Le gouvernement a décidé de lancer, depuis la semaine dernière, un programme national d’accompagnement de la femme enceinte et du nouveau-né dénommé « Wezou ». Un programme qu’on annonce contribuer à la réduction drastique de la mortalité du nouveau né et de la mère accoucheuse au Togo. Mais à en croire les professionnels de la santé, la vraie solution au taux élevé de la mortalité maternelle et néonatale est ailleurs.
Selon le gouvernement, « Wezou » est un programme spécifique, dédié à la prise en charge des soins pour la femme enceinte et le nouveau-né. Il vient en anticipation au programme d’assurance maladie universelle en gestation et ambitionne de réduire significativement la mortalité maternelle et néonatale. Ceci, à travers l’augmentation progressive du nombre de femmes bénéficiant de soins pendant leur grossesse, amoindrissant ainsi leurs risques d’accouchement difficile.
La prise en charge comprend le suivi régulier, l’accouchement dans les formations sanitaires, et les soins prénataux. Concrètement, le mécanisme prend en charge une partie des frais des soins de toutes les femmes enceintes sans exception. Cette prise en charge commence dans les centres de santé publics et accrédités de premier niveau (unités de soins périphériques (USP) et Centres hospitaliers préfectoraux (CHP). Pour sa première année de mise en œuvre, un budget d’environ 3 milliards FCFA a été mobilisé par l’exécutif.
Dans le rang des spécialistes, ce projet présenté par l’exécutif comme étant la solution à la mortalité maternelle et néonatale au Togo ne convainc point. Et pour cause, le vrai problème semble être occulté.
« Wezou », un mort-né…
En effet, en mai dernier, à l’occasion de la Journée mondiale des sages-femmes, Mme Héloïse Adandogou d’Almeida, présidente de l’Association des sages-femmes du Togo (ASSAFETO) a laissé entendre que la première cause du taux élevé de la mortalité maternelle et néonatale est le manque criard de sages-femmes dans le pays. «Le taux de mortalité maternel au Togo à ce jour est encore de 401 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes alors que les ODD voudraient que ce taux soit réduit à 70 pour 100 000 naissances vivantes. Le ratio sage-femme femmes en âge de reproduction est d’une sage-femme pour 3000 alors qu’au Togo ce ratio est d’une sage-femme pour 14000 », a indiqué la présidente de l’Association des sages-femmes du Togo.
Conséquence, « avec ce gap à combler, on ne peut prétendre réduire la mortalité maternelle puisque le système de santé repose sur les ressources humaines et les ressources humaines de qualité », a-t-elle expliqué. Pourtant, «les sages-femmes sont formées et ne sont pas recrutées et déployées. Des concours sont organisés pour absorber ces sages-femmes diplômées d’Etat mais l’effectif à chaque concours ne couvre pas les besoins. Les équipes qui assurent les services de gardes ne sont pas en nombre suffisant ».
Effectivement, il faut se rendre dans un hôpital public pour constater de visu cette réalité douloureuse. Des dizaines de femmes enceintes, dans leur état difficile, doivent faire la queue pendant des heures et dans des conditions ahurissantes avant de se faire consulter. Ces femmes doivent encore supporter les humeurs des sages-femmes dues principalement à leur difficile condition et matériel de travail. Une situation qui n’encourage pas les femmes enceintes à se rendre dans les hôpitaux publics. La majorité de ces futures mères n’a pas les moyens de se payer des soins de qualité dans les cliniques dignes de nom. Elles se rabattent soit sur des cliniques clandestines soit s’offrent à la médecine traditionnelle. Malheureusement, certaines d’entre elles meurent faute d’une prise en charge appropriée.
Ainsi, tout en préconisant, le recrutement d’un nombre conséquent de sages-femmes, l’ASSAFETO demande que l’accent soit mis également sur la qualité de la formation. « Depuis la production, l’école de base, il faut être conséquent dans l’effectif qu’on recrute pour la formation parce qu’il y a quand-même des normes qui régissent la formation. Il faudrait que le ratio apprenant-formateur soit respecté. Il faut que le cadre physique réponde aux normes, il faut que l’outil didactique soit présent et que l’équipement soit au point en vue de l’acquisition de bons réflexes », avait martelé la présidente de l’association.
Au-delà des difficultés susmentionnées, il y a aussi l’épineux problème du matériel et des infrastructures. C’est dire que cette question de la mortalité maternelle et néonatale doit être abordée dans toute sa globalité pour des résultats probants. Mais comme toujours, le gouvernement a préféré fermer les yeux sur la réalité, pour se lancer dans un programme, certes louable, mais qui semble être en déphasage avec la réalité. C’est malheureusement cela le drame d’un gouvernement aux antipodes des besoins réels de sa population.
Source : Fraternité