La situation qui prévaut actuellement au sein des entreprises de la zone franche inquiète l’ONG Solidarité et Action pour le Développement Durable (SADD). En conférence de presse le 29 décembre dernier à Lomé, l’association a réagi par rapport aux licenciements des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l’entreprise SOFANAT en avril 2020, ceux d’AMINA en octobre 2021. Elle a évoqué également le cas des centaines de travailleurs acquis à la cause de l’USYNTRAZOFE qui ont perdu leur emploi dans les mêmes conditions.
D’entrée, cette organisation non-gouvernementale a déploré les conditions « peu transparentes » de gestion des conflits sociaux dans lesquelles sont intervenus ces licenciements.
SADD dénonce également les conditions de travail « exécrables » dans les entreprises de AMINA et SOFANAT et désavoue la nouvelle pédagogie en matière de dialogue social dans la zone franche qui se traduit par la présentation d’une lettre de demande d’excuse ou de pardon du travailleur à l’employeur en cas de conflit social pour être accepté à nouveau comme travailleur dans l’entreprise.
Face à la situation, l’ONG SADD lance un appel de solidarité nationale et internationale en faveur des délégués du personnel et des délégués syndicaux, et des travailleurs licenciés des entreprises AMINA et SOFANAT pour avoir défendu les dispositions de l’article 1er de la déclaration de Philadelphie comme indiqué plus haut. Elle prévoit également une série d’actions pour mettre toute la lumière sur les crises sociales récurrentes dans ces entreprises de la zone franche et situer les responsabilités.
Et puis SADD demande au gouvernement de créer les conditions pour le respect
de la liberté syndicale et le droit de négociation collective conformément aux
conventions 87 et 98 de l’OIT dans le contexte de COVID-19 au Togo.
Voici en intégralité, la déclaration liminaire ayant sanctionné cette conférence de presse de l’ONG SADD !
Déclaration liminaire
LIBERTÉ SYNDICALE ET DROIT DE NÉGOCIATION COLLECTIVE EN PÉRIL AU TOGO DANS LE CONTEXTE DE LA COVID-19 :
SADD appelle à une solidarité nationale et internationale pour le respect de la liberté syndicale et le droit de négociation collective conformément aux conventions 87 et 98 de l’OIT dans le contexte de COVID-19 au Togo.
En avril 2020 et en octobre 2021, 36 délégués du personnel et délégués syndicaux ont été licenciés sur le champ d’honneur de la lutte pour la liberté syndicale et le droit de négociation collective respectivement dans les entreprises SOFANAT et AMINA en zone franche du Togo pour avoir demandé le dialogue social en vue de l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie.
Douze (12) délégués proviennent de SOFANAT et vingt-quatre (24) d’AMINA. Ils sont licenciés pour leur conviction que le travail n’est pas une marchandise, et que la liberté d’expression et d’association est une condition indispensable, gage d’un progrès soutenu, et que la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous.
Ils sont licenciés pour leur conviction que la lutte contre le besoin doit être menée avec une inlassable énergie au sein de chaque nation et par un effort international continu et concerté dans lequel les représentants des travailleurs et des employeurs, coopérant sur un pied d’égalité avec ceux des gouvernements, participent à de libres discussions et à des décisions de caractère démocratique en vue de promouvoir le bien commun.
Ils sont licenciés pour que prospère la liberté syndicale et le droit de négociation collective et que le travail décent devienne une réalité dans les entreprises de la zone franche du Togo.
En effet, la survenance de la COVID-19 en décembre 2019 dans la province du Wuhan en Chine et sa propagation rapide a mis sous pression chacun des pays qu’elle a touchés, et les crises politiques, économiques et sociales dévastatrices qu’elle a engendrées sur son passage, laissa entrevoir, pour l’avenir, une crise économique mondiale, difficilement gérable et plongera plus de 2/3 de la population mondiale dans une pauvreté endémique aux issues incertaines selon les prévisions du rapport de l’OIT intitulé «Observatoire de l’OIT : Le COVID-19 et le monde du travail, 2ème édition » publié le 7 avril 2020
Pour répondre à cette crise, à l’exemple d’autres pays de la sous-région ouest africaine, le Togo a pris une série de mesures, fort appréciables qui vont porter un coup dur aux activités socio-économiques.
Au titre de ces mesures, on peut retenir et celles principalement qui ont un impact direct sur la vie socio-professionnelle :
– Fermeture des établissements scolaires, des lieux de cultes, des frontières, des lieux de loisirs (discothèques et autres) ;
– Instauration de couvre-feu de 20 heures à 06 heures ;
– Interdiction de déplacements interurbains etc…
Ces mesures ont ainsi créé de nouvelles obligations en matière de relations professionnelles qui exigent de nouvelles formes alternatives d’organisation du travail et modes de vie pour s’y adapter.
Bien que l’administration du travail ait été prompte sur le plan sécuritaire à mettre une série d’actions de renforcement de capacités des médecins et inspecteurs du travail et de sensibilisation des employeurs et travailleurs dans les entreprises à fort risque de contamination pour endiguer la propagation de la COVID-19, des actions fort appréciées qui ont fait tache d’huile dans l’espace UEMOA, force est de constater que ces mesures prises n’ont pas été accompagnées malheureusement d’ordonnances visant à adapter le monde du travail aux nouvelles réalités nées de la crise sanitaire mondiale, ni appliquer de manière stratégique et efficace les directives et les recommandations de l’OIT en la matière.
Toutefois, SADD se félicite des efforts du gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire qui lui a valu le 2éme rang sur le continent Afrique et 15ème au plan mondial dans une évaluation mondiale réalisée par l’institut Lowy dans 98 pays dont les données sont disponibles. A ce jour, 29 décembre 2021, le Togo totalise 30 163 cas confirmés, dont 3781 cas actifs, 26 134 Personnes guéries 248 décès.
Cependant, SADD soutient que pour contenir cette crise, l’OIT a élaboré une série de directives et de recommandations sur le Dialogue Social, la protection et la sécurité de l’emploi afin de permettre aux acteurs de l’entreprise de mettre en place les mesures adéquates pour répondre aux problématiques liées à la réorganisation des activités, à l’aménagement des modalités et du temps de travail, aux questions de sécurité et santé au travail et la mise en œuvre des droits et obligations légales, réglementaires, conventionnelles et contractuelles réciproques des acteurs des relations professionnelles dans cette période particulière.
Pour ce faire, SADD a élaboré un ensemble de projets d’activités dont le but est de contribuer à créer les conditions d’un environnement sociojuridique approprié au côté du gouvernement dans ce contexte particulier en termes de réponses vitales au monde du travail, notamment aux dizaines de milliers de travailleurs togolais des secteurs vulnérables de la zone franche, des mines, des BTP, de l’hôtellerie etc. et des populations des communautés hôtes des installations minières touchées par la crise sanitaire mondiale de la COVID-19.
Mais force est de constater que les droits des centaines de milliers de travailleurs ont été bafoués, voire violés contre toutes dispositions pertinentes législatives, conventionnelles et contractuelles dans plusieurs secteurs due travail dont les plus criards et emblématiques dans les entreprises de la zone franche, notamment à SOFANAT et à AMINA.
Au regard de ce qui précède, SADD déplore les conditions peu transparentes de gestion des conflits sociaux dans lesquelles sont intervenus les licenciements des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l’entreprise SOFANAT en avril 2020, ceux d’AMINA en octobre 2021, et des centaines de travailleurs acquis à la cause de l’USYNTRAZOFE qui ont perdu leur emploi dans les mêmes conditions que leurs représentants légaux dans ce contexte de COVID-19.
SADD soutient que les conditions de travail dans les entreprises de AMINA et SOFANAT sont exécrables depuis plusieurs années et dénonce la nouvelle pédagogie en matière de dialogue social dans la zone franche qui se traduit par la présentation d’une lettre de demande d’excuse ou de pardon du travailleur à l’employeur en cas de conflit social pour être accepter à nouveau comme travailleur dans l’entreprise, une pratique qui a cour actuellement dans une impunité totale pour enterrer la liberté syndicale et le droit d’organisation et de dialogue social dans les entreprises déjà hypothéqués par les nouvelles dispositions des articles 13 alinéa 8 ; 14, alinéa 1 et 267 du nouveau code du travail du 18 juin 2021. A titre de régression sociale en matière de liberté syndicale, l’article 13, alinéa 8 place désormais la création du syndicat sous un régime d’autorisation remettant ainsi en cause l’ancien régime de déclaration consacré depuis des décennies.
Stupéfaite par les récentes évolutions sur les questions de la liberté syndicale et du droit d’organisation et de négociation collective, SADD interpelle le comité international sur la liberté syndicale de l’OIT sur ce recule que connaît le Togo par rapport à la mise en œuvre des conventions 87 et 98 qu’il s’est donné librement la peine de ratifier.
SADD reste très préoccupée par la situation qui prévaut au sein des entreprises de la zone franche et va lancer une série d’actions concertées pour mettre en évidence sans complaisance les conditions de travail et de vie dans ces entreprises avec un focus sur AMINA et SOFANAT afin de procurer des informations pertinentes à l’administration du travail et au gouvernement en termes de constats, des faits tangibles à titre illustratifs, des contradictions aux lois applicables, du rôle, du manquement et de l’échec des autorités en charge de l’application des lois sans perdre de vue les défis soulevés afin que le gouvernement puisse mettre en œuvre les obligations existantes qui incombent aux Etats de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, et la nécessité que les droits et les obligations s’accompagnent des voies de recours appropriés et efficaces en cas de violation conformément à la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l’OIT.
SADD lance un appel de solidarité nationale et internationale en faveur des délégués du personnel et des délégués syndicaux, et des travailleurs licenciés des entreprises AMINA et SOFANAT pour avoir défendu les dispositions de l’article 1er de la déclaration de Philadelphie comme indiqué plus haut.
De plus, une série d’actions sera articulée de manière à mettre toute la lumière sur les crises sociales récurrentes dans les entreprises de la zone franche avant et pendant la crise sanitaire et situer les responsabilités. Le rapport complet des informations recueillies sera mis à la disposition du gouvernement au moins un mois avant la prochaine Conférence Internationale du Travail de l’OIT.
Pour finir SADD demande au gouvernement de créer les conditions pour le respect de la liberté syndicale et le droit de négociation collective conformément aux conventions 87 et 98 de l’OIT dans le contexte de COVID-19 au Togo.
Fait à Lomé le 29 décembre 2021
Le Coordonnateur Général SADD