Considéré comme le roman de l’année (sic), « La Poétesse de Dieu » a été au cœur d’un Café Littéraire, le samedi 24 décembre dernier à Lomé. L’occasion pour l’auteur, David Kpelly de répondre aux différentes questions que se posent bon nombre de lecteurs, après avoir dévoré ce chef-d’œuvre de 302 pages, sorti en mars dernier aux Editions L’Harmattan.
« Ce roman m’a pris énormément du temps », a lancé le jeune écrivain togolais aux nombreux invités qui ont répondu présents à ce Café littéraire, et qui pour la plupart découvrent, pour la première fois, son visage. Durant plus de trois heures, l’auteur a été assailli de questions de tout genre, sur le style, les thématiques, le choix des noms des personnages et leurs caractéristiques… Le débat était surtout concentré sur les qualités et les défauts des personnages emblématiques du roman, notamment la jeune Alima Sallaye, Yao Aziawowovivina, Zopiro le Charognard, Ras Targui.
A en croire David Kpelly, le plus difficile dans la rédaction de ce roman, était la gestion de son obsession qui est le Togo. L’auteur avoue qu’il s’est fait violence pour ne pas parler du Togo dans son nouveau roman. « Ce qui a été difficile pour moi, c’est de ne pas revenir sur mon obsession qui est le Togo. Evidemment, lors de la rédaction, j’ai consacré une partie sur mon pays, mais j’ai dû extraire cette partie. Et cela a été le plus dur. Mais j’ai fait ce sacrifice pour ne pas dévier de mon objectif », a confié le « Prix littéraire France-Togo » en 2010.
David Kpelly connu pour son style assez particulier, caractérisé par une verve violente, une fantaisie, un humour au vitriol, n’a pas tari d’éloges à l’endroit de son aîné Sami Tchak. Il a dit avoir été très influencé par ce grand écrivain togolais qui n’est plus à présenter. « Mon grand frère Sami Tchak m’a beaucoup aidé dans la rédaction de ce roman. Je vous fais une confidence. Au début, le titre que j’ai choisi était ‘’Bomba Africa’’. Puisque le roman parle des grands maux qui minent l’Afrique de l’Ouest, notamment le terrorisme. Mais il m’a conseillé de le changer. (…) C’est grâce à lui que j’ai fait la découverte des grands auteurs russes dont certains sont référencés dans ce roman. Il m’a beaucoup influencé », a ajouté le jeune écrivain togolais qui, au cours de ce café littéraire, a profité de l’occasion pour dédicacer son livre.
Terrorisme, la plus grande crainte de David Kpelly
« La Poétesse de Dieu » est un véritable chef d’œuvre. Même le grand Kangni Alem, que David Kpelly remercie longuement durant la soirée, l’a reconnu. Il en fait la promotion et le recommande aux lecteurs. Ce livre dresse un panorama des grands maux qui minent l’Afrique de l’ouest aujourd’hui. Les crises sociopolitiques, la radicalisation des jeunes, le sentiment anti-français, la corruption des mœurs, le terrorisme islamiste…
Justement parlant du terrorisme islamiste, David Kpelly évoque sa plus grande crainte. Devant plus d’une trentaine de jeunes férus de littérature qui ont pris part à ce Café littéraire du Réveillon, samedi dernier à Lomé, l’auteur de « Le Général ne vit pas d’amour » a donné sa perception de ce grand fléau qui endeuille actuellement la sous-région.
« Le terrorisme est un sujet qui me tient à cœur. ‘’Celui qui court parce qu’il a vu le lion ne peut jamais courir plus vite que celui qui court parce que le lion l’a vu’’, disait Rigobert Song. Pour quelqu’un qui a vécu à Bamako et qui a vu tous les dégâts que le terrorisme a semés, ne pas en parler, serait faire preuve d’irresponsabilité. J’ai peur pour le Togo, mon pays », a lâché le jeune écrivain sur un ton assez sérieux.
Et de poursuivre : « C’était avant qu’on pensait être loin et à l’abri de ce fléau, qu’il ne touchera jamais les pays situés sur la côte. Mais aujourd’hui, nous sommes devant les faits accomplis. J’ai vu le Mali dégringoler. J’ai vu comment ce phénomène a détruit des vies. Je vois ça quotidiennement. C’est des centaines de morts par jour. La situation est telle que la presse n’en parle plus. On finit par l’accepter. Mais quand je vois les signaux pour le Togo, cela ne promet rien de bon.
Je voudrais que les gens prennent conscience de cette réalité. C’est sérieux ce qui se passe. Quelles que soient nos positions ou convictions politiques, je pense que personne ne peut souhaiter ça à son pays. Le gouvernement ne nous ment pas. Il faut prendre cette menace au sérieux », a-t-il alerté.
Le comble dans cette affaire, selon David Kpelly, c’est le fait qu’il est difficile aujourd’hui de dresser un profil exact du terroriste. « Aujourd’hui, il est difficile de tracer le profil exact d’un terroriste. Tout le monde intègre désormais ces groupes. Ce n’est plus une question de religion. C’est un phénomène complexe qui dépasse le simple fait de s’armer. Le Mali dépense la grande partie de son budget pour s’armer. Mais le phénomène sévit toujours. Quand tu sors du Bamako, tu es plus exposé. Lors de mes recherches dans le cadre de la rédaction de ce roman, j’ai sillonné quelques localités pour enquêter un peu sur le phénomène. Les propos que j’ai recueillis ne sont pas rassurants. Que ce soit le Mali ou le Burkina-Faso, le phonème est complexe et dépasse largement tout ce qu’on pouvait imaginer », a-t-il fait savoir.
L’auteur de « Apocalypse des Bouchers » ne compte pas rester les bras croisés face à ce fléau qui sévit déjà au nord du Togo. « Je crois qu’il faut organiser un campagne pour sensibiliser nos compatriotes sur le terrorisme », a-t-il conclu.