Il y a cinq ans, l’on nous informait que le train des élections législatives a démarré et que rien ne pouvait l’arrêter. Aujourd’hui, ce train est attendu pour son retour à la gare avec presque rien à se venter d’avoir fait un saut qualitatif en matière d’une avancée démocratique. C’est en ce sens qu’un ancien président de l’Assemblée Nationale n’avait pas hésité à affirmer : « cinq ans dans la vie de la République, c’est rien». Mais ce qu’il a oublié de dire, et c’est le côté cynique de son raisonnement, c’est que, cinq ans dans la vie des hommes pris individuellement, c’est beaucoup.
Tout se passe comme si on n’a fait que perdre le temps à notre peuple pour des strapontins. Thomas Sankara nous a donné un conseil qui reste d’actualité : il faut réinventer le futur de l’Afrique en osant être fou. Malheureusement, ce qui constitue notre mal à nous dans notre pays le Togo, c’est de ne pas croire en nous-mêmes. Ceci est dû au fait que le demi-siècle qui a suivi l’indépendance de notre patrie nous a encore plus enfoncé dans le manque de confiance en soi, surtout avec des échecs répétés sur fond des élections peu fiables qui ont fait le lit à la longévité d’un régime de plus en plus autocratique et qui s’apparente à une «dictature militaire à façade civile».
Le défi aujourd’hui , c’est comment empêcher le peuple togolais de penser qu’il n’y a plus d’espoir dans la mesure où, certains hommes et femmes politiques avides de gains et de pouvoir, non seulement sont prêts à brader les richesses du pays en s’associant avec l’oligarchie internationale et profiter des prébendes sur le dos du peuple, mais aussi et surtout expriment toujours cette volonté de restreindre l’espace de liberté et de dignité de leurs propres frères, cette liberté très chèrement acquise de haute lutte contre le pouvoir colonial.
Ainsi donc, il apparaît fondamental aujourd’hui que l’on doit se poser la question de savoir, comment redonner l’espoir à ce peuple meurtri, en se fondant sur la jeunesse qui constitue la majorité de la population, à partir des images positives auxquelles elle doit s’identifier comme un repère, pour se relancer dans l’investissement de son propre futur, et que les dirigeants de notre pays devraient voir comme porteuse de solution et non comme des ennemis à qui il faut lancer des missiles depuis le fleuve Oti sans se soucier des dégâts qui sont au-delà de l’humain pour ne pas dire sataniques.
Les échecs de tous les programmes de développements cette dernière décennie se présentent comme la résultante d’un manque de clairvoyance et d’anticipation sur les événements, un manque d’idéal et de vision marqué par une navigation à vue dans la gestion des affaires de l’Etat sur fond de non acceptation mutuelle, qui nous aurait préservé de toute vulnérabilité vis-à-vis de certaines pressions populaires, qui ont réussi à mettre à mal l’élan transformateur de notre pays aujourd’hui mis à rude épreuve.
Pour moi, l’année 2023 qui est une année électorale, doit être abordée avec beaucoup de courage et de dextérité, pour une remise en cause individuellement et collectivement, pour accepter et reconnaître que la situation que traverse notre pays, «socialement déchiré, politiquement divisé et économiquement exsangue» ne peut être changée que si nous mobilisons toutes les ressources humaines en vue de la bataille pour le Renouveau du Togo.
Il s’agit de l’ultime combat de tous les patriotes de tous les bords politiques, civiles comme militaires, pour la vraie libération contre la servitude et pour une émergence des hommes qui pensent vrai, qui rêvent juste, qui innovent et établissent de la cohérence entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font, pour porter haut le rêve de tout un peuple. Nous devons nous armer de courage d’éléphant pour changer cet état d’esprit dominé par cette posture d’attentisme caractériel presque atavique et coupable, comme le dit la diva de la chanson togolaise Afia Mala « tout le monde est coupable, la haine est aussi forte que la guerre ».
Face à notre réalité qui résulte d’un environnement totalement changeant à chaque instant, qui nous bouscule de partout, afin d’assumer toutes nos libertés notamment notre liberté d’expression, notre liberté de vivre à l’abri de la pauvreté et de la peur, il faut élever le sens du patriotisme dans le cœur de tout un chacun.
« Il est temps d’espérer ». Cette petite phrase a déjà été prononcée par deux anciens premiers ministres de notre pays chacun en son temps. Quel dommage que le temps de l’espérance a été plus long, tellement long que beaucoup se demandent à quand le retour du train à la gare? Si nous sommes d’accord que la politique c’est l’harmonie des possibles et des intérêts parfois divergents, nous pensons qu’il il est temps que les partis politiques arrêtent de parler pour eux et par eux-mêmes, pour faire triompher l’esprit patriotique en leur sein, et redeviennent des creusets de militantisme visionnaire, le lieu de formation et d’information.
Il n’est un secret pour personne, notre pays est dans une situation économiquement exsangue avec des déficits publics et un taux d’endettement à la limite du soutenable. Pour remédier à cette situation, il faut des politiques publiques capables de redresser l’économie avec un taux de croissance à deux chiffres, afin d’éviter une déconfiture totale à terme. Aussi devons-nous oser nous projeter dans un futur proche pour bâtir à présent une société bien préparée pour réaliser son rêve sans être encombrée de son passé très douloureux et sans compromettre l’existence des générations futures.
D’une manière caricaturale, on peut se permettre de résumer le programme du gouvernement pour la période 2020-2025 autour des valeurs de l’harmonie sociale, la consolidation de la paix et la création de l’emploi. Malheureusement, aucune action n’a été jusqu’ici initiée à ces fins. Comment peut-on prétendre réaliser l’harmonie sociale quand on passe tout le temps selon le Professeur David Dosseh « à museler toutes les voix qui ne chantent pas la fausse paix et la prétendue cohésion sociale». Alors même qu’on ne rate aucune occasion pour humilier ses adversaires politiques, soit en les empêchant d’aller et de revenir dans leur propre pays s’ils ne sont pas contraints à l’exil, comment peuton prétendre pouvoir créer de l’emploi alors que depuis plusieurs années, on ne fait que creuser des déficits budgétaires sur fond d’une politique d’endettement qu’on finance à la méthode de Ponzi.
Le train des élections législatives de 2018 qui était parti laissant la majorité des prétendants potentiels de la représentation du peuple togolais s’apprête à rentrer à nouveau à la gare pour un nouveau départ. Nous osons espérer que, de tous les côtés, que ce soit du pouvoir comme de l’opposition, chacun a appris la leçon et est désormais conscient de la situation de notre pays caractérisée par la misère ambiante, le terrorisme dans la région septentrionale, et que le bon sens, guidé par l’esprit patriotique va prendre le dessus de la mesquinerie politique dans notre pays.
L’histoire des peuples nous apprend qu’aucune théorie politique n’est jamais stable, de même aucun pouvoir politique n’est jamais à l’abri d’un mécontentement populaire.
Tout peut arriver à tout moment. Par anticipation, je vous souhaite une bonne et heureuse année 2023.
OURO-AKPO Tchagnaou , Ancien député