Le décès de quatre patients survenu le 7 octobre dernier au Service Réanimation du Centre national hospitalier universitaire (CNHU) de Cotonou, à la suite d’une coupure d’électricité reste l’actualité la plus brûlante au Bénin.
Trois jours après le drame, deux fonctionnaires de la division électricité de l’hôpital et deux agents d’une société prestataire dans le même secteur ont été gardés à vue par la brigade criminelle. Le 11 octobre, c’était au tour du Directeur Général du CNHU et du Chef Service Réanimation de répondre de ces décès devant la même structure policière. De l’interrogatoire du Directeur Général, on retient qu’il y a eu deux coupures d’électricité, la première, jeudi vers 13h30 <,et la seconde au petit matin du vendredi 7 octobre. Les auditions se sont poursuivies au cours de la semaine dernière et les enquêteurs n’ont pas écarté l’hypothèse d’une défaillance du côté du corps médical. Cerise sur le gâteau sanitaire, le Président Talon a saisi l’autorité de régulation du secteur de la santé.
Il ne s’en est pas tenu là, lui qui a dépêché une délégation auprès des familles des victimes pour présenter les condoléances de la nation. Wilfried Houngbedji, porte-parole du gouvernement, voit dans ce décès une autre cause que celle d’une coupure d’électricité. Pour lui, il s’agit probablement d’un dysfonctionnement. « C’est un drame. Quatre morts, c’est beaucoup. On a évoqué une coupure d’électricité qui, pour le gouvernement, ne peut pas avoir été à l’origine de ce drame. D’autant plus que le gouvernement a mis à la disposition du CNHU des groupes électrogènes de grande capacité, à l’état neuf. Nous en avons acquis en 2017 et nous en avons acquis pas plus loin qu’en 2021. Parmi ces groupes, il y en a un qui est dédié spécialement au service de réanimation. Ce qui veut dire que très probablement, en attendant les conclusions de l’enquête judiciaire, le gouvernement est convaincu qu’il y a eu un dysfonctionnement quelque part», a-t-il martelé, tout en calmant les esprits et promettant que « toute la lumière sera faite sur ce qu’il s’est passé ».
Que ce drame mobilise service de police, autorités gouvernementales et Président de la République est la preuve que les autorités se soucient tant soit peu de la vie de leurs citoyens. C’est d’ailleurs le moins que puissent faire des dirigeants d’un État de droit qui ne peuvent tolérer la banalisation de la vie humaine. Ne sont-ils pas à la tête du pays pour répondre des administrés ? À l’image du Bénin, le Sénégal avait connu le même drame en avril dernier, à cela près qu’il s’est agi du décès d’Astou Sokhna, cette femme enceinte qui a sans succès attendu une césarienne pendant des heures. Un drame qui a coûté à Amadou Guèye Diouf son poste de Directeur de l’hôpital. Le personnel de garde a été suspendu et les agents ont été mis à la disposition de la police. Macky Sall avait lui-même alors pris les devants et donné instruction de « faire toute la lumière sur les causes du décès afin de situer toutes les responsabilités». L’émoi suscité au Sénégal vaut celui suscité au Bénin. Avec d’aussi dissuasives sanctions, les agents de santé se sentent plus que motivés dans l’accomplissement de leur devoir, et se tiennent à carreau pour ne pas subir la juste colère de l’État.
Au Togo de Faure Gnassingbé, quand un patient meurt, il n’y a pas péril en la demeure ; c’est une chiure que le décès d’un patient, quand même le personnel en serait la cause. Il a fallu des récriminations sur la toile pour que les autorités sanitaires décident d’ouvrir une « enquête », après la mort gratuite de Ornella Laine en octobre 2021. Pas un mot de Faure Gnassingbé, aucune sortie de Victoire Dogbé, si ce n’est que le ministre de la Communication et des Médias et porte-parole du gouvernement Akodah Ayéwouadan, a présenté « au nom du Gouvernement », ses « sincères condoléances à la famille explorée, je puis vous assurer qu’une enquête interne est diligentée afin de situer les responsabilités ».
Bien malin qui peut dire aujourd’hui où en est cette enquête. Ce que certains présentent comme « de lourdes sanctions » n’a été qu’une « une exclusion temporaire de fonction d’une durée de trois (03) mois, le remboursement de la somme indûment perçue (…) ainsi qu’un retard d’avancement de deux (02) échelons » pour deux agents. Aucune sanction pour les premiers responsables de l’hôpital de Wétrivikondji. Comment peut-on aussi impunément banaliser la vie humaine ? Le silence des autorités témoigne de leur mépris pour la personne des Togolais. Avec de telles réactions, elles encouragent l’impunité où baigne souvent un personnel de santé aussi désinvolte que condescendant. Curieuse façon de diriger le peuple.