La cause de bâtir une Nation au Togo souffre toujours de la dictature persistante. Faure Gnassingbé doit s’en rendre compte et s’y résoudre, même à ses propres dépens.
Quitter le pouvoir pour faire advenir l’alternance et la démocratie au Togo honorerait Faure Gnassingbé qui aurait fait le choix d’accomplir la grande cause politique au Togo : réaliser l’unité propre à bâtir la Nation. Faute de temps, Sylvanus Olympio n’avait pas réalisé son objectif primordial de bâtir une Nation au Togo ; et faute de volonté et de sincérité, Gnassingbé Eyadema n’a jamais su faire pour réussir à bâtir la Nation Togo…
Connaissez-vous Horace Greeley ? Il y a 160 ans, un 20 août 1862 qui était plutôt un mercredi, Horace Greeley interpellait Abraham Lincoln sur la question centrale de l’abolition de l’esclavage que le président américain tardait à mettre en application ; c’était dans un célèbre éditorial : « The Prayer of Twenty Millions», ces millions d’hommes et femmes qui avaient voté pour l’élection du Président Lincoln et qui n’en pouvaient plus d’attendre des actions vigoureuses contre l’esclavage. Retour à la Promesse électorale de Lincoln lui-même, l’éditorialiste et fondateur de la Tribune de New York (New York Tribune) trouvait qu’une tiédeur s’était installée dans l’application des lois existantes contre l’esclavage, et qu’il était « absurde et futile » de combattre les États esclavagistes du Sud sans s’attaquer à la cause même de la guerre civile qui est l’esclavage.
Pacifiste véhément avant tout, un antiesclavagiste passionné, Horace Greeley a permis à ses concitoyens et au monde entier de savoir qu’en réalité, la préservation de l’Union, l’unité des États de la fédération américaine vacillante, cette sauvegarde des États-Unis d’Amérique était au-dessus de l’idéal de la fin de l’esclavage. En effet, dans sa réponse tout aussi publique à la Lettre ouverte du journaliste Horace Greeley, le président Abraham Lincoln a mis les choses au clair, tout convaincu qu’il est que tous les Hommes, hommes et femmes, naissent et sont créés égaux, quelle que soit la couleur de leur peau.
Sur la cause de la Nation, Abraham Lincoln fut très clair dans sa vision politique, à la limite même de l’inattendu :
« Mon objectif primordial dans cette lutte est de sauver l’Union, et ce n’est ni de maintenir ni d’éradiquer l’esclavage. Si je pouvais sauver l’Union sans libérer aucun esclave, je le ferais, et si je pouvais sauver l’Union en libérant tous les esclaves, je le ferais ; et si je pouvais sauver l’Union en libérant les uns et en laissant les autres dans l’esclavage, je le ferais également.
Ce que je fais à propos de l’esclavage et de la couleur raciale je le fais parce que je crois que cela aide à sauver l’Union ; et ce que je m’abstiens de faire, je m’en abstiens parce que je ne crois pas que cela sauverait l’Union. Je ferai moins chaque fois que je croirai que ce que je fais nuit à la cause, et je ferai plus chaque fois que je croirai que plus aidera la cause. J’essaierai de corriger les erreurs lorsqu’elles s’avèrent être des erreurs ; et j’adopterai de nouvelles vues aussi vite qu’elles paraîtront être de vraies vues. »
Appel impersonnel…
Voici venu le temps de la cause de l’Unité, la cause de la Nation, la cause de l’Alternance, la cause de la Démocratie, de la Réconciliation et du Développement au Togo. S’éterniser au pouvoir par crainte de représailles ne peut constituer une vision politique durable et soutenable dans le monde d’aujourd’hui, même si l’on s’appelle Faure Essozimna Gnassingbé, fils de son père tristement redoutable dictateur.
La semaine qui commence marque les deux ans et demi depuis la dernière élection présidentielle soldée par un vote massif des Togolaises et des Togolais pour l’alternance démocratique et pacifique. Depuis ce jour du 22-février-2020, la conviction est établie et la preuve est donnée que les citoyens du Togo désirent faire l’expérience du transfert pacifique du pouvoir d’un président de la République à un autre.
L’histoire du monde est ainsi auréolée : des situations ténébreuses jaillit souvent la lumière. L’ordinaire des peuples est ainsi fait : « On a vu souvent rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux ». Parce que tout peuple est programmé pour sa survie, depuis que les humains sont sur terre et ont su créer les conditions de leur perpétuation.
De toutes les façons, nul individu ne peut gagner contre la volonté de tout un peuple à s‘émanciper et à s’éloigner de l’absurdité de la tyrannie, celle qui enserre et dénature le Togo et ses enfants depuis si longtemps. Un pays comme le Togo s’accorde mal de la permanence de l’oppression des uns par les autres, et il s’accommode encore mal de l’incapacité d’un changement politique pacifique initié par les tenants du pouvoir eux-mêmes.
La cause de bâtir la Nation togolaise est parfaitement impersonnelle ; sa réalisation peut donc appartenir à toute époque et à tout citoyen. Faure Gnassingbé comme tout autre peut s’en emparer, se saisir de toute opportunité pour sortir le Togo de la comédie politique actuelle, un piège dont la fin est quasi certaine.
Voici venu le temps que la cause puisse prévaloir sur les intérêts passagers. Le destin du Togo ne peut pas qu’être le passage d’une tragédie politique à une comédie républicaine, d’une comédie politique à une autre tragédie nationalement partagée, au Togo et dans sa diaspora. C’est cette tragédie et cette comédie qu’il est temps de transformer en une cause noble, généreuse et partagée de tous ; une cause vivante et rassembleuse de toutes les énergies que regorge le Togo éternel.
À Faure Gnassingbé de jouer maintenant, plus que tout autre Togolais et avant tout autre citoyen, voici venu le temps que le cause de bâtir une Nation triomphe… Enfin !
Pierre S. Adjété