Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’Homme et l’environnement, le Professeur David Boyd, a critiqué le gouvernement togolais et d’autres d’Afrique de l’Ouest pour n’avoir rien fait pour reconnaître le travail des personnes qui s’efforcent de rendre le monde plus juste, plus équitable, plus pacifique et plus humain.
S’exprimant lors du lancement officiel d’un rapport d’évaluation de base sur la situation des défenseurs des droits humains basés en Afrique de l’Ouest et en Guinée équatoriale le 30 juin 2022, le rapporteur spécial des Nations Unies a fait observer que malgré le besoin d’un plus grand nombre de défenseurs, le plaidoyer pour la protection de l’environnement et des droits de l’Homme est devenu une activité dangereuse dans beaucoup trop d’États.
« Au Bénin, au Burkina Faso, au Cap-Vert, en Côte d’Ivoire, en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, en Guinée équatoriale, au Liberia, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Nigeria, au Sénégal, en Sierra Leone et au Togo, nous observons des tendances communes », a déclaré le professeur David R. Boyd.
Le fonctionnaire de l’ONU a désigné des environnementalistes, des agriculteurs, des femmes leaders, des autochtones, des avocats, des scientifiques, des dirigeants communautaires, des journalistes et des militants des médias sociaux comme des personnes dont le plaidoyer pour un monde juste et durable est criminalisé.
« Pourtant, au lieu d’être célébrées et honorées, ces personnes courageuses font l’objet de harcèlement, d’intimidation, de violence et même de criminalisation. Les gouvernements utilisent la loi comme une arme, réduisant l’espace civique et parfois même approuvent les exécutions extrajudiciaires », a déclaré le Professeur Boyd.
Le rapport intitulé : « Securing the Firewall and Connecting the Unconnected : Frontline Defenders Across West Africa » a été réalisé entre fin 2020 et début 2021 par la plateforme de la société civile de l’Union du fleuve Mano sur les droits naturels et la gouvernance, un réseau de défenseurs de la terre, de l’environnement et de l’Homme en Afrique de l’Ouest.
Le Togo et la loi
L’étude a dépeint un tableau sombre du système juridique togolais contre les défenseurs des droits de l’Homme. Selon elle, malgré la pléthore d’arsenal juridique au niveau national, continental et même mondial, les violations des droits de l’Homme continuent de se multiplier dans plusieurs pays du monde, notamment ceux en développement. Ces violations touchent des personnes animées par la volonté de défendre les droits des plus faibles, des communautés et des minorités au prix de leur vie. Ces personnes communément appelées Défenseurs de l’environnement et des droits de l’homme (DHR) mettent également en avant dans leurs combats quotidiens les droits économiques, sociaux et culturels des individus.
Depuis janvier 1967, la famille Gnassingbé, à travers feu le Gal Etienne Eyadema, est la plus ancienne dynastie régnante en Afrique. En 2005, à la mort du président Gnassingbé Eyadema, son fils Faure Gnassingbé est arrivé au pouvoir avec le soutien de l’armée à travers des élections frauduleuses.
Ce mode d’accession au pouvoir, qui n’est pas conforme aux principes démocratiques universellement reconnus, a donné lieu à des exactions post-électorales qui, selon Amnesty International, ont fait un millier de morts, des blessés graves, des mutilés à vie et entraîné un exode massif de la population. Les manifestations de protestation sous l’impulsion des partis d’opposition avaient été sauvagement réprimées dans le sang par la soldatesque.
En 2017, les DDH, s’appuyant sur des mobilisations de masse et des campagnes internet, ont exigé le rétablissement de la limitation des mandats présidentiels conformément à la constitution d’octobre 1992, malheureusement tripatouillée au début des années 2000 par un parlement monocolore conquis au pouvoir. Réagissant à l’événement, ce mouvement populaire a réclamé la fin de la corruption. Le gouvernement a notamment cru devoir couper l’Internet pendant neuf jours.
L’année suivante, une nouvelle loi sur la cybersécurité a été adoptée par le gouvernement, criminalisant la publication de fausses déclarations et les “atteintes à la moralité”. Elle autorisait également la surveillance électronique. Quant aux DDH, ils ont remporté une petite victoire grâce à l’adoption d’une loi non rétroactive en 2019 limitant le mandat présidentiel à 5 ans, renouvelable une fois.
Restriction des Libertés Fondamentales
Quant à la liberté de réunion, garantie par la constitution, elle a été modifiée par de nombreux textes restreignant son champ d’application. Une loi de 2011 a introduit un système de notification des rassemblements, ce qui est sans doute mieux que l’autorisation précédemment en place, mais la loi est très vague quant à son application. Selon le code pénal de 2015, les rassemblements qui n’ont pas été correctement notifiés peuvent entraîner des amendes et des peines de prison.
Ce nouveau code pénal a également rétabli les amendes pour diffamation. En 2019, la loi sur les manifestations politiques publiques, communément appelée « Loi Bodjona », a été modifiée. Des restrictions notables ont été imposées sur les heures de début et de fin ainsi que sur la durée et le lieu des manifestations.
Au Togo, les manifestations sont souvent sauvagement réprimées. Malgré les dénonciations des partis d’opposition et des organisations de la société civile qui fustigent cette pratique, elles ont toujours lieu. En 2015, sept personnes ont été tuées lors d’une manifestation.
Tuer les manifestants
La manifestation a été sévèrement réprimée par des hommes en uniforme. Les défenseurs des droits humains tués protestaient contre le déplacement de résidents pour créer une réserve naturelle. Lors des manifestations qui ont éclaté en 2017, une dizaine d’adultes et trois enfants ont été tués, une soixantaine de personnes arrêtées.
En 2018, à la suite de protestations populaires contre la limitation des mandats présidentiels, les autorités ont temporairement interdit les manifestations. Au Togo, on a souvent recours à une force excessive, comme la torture, même si le code pénal la criminalise. En effet, lors des procès, de nombreux accusés déclarent avoir été torturés lors de leur garde à vue. En dehors des textes qui condamnent et répriment la torture au Togo, rien n’est fait au sommet de l’Etat pour décourager cette pratique.
Lors de la dernière session de l’Examen Périodique Universel, les Nations Unies ont vivement interpellé le Togo sur l’interdiction des manifestations de la population. La loi dite ” Boukpessi” a été fortement critiquée. Mis devant le fait accompli, le pays s’est engagé à réviser cette loi. Cette décision a été saluée par la société civile, les partis politiques et les organisations de défense des droits de l’homme.
Malheureusement, à peine une semaine plus tard, on assiste à un revirement complet. Le ministre de la Fonction publique a balayé d’un revers de main l’engagement pris devant la Commission des droits de l’homme. En effet, s’exprimant dans l’émission “Forum” sur New World TV, Gilbert Bawara a maintenu que son gouvernement ne procédera à aucune révision de la nouvelle loi dite « Boukpessi », un texte considéré comme liberticide et désavoué par quatre rapporteurs spéciaux des Nations Unies (ONU).
« Il n’y aura pas de révision de cette loi. Lorsque les Nations Unies donnent leur avis, nous pouvons y souscrire et agir en fonction de cet avis. Mais lorsque cet avis est en décalage avec nos intérêts fondamentaux, nous ne pouvons pas l’écouter. Nous sommes mieux placés en tant que gouvernement et en tant que Togolais pour savoir ce qui est dans l’intérêt de la sécurité, de la paix et de la stabilité du Togo », a-t-il déclaré.
Ce revirement spectaculaire du ministre Bawara a fait réagir plusieurs acteurs, dont le président (d’alors) du CACIT, André Afanou. Pour lui, cette loi dite « Boukpessi » représente un grand danger pour le régime lui-même. « Retirer à un peuple la liberté de manifester pacifiquement pour exprimer ses désaccords avec ses dirigeants, c’est créer des frustrations, c’est aussi et surtout priver ce peuple du droit de dire non quand il n’est pas d’accord. Et c’est tout simplement dangereux lorsque certains faucons s’opposent à la révision » a-t-il souligné.
Le système judiciaire
Quant au système judiciaire, qui reste déficient malgré la mise en œuvre du programme de modernisation, il est impliqué dans des affaires de corruption.
La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) du Togo, qui est entièrement conforme aux principes de Paris, a créé un mécanisme contre la torture en 2016, bien que l’organe ne soit pas totalement indépendant du gouvernement en raison du droit du président de la République de nommer certains des membres de cette institution. Il y a quelques années, un rapport produit par cette commission qui mettait en cause des officiels dans une affaire de violations massives des droits humains a été tronqué dans les sphères de l’État. Suite à la publication de la version ”révisée”, le président de la commission a critiqué la manœuvre et a dû s’exiler pour échapper à la fureur du gouvernement.
Le Togo a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention contre la torture, ainsi que le protocole de la Cour africaine. Le Togo travaille également à l’adoption d’une législation type pour la protection des DDH.
Au Togo, les textes internationaux qui garantissent les droits de l’Homme, notamment, sont comme ratifiés les yeux fermés par les autorités. Mais c’est leur traduction dans la réalité qui laisse toujours à désirer. En vain, la presse et les autres organisations de la société civile demandent aux pouvoirs publics de respecter ces textes. Seuls ceux qui arrangent le gouvernement sont appliqués.
La dernière visite du Togo au Comité des droits de l’Homme du 29 juin au 1er juillet a révélé que la situation des droits de l’Homme au Togo est toujours préoccupante, notamment en ce qui concerne la question de l’impunité, l’absence d’enquêtes, l’indépendance de la justice, la torture, les mauvais traitements et les mauvaises conditions de détention, malgré quelques progrès.
De l’avis de Me Claude Amegan, avocat et Président du CACIT, « cette situation doit une fois de plus renforcer notre engagement et notre vigilance dans le processus de l’EPU. Cela signifie inévitablement que nous devons travailler davantage pour formuler des recommandations réalisables, notamment la mise en œuvre des observations finales, après la session de l’EPU ».
Recommandations
Les recommandations générales du rapport au gouvernement togolais sont les suivantes :
- Renforcer la législation sur la protection des défenseurs des droits humains conformément à la législation modèle et inclure un mécanisme d’aide à l’application de la loi;
- Permettre au mécanisme de la Commission des droits de l’Homme contre la torture d’être indépendant plutôt que d’avoir des membres élus ;
- Abroger les lois qui restreignent la liberté d’expression et de réunion, notamment les dispositions autorisant la surveillance électronique, les restrictions aux manifestations et les accusations de diffamation ;
- Réduire le recours aux brutalités policières en tenant les autorités responsables des actes extrajudiciaires.
Toutes ces recommandations sont opportunes et devraient sonner le glas de l’anarchie qui prévaut au Togo malgré la ratification par le pays de textes internationaux garantissant la protection des droits de l’Homme, la liberté d’expression, d’opinion et de manifestation publique à caractère politique et d’autres principes démocratiques universellement acceptés. La question est de savoir si les personnes au pouvoir seront en mesure de mettre en œuvre ces recommandations.
Prochaines étapes
Les conclusions du rapport suggèrent que malgré les nombreux incidents d’attaques de représailles et d’assassinats contre les défenseurs, perpétrés pour la plupart par des sociétés d’investissement étrangères et leurs gouvernements d’accueil, ces violations ne sont pas documentées et ne sont pas suffisamment signalées par les médias et les organisations de collecte de données.
Le lancement du rapport d’évaluation de base intervient après la validation du document par les défenseurs et les acteurs internationaux en mars 2021. La conférence a notamment adopté des recommandations appelant à l’adoption d’un traité sur les droits environnementaux à l’échelle de l’Afrique, sur le modèle de l’accord d’Escazu en Amérique latine, à la création d’un système de documentation pour suivre et signaler les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme en Afrique de l’Ouest et à la création d’une clinique pour les défenseurs.
Selon le président de la plate-forme de l’UFM-CSO, Dr Michel Yobuo (ivoirien), Directeur exécutif du Groupe pour la recherche et le plaidoyer sur les industries extractives (GRPIE), des plans sont déjà en cours pour le lancement d’un système de documentation en juillet 2022, afin de répondre à la sous-déclaration aiguë des attaques contre les défenseurs, qui sera connu sous le nom de “West African Frontline Grassroots Defenders Directory”, avec le soutien de Global Witness.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter le secrétariat de la plateforme SCO de l’UFM, basé à Monrovia, via whatsApp @ +231886529611. La plateforme est un réseau de défenseurs des droits fonciers, environnementaux et humains ; des communautés indigènes de première ligne affectées par les opérations des sociétés multinationales en Afrique de l’Ouest.
Ekué Kodjo KOUDOHAH
faure Gnassingbé était revenu de Milan le samedi 6 Aout. Il vient d’atterir à Florence, Italie encore ce soir lundi 8 Aout 2022. On se demande ce qui fait courir Faure Gnassingbé pour aller en Italie quotidiennement.
lui seul et son diable le savent
Il doit être malade car il fait se voyage presque chaque 2 ou 3 semaines. Le fait qu’il y retourne juste 2 jjours apres son retour d’Italie samedi indique que c’est sérieux.