Après l´annonce du verdict par la juge londonienne Deborah Taylor, Boris Becker qui vient d´être condamné à deux ans et demi de prison ferme, se saisit de sa petite valise, jette un dernier coup d´oeil à son fils aîné Noah et à sa compagne avant de disparaître par une porte de derrière accompagné par une employée du tribunal. L´ancienne star du tennis fut directement conduite en prison. À 54 ans, l´athlète d´exception qui jadis à 17 ans, venu presque de nulle part, conquit en solo la tribune mondiale du sport et particulièrement du tennis, est aujourd´hui au bout du rouleau, ruiné et condamné.
La ville de Londres aura été le lieu du destin pour Boris Becker. Ses plus grands succès eurent lieu dans la capitale anglaise; le tournoi de Wimbledon qu´il gagna trois fois fit du jeune allemand la star mondiale qu´il fut. Le monde du tennis le vénérait comme un dieu. Et ironie du sort ou du destin, c´est à quelques kilomètres de Wimbledon, lieu de ses succès, qu´aujourd´hui la juge Deborah Taylor scella son sort en le condamnant à deux ans et demi de prison; et le lieu où il purgera sa peine se situe également à moins de trois kilomètres du prestigieux court de tennis où Boris Becker fêta ses plus grands exploits.
Pourtant le natif de la ville de Leimen en Allemagne était bien parti pour mener une vie de prince jusqu´à la fin de ses jours. Devenu le numéro 1 mondial à 17 ans, allant de succès en succès, il avait eu beaucoup d´argent. Boris Becker avoua lui-même au tribunal que sa fortune accumulée pendant sa carrière entre 1984 et 1999 s´élevait à 25 millions de dollars américains, que ses gains publicitaires pouvaient également avoisiner la même somme, et qu´il était horrifié et surpris qu´une telle aussi grande fortune ne soit plus là. En tentant de le sauver de la condamnation, son avocat-défenseur adopta un ton émotionnel pour décrire la situation de son client: «Il n´a pratiquement plus rien, il ne va plus trouver du travail, sera dépendant de l´aide des autres…» Essayant d´expliquer l´origine de ses déboires, Boris Becker déclare au tribunal avoir fait confiance à ses conseils. Il n´avait pas manqué d´évoquer ses soucis privés; par exemple les millions qu´il dut payer à son ex-épouse Barbara après leur divorce, l´aide qu´il apporte à sa fille Anna Ermakowa, à son épouse Lilly avec laquelle il vit actuellement séparé et à leur fils commun. Et pourtant Boris Becker menait une vie princière dans un quartier hupé de la capitale anglaise.
Il y a trois semaines un jury a déclaré Boris Becker dans 4 sur 24 points coupable. Déclaré insolvable en 2017 à Londres, il devait, selon la procédure, rendre publics tous ses biens. Les membres du jury ont estimé que Boris Becker a omis de déclarer une maison d´une valeur 1,2 millions d´euros qu´il possède dans sa ville natale en Allemagne. Il aurait également caché ses actions d´une valeur de 78.600 euros dans une firme et une dette de 825.000 euros. Le fait que l´ancienne star de tennis ait effectué des virements d´un montant de 427.000 euros de façon illégale sur plusieurs autres comptes n´était pas non plus de nature à arranger sa situation. Si en Allemagne son pays natal, il est devenu depuis longtemps la risée de beaucoup à cause de ses nombreuses histoires de femmes, Boris Becker jouissait jusque-là d´une grande considération en Angleterre où il est toujours vu comme une grande légende du tennis. Il était commentateur sur BBC et personne ne sait si après la prison il pourrait continuer ce travail. Condamné à deux ans et demi, il devrait passer au moins la moitié de la peine (1 an 3 mois) en prison avant d´espérer recouvrer la liberté; mais en attendant Boris Becker a 28 jours pour faire appel avant que la condamnation n´entre en vigueur; mais il n´est pas du tout sûr qu´il obtienne gain de cause de ce côté-là.
Même ruiné, Boris Becker avait encore des moyens financiers pour corrompre les juges et éviter la condamnation comme il est malheureusement de coutume dans les républiques bananières, surtout comme chez nous au Togo où juges et avocats sont devenus plus commerçants que diseurs de droit; où la justice est devenue depuis longtemps un instrument de répression contre le peuple entre les mains de la dictature. Cette condamnation d´une ancienne star du tennis prouve que dans les pays où l´état de droit est une réalité, le ou la juge est libre de dire le droit selon le dossier qu´il ou qu´elle a sous les yeux, et surtout selon sa conscience. La justice, la vraie, ne devrait pas avoir peur des grands noms, qu´ils viennent du monde sportif, musical ou politique.
Bibliographie: Haller Kreisblatt du 30/04/2022 (Quotidien régional)
Samari Tchadjobo