Dans notre parution N°3635 du 14 juin 2022, nous évoquions le retour au pays de Gilchrist Olympio, fils de feu Sylvanus Olympio et président de l’Union des forces de changement (UFC). Le 09 juin dernier, l’opposant allié au régime de Faure Gnassingbé était revenu au Togo. A l’annonce de ce retour, nombreux sont les Togolais qui avaient pensé qu’enfin, la tempête que traverse le parti allait être apaisée. Il n’en est rien. L’homme serait reparti sur la pointe des pieds, laissant ses militants s’entredéchirer.
Depuis la signature de l’accord de gouvernement avec le parti au pouvoir en 2010, l’UFC a entamé une descente aux enfers. D’abord, Gilchrist Olympio a perdu le soutien des membres influents du parti, mais aussi de la quasi-totalité des militants. Ce qui a donné l’apparition d’un autre parti, adulte dès la naissance, en l’occurrence l’Alliance nationale pour le changement (ANC). La sérénité affichée après le départ des ténors du parti va faire place, peu à peu, à une série de désertions qui finit par édulcorer la substance du parti à l’emblème du palmier.
Gilchrist Olympio va finalement se retrouver avec une poignée de fidèles dont l’ancien ministre sans portefeuille Elliott Ohin, actuellement au poste de la deuxième vice-présidence du parti. Le courant incarné par le rescapé de l’attentat de Soudou défend l’accord UFC-RPT, mais relève que les résultats escomptés à la signature de l’accord n’ont pas été tous atteints. « Notre ambition était à l’époque de faire évoluer le régime vers des réformes structurelles souhaitées par tous, et de poser les fondations nécessaires à une transition pacifique à terme (…) Nous avons continué à travailler, malgré les difficultés, à faire valoir les revendications sociales et économiques des Togolais dans les choix imposés par la majorité présidentielle en place (…) Comme vous le savez tous, ce choix était loin d’être facile. Il a suscité à l’époque beaucoup d’incompréhensions, des défections et de nombreuses critiques. Il s’est avéré coûteux pour notre formation à bien des égards (…) Mais pour réinventer l’avenir, l’UFC devra aussi faire le bilan des échecs des douze années qui viennent de s’écouler. Les choix difficiles que nous avons consentis pour faire avancer la nation togolaise vers la démocratie n’ont pas atteint les résultats escomptés », avait souligné le 2ème Vice-président, lors de la commémoration des 30 ans de l’attentat de Soudou.
L’autre camp qui réclame la paternité de l’UFC et qui semble avoir l’oreille attentive du pouvoir en place, c’est celui des « mangeons-club ». Il est constitué d’opportunistes défenseurs et soutiens indéfectibles du régime cinquantenaire des Gnassingbé. Ils sont présents à l’Assemblée nationale, mais aussi au sein de la machine à fraudes électorales de Faure Gnassingbé.
Quelques jours après le retour au pays de président national de l’UFC, une tendance s’est dessinée. Le « mangeons club » semble avoir l’onction du chef du parti pour agir. Puisque dans les images qui ont circulé, on ne voit nulle part le 2ème Vice-président du parti, preuve que sa mouvance a perdu la bataille de reconnaissance par le leader du parti. « J’ai rencontré sa famille biologique. Il semblerait que Fo Gil n’est pas venu dans le but de trouver une issue à la crise qui secoue son parti. Il n’a pas rencontré les deux camps pour tenter de concilier leurs positions. Son séjour à Lomé a été très court. 72 heures à peine », rapporte une source.
La crise reste donc irrésolue. Et encore une fois, le capitaine quitte le bateau en pleine tempête. Mais la question qui revient est de savoir si le parti va résister au présent naufrage. En l’absence de congrès pour renouveler ses instances et repartir sur des bases nouvelles, et dans le contexte d’imbroglio actuel, il est fort à parier que des dissidences vont avoir lieu. Ce n’est qu’une affaire de temps. Ceux qui vont perdre la bataille, et cela se dessine déjà malgré toute la légitimité dont ils jouissent, seront dans l’obligation de choisir entre obéir aux militants de la dernière heure ou s’éclipser du parti et de la scène politique. S’ils ont encore des ambitions politiques, il est logique qu’ils se donnent une nouvelle identité, pour exister. Dans tous les cas, il y a péril en la demeure.
La fin d’un parti mythique ? Toute chose a une fin, et l’UFC tend vers sa disparition. Quelle que soit l’issue de la bataille qui sévit au sein du parti, le vainqueur n’aura hérité que d’une épave, un zombie politiquement inapte pour conquérir l’électorat, mais aussi vomi par la population. La remobilisation de la base du parti que chantent certains sera à l’image d’une épreuve herculéenne. Déjà, il y a un désintéressement de la population vis-à-vis de la chose politique, sans oublier la déception incarnée par le parti et son leader.
Plusieurs décennies durant, « Yovovia (Le Blanc, Ndlr)», comme l’aimaient chanter les militants et sympathisants de l’opposition ainsi que les Togolais épris de démocratie, a incarné l’espoir d’un renouveau démocratique. Tous croyaient dur comme fer que Gilchrist Olympio, à l’image de son père, allait offrir au Togo un retour vers la démocratie. Jusqu’au jour où il a mangé son totem en pactisant avec le « diable ». A partir de cet instant, tout le sacrifice qu’il a consenti s’est envolé, lui et son parti devenant des épaves, politiquement.
G.A.
Source : Lberté / libertetogo.info