Les chiffres sont effarants ; jusqu’à la date de mai 2021, notre pays comptait une population carcérale de 4906 détenus soit un dépassement des capacités réelles d’absorption qui est de 2889, ce qui représente mathématiquement, un taux d’occupation de 170% dans toutes les prisons du pays.
Ces chiffres préoccupants sont contenus dans une communication produite par l’Organisme Non Gouvernemental Amnesty International qui travaille depuis des années sur les droits de l’homme dans le monde, notamment aussi au Togo.
Pourtant, en 2016, le pays avait pris des engagements fermes devant la commission des droits de l’hommes des Nations-Unies en vue de veiller à décongestionner les prisons du pays en construisant de nouvelles et en recourant aux voies alternatives autres que la détention préventive. Malheureusement, depuis cinq années déjà, seule la prison de Kpalimé a été construite, alors que d’année en année, la population carcérale ne cesse d’augmenter d’une prison à une autre.
« Les autorités judiciaires continuent de recourir abondamment à la détention préventive. Sur les 4906 détenus, seuls 2144 étaient déjà condamnés au 1er mai 2021, soit un taux de détention provisoire de 56% par rapport à la population carcérale », révèle Amnesty. Ces chiffres sont naturellement étonnants d’autant plus que dans la pratique judiciaire, la règle reste la liberté et la détention sert absolument d’exception.
Comment peut-il alors s’expliquer que la population en position de détention provisoire en vienne à être largement plus grande que celle dont le sort a été effectivement tranché par la justice ? Cet état de fait donne le regrettable sentiment que les autorités judiciaires prennent du plaisir à délivrer des mandats de dépôts contre les prévenus même lorsque ceux-ci présentent des gages de représentativité qui constituent une alternative crédible devant justifier leur liberté de mouvement en attendant que la procédure soit conduite à son terme.
Le plus grave dans la conduite des procédures judiciaires reste la lourdeur et l’inconcevable lenteur qui ponctuent leur cours alors que les mis en cause sont dans les liens de la prison. Est-il besoin de rappeler, que la prison doit en réalité servir comme un cadre de redressement des personnes en conflit avec la loi, en vue de leur réinsertion sociale après qu’ils aient purgé de leurs peines. Ainsi lorsque les autorités judiciaires s’autorisent des détentions, parfois arbitraires, sans jugement et sans observer de célérité dans la gestion des dossiers des prévenus, cela donne l’impression que la prison est considérée comme un lieu de punition qui sert en même temps à réduire au silence des individus gênants soit de par leurs opinions, soit de par leurs positions.
En effet, tout le monde est susceptible de se retrouver un jour ou l’autre en prison. Peut-être du fait d’une inadvertance ou d’un piège ou de toute autre situation devant laquelle, l’on a manqué de vigilance et de présence d’esprit, une telle glissade peut survenir dans la vie de tout individu. Donc le fait de se retrouver en conflit avec la loi, n’est pas un sort qui est du ressort d’une catégorie spécifique de citoyens. Ainsi les personnes jouissant de leur liberté aujourd’hui, peuvent facilement se retrouver dans une situation inconfortable du jour au lendemain, qui pourrait les conduire à la case prison, quels que que soient leurs titres, leur rang social ou leurs faits d’armes en société.
Par conséquent, veiller à une vie convenable et descente des détenus, songer à limiter les risques de détention des citoyens, relève en réalité du simple bon sens qui indique par la même occasion, l’humanisme qui gouverne l’action des autorités d’un pays.
En effet, n’eut été la survenue de la pandémie de Covid-19, les détenus n’auraient pas droit à deux repas par jour dans les prisons au Togo. Il a donc fallu une telle maladie, pour que les autorités du pays se donnent la peine de consentir un deuxième repas pour les détenus en même temps qu’elles ont saisi l’occasion pour créer un hôpital à Tsévié en vue de traiter ceux parmi eux qui sont atteints de la maladie. En revanche, la même maladie a servi de prétexte aux autorités pour interdire, depuis mars 2020, toute visite aux détenus y compris celles des organisations de défense des droits humains.
Pendant ce temps, les femmes détenues ne sont toujours pas gardées par les agents de l’administration pénitentiaire féminins, même si certaines tâches comme les fouilles corporelles sont effectuées par le personnel féminin. « Les agents pénitentiaires ont reçu peu de soutiens pour se protéger de Covid-19 », a aussi constaté Amnesty International dans son enquête de terrain.
Tous ces éléments permettent de conclure, que l’égard que les autorités du pays portent sur les personnes détenues, qu’elles soient réellement en conflit avec la loi ou simplement résumées, n’est ni règlementaire, ni humain. Il y’a lieu, en conséquence, de les inviter à plus de compassion afin de garantir aux détenus, les droits que leur confère la loi.
Luc ABAKI