Présidentielle 2022: un souffre-douleur si commode

Bien malgré eux, les Africains sont, une fois encore, « utilisés » dans la campagne pour l’élection présidentielle française pour nourrir les thèses xénophobes.

À cette même heure, la semaine prochaine, nous serons à la veille du premier tour de la présidentielle, en France. Et c’en sera fini d’une campagne marquée, vue d’Afrique, par la déclaration d’un des candidats d’extrême-droite, faisant des Sénégalais des trafiquants d’un certain type de drogue. Il promet de les renvoyer chez eux, s’il était élu président. Comment comprendre cette déclaration, qui n’a pas offusqué que les Sénégalais ?

Dans les campagnes présidentielles, en France, les propos de ce type sont devenus un classique, ces dernières décennies. Dans une surenchère qui n’est, hélas, pas le monopole de la seule extrême-droite, l’Africain est un souffre-douleur bien commode, pour certains politiciens baignant dans la facilité et le mépris.

Certains se souviennent sans doute des déclarations de cette figure majeure de la vie politique française, qui disait pourtant vénérer Félix Houphouët-Boigny, et aimer l’Afrique et les Africains, mais n’avait pu s’empêcher de stigmatiser la famille africaine nombreuse, réputée fainéante et « profiteuse », accumulant des revenus mirobolants, grâce aux prestations sociales, et rendant les Français du voisinage fous, avec « les bruits et les odeurs ».

« Avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais chez nous, ça pose moins de problèmes », concluait Jacques Chirac, devant un vaste auditoire, en juin 1991, à Orléans. À ces propos font échos ceux que l’on a pu entendre, ces dernières semaines, sur les réfugiés ukrainiens, qui seraient plus acceptables, question de culture, que d’autres !

Face à un tel mépris, les générations africaines d’avant préféraient serrer les dents, pour ne pas exploser de colère. Les jeunes d’aujourd’hui, parfois, répliquent avec vivacité, ou alors, traitent à leur tour par le mépris ce qu’ils perçoivent comme de la duplicité, puisqu’on leur fait, croire qu’on les adore, lorsqu’ils se nomment Mbappé, Benzéma, Kanté, Tchouameni, et portent haut les couleurs de la France, mais que l’on stigmatise leurs frères et sœurs, qui ont eu moins de chance. Comme si le Pogba qui joue pour la Guinée était moins homme que le Pogba qui joue en équipe de France.

Ces politiciens vous diront ne stigmatiser que les délinquants sénégalais !

C’est à vérifier. Ces Sénégalais présumés délinquants ne sont pas en France par hasard. Ils sont pareils aux franco-sénégalais. Pour espérer, de temps à autre, quelques talents qui aident la France à remporter la Coupe du monde de football, ou honorent la langue française et enrichissent la culture de ce pays par leurs qualités artistiques, il faut prendre le risque d’admettre qu’il puisse y avoir, aussi, quelques-uns qui s’en sortent moins, et finissent même délinquants, comme dans toute société humaine.

En somme, vous suggérez que l’on ne préfère pas ceux qui brillent à ceux qui ont moins de chance ou de talent. Est-ce bien cela ?

Même le présumé délinquant peut s’avérer talentueux et faire, un jour, résonner « La Marseillaise » dans un stade olympique ; ou sauver un enfant sur le point de tomber du troisième étage d’un immeuble. Son fils peut devenir un grand portier pour les Bleus, sa fille, une artiste talentueuse… Que serait devenu Paris si, dans les années soixante-dix et quatre-vingts, il n’y avait eu, pour débarrasser la ville de ses ordures et la préserver d’épidémies diverses, des éboueurs venus du fin fond du Mali, du Sénégal ou d’ailleurs ? Dans l’histoire commune à la France et à ses anciennes colonies, si l’on aime le meilleur, alors, il faut apprendre à accepter le moins bon, et même le pire, d’où peut aussi surgir le meilleur.

Dans une nation qui a conscience de sa diversité, ceux qui souffrent et peinent à se faire une place méritent autant le respect que ceux qui affichent une certaine réussite. Car, tout homme est homme.

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