituels… et des défaites
« Dans la mentalité socioreligieuse collective des Togolais, comme ailleurs en Afrique, il existerait un lien indissociable entre les forces magico-spirituelles et les disciplines sportives », note l’universitaire. Ainsi, ajoute-t-il, « la victoire d’une équipe ou la bonne performance d’un athlète lors d’une compétition n’émane pas seulement des qualités physiques ou du savoir-faire des sportifs, mais aussi du bon vouloir des divinités ou des préparations spirituelles en amont ». D’où « la consultation des devins par des clubs et des athlètes pour savoir les dispositions à prendre avant les confrontations sportives ».
C’est ainsi qu’en amont des matchs, l’équipe togolaise de football ajoute aux préparatifs techniques des rituels traditionnels pour conjurer tous mauvais sorts. Sans toutefois produire l’effet escompté : les Éperviers ont encore subi une défaite à domicile lundi 14 octobre face aux Fennecs d’Algérie (0-1), qui leur avait déjà infligé une cinglante défaite (5-1) à Alger quelques jours plus tôt.
S’il croit que « la prière peut agir dans le football », Petro Amouzougan-Goudjo, informaticien à Lomé, précise cependant que « la prière seule ne suffit pas pour assurer la victoire, il faut d’abord et avant tout le talent et le travail ». Dans le même sens, Marc Kangni-Dossou, ingénieur génie-civile, membre de l’association catholique Légion de Marie, assure que « la prière peut jouer un rôle important dans les préparatifs d’un match, par exemple, pour prier afin que les joueurs soient préservés des blessures ». Mais « elle ne peut garantir la victoire », averti ce croyant passionné de football qui propose une approche holistique comme condition de réussite en sport.
« Le football est un tout, indique-t-il, car plusieurs paramètres entrent en jeu pour favoriser la victoire, tels que les paramètres physique, technique, tactique, psychologique, spirituel, le coaching ». Ce dévot de la Vierge Marie insiste sur la nécessité de faire appel à des spécialistes afin de « conditionner les joueurs pour avoir une équipe assez préparée au sein de laquelle se développent les talents, la cohésion, la solidarité et la confiance ».
Le passionné de sport a d’ailleurs une logique imparable, pour démontrer que les rituels ne suffisent pas pour assurer la victoire : « si les prières et purifications suffisaient pour gagner, le Bénin, berceau du vodou, aurait déjà remporté plusieurs fois la Coupe du monde de football ».
Source: international.la-croix.com (Charles Ayétan)