Emmanuel Macron a donc été réélu ce dimanche 24 avril 2022 pour un deuxième mandat. Quelle politique africaine doit-il mener lors de ce second quinquennat ? Que faut-il poursuivre ? Que doit-il changer ? Pour en parler, Brice Makosso, figure de la société civile congolaise et coordonnateur de Tournons la Page au Congo Brazzaville.
RFI : Quels sont les changements que vous souhaitez voir advenir dans la politique africaine d’Emmanuel Macron dans le prochain mandat ?
Déjà, nous espérons que la France va réellement s’engager aux côtés des Africains pour bâtir la démocratie en Afrique. Nous souhaiterions que le président Macron soit le véritable héritier du message de La Baule en ce qui concerne la démocratisation en Afrique.
Vous dites « réellement s’engager aux côtés des Africains », ça n’a pas été le cas pendant le premier mandat d’Emmanuel Macron ?
Je suis un peu sceptique, parce que depuis la fin du mandat du président Hollande, nous avons vu se développer en Afrique la pratique des changements de Constitution pour permettre à des dirigeants de se maintenir au pouvoir, et cette pratique malheureusement s’est poursuivie pendant le mandat du président Macron. Ça a été le cas notamment en Côte d’Ivoire, en Guinée, mais aussi avec le changement dynastique au pouvoir au Tchad, et là nous avons été tristes de voir que la France s’était pleinement engagée aux côtés de cette succession dynastique.
Vous attendez donc un discours plus clair des autorités françaises en matière de démocratie ?
Nous attendons un discours plus clair, des condamnations en cas d’élections truquées, un véritable changement en ce qui concerne les principes constitutionnels qui favorisent l’alternance démocratique au pouvoir. Mais nous attendons aussi un réel appui de la coopération française aux sociétés civiles africaines.
Quels sont les dossiers africains qui par ailleurs doivent remonter selon vous dans la pile de dossiers à traiter à l’Élysée ?
Je souhaiterais que le président Macron prenne le leadership pour créer ce qu’on appelle le Frontex des capitaux.
Frontex des capitaux, du nom de cette opération de contrôle de l’immigration ?
Exactement. Disons qu’il y a trop d’argent qui quitte l’Afrique pour aller dormir tranquillement dans les comptes bancaires en Occident, alors que nous avons besoin de cet argent pour construire nos pays, ici en Afrique. Le genre de principe comme la liberté de transfert dont bénéficient les multinationales dans nos pays devrait être révisé. Encourager les multinationales à réinvestir une partie des bénéfices en Afrique, cela pourrait aider à construire des relations plus justes entre la France et les pays africains.
Certaines voix en Afrique, Brice Makosso, réclament la fermeture des bases françaises. Est-ce que c’est quelque chose qui vous semble souhaitable ?
Je pense qu’on devrait profiter de la présence de ces armées qui sont encore sur le sol africain pour réaliser un véritable transfert de connaissances ou de capacités, afin que nos armées soient capables d’occuper réellement l’Afrique au moment opportun. Mais je ne pense pas qu’il soit urgent de demander tout de suite le départ des troupes françaises dans l’état actuel de nos forces armées ou de nos forces de police, puisque nous voyons que nos armées ou nos polices ne sont pas très formées en matière de respect des droits humains. Là aussi, il faudrait réaliser un vrai transfert de connaissances afin que nous ayons des polices africaines respectueuses de la dignité de la personne humaine.
On a vu ces dernières années monter un sentiment anti-France dans de nombreux pays, comment est-ce qu’on peut inverser la tendance selon vous ?
On a l’impression que la France est plus à l’écoute des dirigeants africains que des peuples africains. Je pense qu’il revient à la France d’être du côté des peuples. Et donc là, je pense qu’il y a des efforts à faire en matière culturelle, en matière de bourses de formation.
Mais est-ce que le sommet de Montpellier en octobre dernier n’a pas été un premier pas important dans ce changement ?
Nous attendons des actes et non pas des promesses ou des paroles. Nous sommes heureux des conclusions du sommet de Montpellier, mais maintenant nous attendons qu’elles s’appliquent concrètement.
Source: RFI/ Invité Afrique