« Tout le monde savait que c’était impossible à faire. Puis un jour est venu un homme qui ne le savait pas. Et il l’a fait ».
Winston Churchill, homme politique britannique
Puisque les Togolais sont en panne d’idées pour l’alternance, voici une recette qu’on peut essayer.
Selon les confidences d’un ancien diplomate américain, au plus fort de la répression du mouvement démocratique en 1991, sentant que le Général Eyadema ferait le pire pour anéantir la contestation naissante contre son régime, un diplomate en poste au Togo se pointa à la présidence et lui dit ceci : « Monsieur le Président, ce qui se passe chez vous se passe partout en Afrique. Mais vous, vous êtes différent et vous devez faire les choses différemment. Vous avez fait beaucoup pour la paix en Afrique. Si vous laissez cette répression continuer, vous n’aurez pas le prix Nobel de la paix que vous méritez. Le monde vous regarde et tout le monde veut voir si vous méritez ce prix Nobel. »
La suite ? Eyadema ordonna aux militaires déployés dans les rues de Lomé de ne plus tenir des armes à feu, rien que des bâtons. Ça n’a pas arrêté la répression (les soi-disant éléments incontrôlés faisaient les sales besognes), mais ça a réduit le nombre de victimes. Des vies ont été sauvées parce que Eyadema rêvait d’un titre, celui du Prix Nobel. L’affaire est devenue un sujet de plaisanterie au sein de la communauté des diplomates accrédités au Togo qui savaient que le Général n’aurait rien qui ressemble à un prix Nobel.
Quiconque observe le régime militaire du Togo tirera certainement une conclusion : être vu comme un « bon élève » est le seul indicateur qui compte pour le régime et ce depuis le temps du père. Pour le régime, être vu comme un « bon élève » dans un domaine donné est plus important que tout ; mieux, ce titre est le souffle de vie et de survie du régime.
Pour amener le régime à leur céder des pans entiers de l’économie togolaise, les investisseurs étrangers répètent une formule magique: « Monsieur le Président, comme vous le savez, votre pays est un bon élève dans tel domaine. Nous voulons vous aider à aller plus loin et à être le meilleur dans le domaine». Et paf, la mayonnaise prend, on brade à tout vent, quel que soit le prix à payer par les Togolais.
Eh bien c’est cette carte du « bon élève » qui reste aux Togolais dans leur quête de l’alternance politique. Il faut que les Togolais prennent leur courage à deux mains pour dire à Faure Gnassingbé que s’il organise des élections auxquelles il ne se présente pas, et qu’il ne fraude pas en faveur d’un éventuel successeur, il fera figure de « bon élève de la démocratie ».
Mieux, dans le Livre Guinness des Records, on va créer une catégorie « Meilleur élève de la Démocratie », et le nom Faure Gnassingbé va figurer en première place (premier sans deuxième, s’il vous plait !). Croyez-le, la mayonnaise va prendre, tant le bonhomme cherche désespérément de nouveaux domaines dans lesquels il fera figure de « bon élève », depuis que le ballon du fameux « Doing Business » s’est dégonflé.
Imaginez qu’on promette à Faure un prix sur la démocratie au nom de laquelle on le critique tant ! Il va tellement bien faire qu’il finira par étonner le monde. S’il n’y a pas de Togolais pour aller lui faire cette proposition, on peut se cotiser, recruter trois ou quatre SDF (sans domicile fixe) dans les rues de Paris, les habiller en veste et cravate, leur payer un billet d’avion Paris-Lomé-Paris, payer leurs frais d’hôtel et leur obtenir une audience à la Présidence. Ça va marcher, pour peu que nos envoyés aient la peau blanche. Si cet habillage a marché au temps du père, cela marchera avec le fils.
Mais pensons très sérieusement au « Prix du bon élève de la démocratie » pour Faure Gnassingbé. De quoi remplacer ce scandaleux Doing Business et obtenir enfin l’alternance politique.
A Ben Yaya
New York, 26 Novembre 2021