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Friday, May 17, 2024
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L’Allemand Gustav Nachtigal a-t-il vraiment signé à Baguida un «Traité de Protectorat» le 05 Juillet 1884 avec un «Roi Mlapa de Togoville» ?

La question mérite d’être posée. Dans cet article, K. Kofi FOLIKPO revisite l’histoire du pays. Il s’interroge sur le contexte de cet acte historique ayant jeté les bases fondatrices de ce qui donnera le «Togoland» et plus tard la République du Togo.

Introduction.

Plus de 130 ans (soit 5 générations!) après que l’Allemand Gustav Nachtigal arriva précipitamment sur l’actuelle côte togolaise depuis Tunis pour signer un «Traité de Protectorat»  (sic!) avec l’Autorité coutumière locale Mlapa ou avec son Représentant à la date du 5 Juillet 1884 dans la petite Localité de Baguida, beaucoup s’interrogent toujours sur le contexte de cet acte historique ayant jeté les bases fondatrices de ce qui donnera le «Togoland» et plus tard la République du Togo.

 La présence allemande dans cette partie de la côte ouest-africaine n’avait pas commencé avec la fameuse Conférence de Berlin de 1884 où le «Gateau Africain» a été partagé entre les nations impérialistes occidentales. Elle était déjà notable dès le 17e siècle quand des négociants de Hambourg et de Brême tels que Carl Schimmelmann s’étaient lancés dans le commerce trans-atlantique axé essentiellement sur la Traite Négrière.

Cette présence allemande s’était ensuite «sédentarisée» au fil du temps avec l’arrivée des premiers missionnaires de la Mission de Brême pour lancer leur «évangélisation» dont la trame de fond idéologique et intellectuelle consistait en la traduction de la bible judéo-chrétienne de l’Allemand vers l’Eʋegbe. Les missionnaires allemands s’étaient d’ailleurs bien «sédentarisés» dans cette partie de la côte ouest-africaine avant que le Royaume Asante (Ashanti) n’agressât injustement ses voisins orientaux (les Eʋe, les Akposso, les Akebu et les Peuples parentés) dès 1863 dans l’unique but de continuer à alimenter le trafic de la Traite Négrière qu’on déclara pourtant officiellement abolie quelques années plus tôt.

 On peut donc se poser légitimement la question de comprendre pourquoi c’était seulement après la fameuse Conférence de Berlin de 1884 que l’Empire allemand né en Janvier 1871 à l’issue de la guerre franco-allemande de 1870-1871 avait senti la nécessité de «protéger» à distance le Roi Mlapa et ses sujets qui ne lui avaient adressé initialement aucun appel au secours par courrier ou par émissaire.

On peut se demander par ailleurs pourquoi Gustav Nachtigal en sa qualité de Consul Général de l’Empire allemand fraîchement né n’était pas allé rencontrer personellement le Roi Mlapa à Tɔgodo (Togo) pour signer avec lui ce «Traité», mais a préféré le signer avec son émissaire à Baguida.

On peut enfin se demander pourquoi Gustav Nachtigal n’avait pas choisi de signer ce fameux «Traité de Protectorat» (sic!) à Porto Seguro (Agbodrafɔ) qui se trouve juste en face de Tɔgodo (Togo) de l’autre côté du lac, mais avait préféré le signer à Baguida avec une personne interposée (de surcroit illéttrée et ne parlant pas l’Allemand!).

Ce refus de signer le «Traité» dans le Palais royal à Tɔgodo (Togo) ou à Agbodrafɔ (Porto Seguro) qui sont distants seulement de 15 minutes de navigation en pirogue est encore plus intriguant, quand on sait que le même Allemand Gustav Nachtigal planta à la date du 5 Septembre  1884 un Drapeau allemand à Agbodrafɔ (Porto Seguro) après avoir initialement planté un Drapeau allemand à Baguida à la date du 5 Juillet 1884 et un autre à Bey Beach (devenu Lomé) à la date du 6 Juillet 1884!

Voilà autant de questions fâcheuses que beaucoup de conformistes n’aiment pas entendre et ne cherchent même pas à élucider. Ils préfèrent s’accomoder avec des «vérités toutes faites» véhiculées jusqu’aujourd’hui dans les Manuels scolaires d’Histoire et enseignant que le Togo doit sa naissance à la signature d’un «Traité de Protectorat» (sic!) entre l’Allemand Gustav Nachtigal et le Roi Mlapa de «Togoville» (sic!), sans se rendre même compte qu’il n’existait aucune Localité nommée «Togoville» au moment des Faits et que «Tɔgodo» n’est jamais devenu une Ville.

Et pourtant ces questions sont très cruciales et très fondamentales puisqu’elles concernent la Genèse même de la Nation togolaise et c’est en recherchant la réponse à ces questions légitimes qu’on peut parvenir à rétablir la Vérité historique qui est très vitale pour la vie de la Nation togolaise et pour les générations futures.   

Le présent Travail veut donc partir de Regards critiques et systématiques jetés sur l’Histoire migratoire de la Population fondatrice de la Localité de Tɔgodo (ou Togo) sur les bords du Lac Togo. Il jettera par ailleurs les mêmes Regards systématiques sur les Institutions endogènes et les Valeurs incarnées par ces Institutions avant de se pencher sur leur interaction avec les Européens arrivés par la mer.

 Cette démarche permettra de mettre en lumière plus loin les incohérences flagrantes et criardes qui jalonnent l’Histoire coloniale officielle de l’époque allemande au Togo.

 La mise en lumière de ces incohérences permettra de démontrer la volonté manifeste de la Falsification de l’Histoire des Populations colonisées dans les différents Terroirs du Togo.

 Cela permettra également d’indexer la perpétuation de cette volonté manifeste de Falsification de l’Histoire par le régime néo-colonial des GNASSINGBÉ depuis 1963

 La troisième et dernière partie analyse les graves conséquences liées à la Falsification de l’Histoire et propose des pistes de solution pour y rémédier.

  1. Regards critiques et systématiques sur la Configuration sociale de la Localité de Tɔgodo (ou Togo) depuis sa Fondation jusqu’à l’aune de l’invasion coloniale allemande.

 Jeter des Regards systématiques et objectifs sur l’organisation sociale et sur la vie économique ou spirituelle des Peuples africains a souvent consisté dans la plupart des cas à s’adonner simplement en tant qu’Observateur extérieur à une description monodisciplinaire acrybique des Faits observés dans un espace donné et sur une échelle de temps donné.

Or, une telle approche ne permet pas aux lecteurs de comprendre la raison d’être de ces Faits.

C’est pourtant la compréhension nécessaire de ces Faits dans leur contexte approprié qui permet aux non-membres d’une société donnée de bien communiquer avec les membres de cette société sur ces Faits sans tomber dans des préjugés, dans des malentendus et dans des a priori.

C’est pourquoi l’approche adoptée dans le présent Travail est celle de l’explication pluridisciplinaire et pédagogique venant, non pas d’un simple Observateur externe, mais plutôt d’un Acteur entièrement immergé dans l’environnement d’étude concerné.  

Plusieurs Travaux de Recherche en Histoire (Gayibor 2011), en Anthropologie (Pazzi 1979, Kossi 1990, De Surgy 1988) et en Linguistique (Capo 1988) entre autres ont déjà démontré de façon systématique que le Peuplement massif de tout le bassin autour du Lac Togo remonte vers la fin du 14e siècle environ, lorsque plusieurs Clans Eʋe avaient décidé de quitter le Royaume de Tado en réaction à l’Autocratie de plus en plus croissante que le Roi de Tado commençait à afficher vis-à-vis des Citoyens et vis-à-vis du Haut Clergé (les Dignitaires des grandes Divinités ancestrales et des Cultes ancestraux) dans la gestion des Affaires du Royaume.

 Le départ massif de ces Populations Eʋe vers les bords du Lac Togo, précédé de celui des Populations χwla et χweɖa vers les bords du Lac Aheme pour les mêmes raisons et suivi bien plus tard de celui d’autres Populations vers l’Ouest pour aller grossir celles de la localité de Ŋɔtsié (ou Notsie) entraîna l’affaiblissement du Royaume de Tado qui ne pouvait plus résister militairement et économiquement à l’hégémonie du Royaume d’Ɔyɔ (ou Oyo dans l’actuel Nigéria) dont l’influence s’étendait jusqu’à Gbagle (ou Badagry dans l’actuel Nigeria) et jusqu’à Ketu (dans l’actuel Bénin).

Il est clair que ces Populations avaient toujours conservé durant leurs migrations leurs Us et Coutumes, leurs Valeurs spirituelles ancestrales tout comme elles avaient conservé les Normes sociales et les Structures socio-politiques.

Sur le plan socio-politique, la vie communautaire de ces Populations parties d’Adja-Tado pour s’installer sur les bords du Lac Togo a été toujours structurée autour de deux grandes Institutions endogènes incontournables:

  • le Haut Clergé (Hũha) regroupant l’ensemble des Dignitaires des Cultes (Nunɔawo ou Nunɔlawo) des grandes Divinités ancestrales et des autres Cultes des Ancêtres;
  • la Royauté coutumière (Fiaɖuʄe) fédérant toutes les Composantes sociales que sont les Lignées claniques (Hlɔsa) et les Tribus (Kɔta) ainsi que les groupes allogènes qui viennent agrandir la Communauté.

 Le Personnage central du Haut Clergé (Hũha) est le Grand-Prêtre de la Forêt sacrée (Avetɔ) qui vit en reclusion avec sa petite Famille dans la Forêt sacrée (Ave), une fois que le choix sacerdotal est porté sur lui. Les autres Dignitaires de Culte (Nunɔawo ou Nunɔlawo) vivant ensemble avec la Communauté sont en liaison permanente avec lui.

Il est clair donc que le Grand-Prêtre (Avetɔ) est pratiquement coupé du grand Public et ne pourra jamais recevoir la visite inopinée d’un petit aventurier allemand impoli …

Le Culte spirituel et cosmogonique fondamental unifiant cette Population Eʋe (comme c’est d’ailleurs le cas chez d’autres Communautés Eʋe et Peuples parentés dans toute l’Afrique de l’Ouest depuis le Nigeria jusqu’au Ghana et même au-delà), en plus de l’incontournable  Culte des Ancêtres (Tɔgbui Kɔnu), est celui d’une Triade de Divinités connues sous l’Appellation de «Nyigblɛn» ou de «Sogblɛn» ou encore de «Gblɛndzɛn» (cf. Spieth 1906, Spieth 1911, De Surgy 1988, De Surgy 1990 et Dosse 1994).

Contrairement aux perceptions triviales et populaires, ce Culte hautement sacré remontant à la Haute Antiquité nubienne et kamito-égyptienne renvoie à Trois Étoiles fixes très importantes que sont Sirius A, Sirius B et Sirius C appelé aussi Procyon dans l’Astronomie contemporaine (cf. Folikpo 2010).

Ce sont ces Trois Étoiles fixes jouant un rôle central dans la Cosmologie, dans la Cosmogonie et dans la Spiritualité authentique des Eʋe depuis la Haute Antiquité qui sont désignées sous l’appellation de «Sogblɛn», de «Sodza» et de «Sowli» (cf. Spieth 1906, Spieth 1911, De Surgy 1988). L’existence énergétique et électromagnétique du Soleil (ɣè ou Sogbó), de la Lune (ɣèlèti ou Soví) et de la Terre (Anyi ou Dò-Sò) dépend de ces Trois Étoiles fixes.

Tout Lecteur attentif peut remarquer au regard de ce qui vient d’être dit, que ce Culte repose sur de très bonnes Connaissances multi-millénaires et fondamentales en Astro-Physique, en Astronomie, en Astrologie et en Cosmologie entre autres.

Voilà pourquoi l’observation scrupuleuse du Lever hélialique de certains Corps célestes, l’observation méticuleuse des Étoiles filantes et celle des Cycles des Lunaisons occupent une place centrale et très importante dans le Culte hautement sacrée de cette Triade de Divinités.

En ce qui concerne la Royauté coutumière (Fiaɖuʄe), elle est organisée autour du Personnage central du «Fia» qu’il ne faut pas confondre avec le Personnage de «Ga» ou «».

Tandis qu’un «Ga» (ou «») est un Personnage de consensus qui représente une Communauté vis-à-vis de l’extérieur et gère les Affaires courantes de cette Communauté sans avoir solennellement reçu l’«Onction» des Forces vives de la Communauté, le «Fia» quant à lui reçoit cette «Onction» à travers la cérémonie d’Intronisation (Fia ɖóɖó).

 Et c’est au cours de la cérémonie d’Intronisation que le «Fia» reçoit un Nom de Titulature (Fia Ŋkɔ) qui se distingue clairement de son Nom de Famille (Ƒome Ŋkɔ).

A ce Nom de Titulature (Fia Ŋkɔ), ce Personnage peut ajouter des Noms de Bravoure (Ahano Ŋkɔ) qui peuventt se référer à des Faits d’Armes ou à une Ligne de conduite exemplaire.

Il n’est pas rare qu’un Nom de Bravoure (Ahano Ŋkɔ) d’un Ancêtre devienne un Nom de Titulature (Fia Ŋkɔ). Tel semble avoir été le cas à Tɔgodo (Togo) avec le Nom de Titulature «Mlapa». En effet, toutes les Sources orales fiables et concordantes de ce Terroir confirment que le Nom de Titulature «Mlapa» vient de l’expression quasi-incantatoire «Tuwó ne mla pa! Yiwó ne mla pa!» (Que les Armes à feu s’émoussent! Que les Armes blanches s’émoussent!).

Le grave amalgame créé par la horde des violents envahisseurs coloniaux allemands et français en Afrique a souvent consisté en une confusion entre les Noms de Famille (Ƒome Ŋkɔ), les Noms de Bravoure (Ahano Ŋkɔ) et les Noms de Titulature (Fia Ŋkɔ).

Il en a résulté que les Noms de Titulature (Fia Ŋkɔ) ont commencé à être utilisés à l’État-civil comme des Noms de Famille (Ƒome Ŋkɔ). Tel a été visiblement le cas pour «Mlapa» devenu aujourd’hui un Patronyme au Togo et tel est également le cas dans d’autres Localités du Togo où l’usage des Noms de Titulature (Fia Ŋkɔ) comme Patronyme (Ƒome Ŋkɔ) crée d’énormes problèmes juridiques, puisqu’un Nom de Titulature renvoie simplement à une Fonction qui n’est pas un Patrimoine exclusif ou privé pour les descendants biologiques de la personne exerçant cette Fonction.

Tandis qu’une Communauté villageoise () composée d’au moins Trois Lignées claniques (Hlɔsa) peut faire introniser un «Dù Fia», un regroupement d’au moins Trois Communautés villageoises dans une contrée forme ce qui est appelé un «Awɔ» et fait introniser un «Awɔme Fia» qui a donc une ascendance sur plusieurs «Du Fia».

Dans le cas spécifique de l’agglomération appelée «Tɔgodo» (ou Togo), sa Genèse remonte à la Fondation de Trois petits Villages que sont Xetsiavi, Dokume et Ayakaʄe qui se sont subdivisés ou agrandis au fil du temps, comme le schéma ci-contre en donne une illustration.

L’«Awɔme Fia» intronisé pour ces Villages fondateurs avait son Palais royal (Fia-Sá) à l’emplacement connu jusqu’aujourd’hui sous le Toponyme d’«Akuigã» (ou «Akuiganu»), comme cela est indiqué sur le schéma ci-contre.

Une fois un «Awɔme Fia» ou un «Dù Fia» intrônisé et officiellement installé dans le Palais royal par le Collège du Haut Clergé (Nunɔawo/Nunɔlawo), avec l’approbation initiale du Grand-Prêtre de la Forêt sacrée (Avetɔ) et avec l’appui des Chefs des Lignées claniques (Dumegã), son Contact avec le grand Public est strictement réglémenté, même s’il ne vit pas en grande reclusion comme c’est le cas du Grand-Prêtre (Avetɔ) installé dans la Forêt sacrée.

Entouré de ses Assesseurs (Ɔtsyame/Tsiami), de ses Chefs de Guerre (Aʋa-Fia/Asafo) et des Chefs de Lignées claniques (Dumegã) agissant en qualité de Conseillers, l’«Awɔme Fia» ou le «Du Fia» a en permanence à ses côtés un Personnage incontournable qu’est le Messager ou le Porte-Sceptre (Atikplɔ Tsɔla).

C’est le Porte-Sceptre (Atikplɔ Tsɔla) qui transmet symboliquement les Convocations de l’«Awɔme Fia» ou du «Dù Fia» à un Citoyen présumé fautif. Cest le Porte-Sceptre (Atikplɔ Tsɔla) qui transmet symboliquement les Messages de Soutien de l’«Awɔme Fia» ou du «Dù Fia» à un autre de son rang ou de rang subalterne. C’est le Porte-Sceptre qui transmet symboliquement la Désapprobation de l’«Awɔme Fia» ou du «Dù Fia» à un autre de son rang, à un autre de rang subalterne, ou bien à toute personne étrangère se trouvant dans la Zone d’influence de l’«Awɔme Fia» ou du «Dù Fia».

Dans la Localité de Tɔgodo (Togo) et ses environs, le Porte-Sceptre (Atikplɔ Tsɔla) est aussi souvent désigné avec l’Appellation «Agbadza-goloe Tsɔla» ou «Gogoli Tsɔla», ce qui signifie littéralement «Porte-Gibecière», en comparaison à la Fonction d’un Aide-de-Camp pour un Maître-Chasseur.

 Au regard de tout ce qui vient d’être dit sur la Fonction du Porte-Sceptre (Atikplɔ Tsɔla) dans la Philosophie politique Eʋe, on peut déduire que le déplacement du Porte-Sceptre nommé Kplaku (parfois orthographié aussi comme Kplakoo) au Nom de l’«Awɔme Fia» Mlapa depuis le Palais royal à Akuigã (ou Akuiganu) pour rencontrer le vagabond allemand Gustav Nachtigal dans la Localité de Baguida à la Date du 5 Juillet 1884 n’avait pas pour Objectif premier la signature d’un quelconque «Traité de Protectorat» (sic!) entre l’«Awɔme Fia» Mlapa et le Roi de Prusse Wilhelm I (francisé comme Guillaume Ier) qui était devenu Empereur de l’Allemagne suite à son couronnement en 1871 seulement! 

En effet, aucun document d’archive ne prouve jusqu’aujourd’hui l’existence de Correpondances diplomatiques régulières entre l’Empereur allemand Wilhelm I et l’«Awɔme Fia» Mlapa qui auraient précedé cette rencontre «historique» du 5 Juillet 1884 et qui auraient exprimé les déclarations d’intention préliminaires de chacune des deux Parties!

La rencontre de Baguida doit être comprise donc comme un guet-apens très pernicieux tendu maladroitement par l’arrogant Médecin militaire allemand Gustav Nachtigal au très ferme et très prudent «Awɔme Fia» Mlapa qui n’est pas tombé dans ce piège grossier, puisqu’il avait simplement envoyé un émissaire qui n’avait pas toutes les Prérogatives régaliennes pour signer quoi que ce soit en son Nom!

Par ailleurs, l’envoi du Porte-Sceptre Kplaku (Kplakoo) doit être compris aussi comme l’expression d’une Désapprobation de Mlapa en raison des vélleités hégémoniques de plus en plus intenses entre les différentes nations impérialistes européennes dans sa Zone d’influence!

Ce geste doit être compris surtout comme l’affirmation solennelle de l’Autorité politique de l’«Awɔme Fia» (l’«Akuigã Fia» Mlapa) et l’affirmation de l’Autorité spirituelle du Grand-Prêtre du Culte de Nyigblɛn (l’«Avetɔ» de la Forêt sacrée) sur toutes ces Localités allant de Tɔgodo (Togo) jusqu’à Bey Beach (c’est-à-dire la Localité de devenue plus tard le Point fondateur de Lomé), étant donné que tous les Lieux de Culte de la Divinité triadique Nyigblɛn disséminés dans toutes ces Localités relevaient de la Zone d’influence du Grand-Prêtre de la Forêt sacrée (Avetɔ) de Tɔgodo (ou Togo) !

On voit clairement encore une fois ici l’imbrication harmonieuse du Sacré (le Spirituel) et du Temporel (le Politique) dans la vie socio-politique des Peuples Africains, jusqu’à ce que les bondieuseries abrahamiques et lénifiantes ne viennent déverser sur eux leur cacophonie imonde et désorganisatrice! 

En tout état de cause, les deux principales Institutions endogènes qui étaient les vraies Dépositaires du Pouvoir spirituel (le Haut Clergé) et du Pouvoir politique (la Royauté coutumière) dans cette Zone côtière (comme c’est d’ailleurs le cas un peu partout en Pays Eʋe et en Afrique) n’avaient visiblement donné aucune Caution officielle et légitime à l’implantation coloniale brutale des Allemands au Togo.

 On peut en déduire que le fameux «Traité de Protectorat» (sic!) de Baguida était un Acte hautement illégal et illégitime, car les deux Parties signataires semblent avoir conclu un double Marché de Dupes.

II- Le «Traité de Protectorat» de Baguida ou le double Marché de Dupes des deux Parties signataires.


Cartographie de la «Côte des Esclaves» depuis les temps de l’effroyable Traite Négrière jusqu’à l’avènement de la violente Colonisation allemande. (Crédit: Scottish Geographical Magazine, reproduit d’après les Travaux cartogrpahiques réalisés in situ par l’explorateur colonial allemand Hugo Zöller en 1885).

La triste Appellation «Côte des Esclaves» attribuée dès le 17e siècle de notre ère à cette partie de la côte ouest-africaine englobant la Zone d’étude du présent Travail illustre à suffisance comment les puissances maritimes et économiques européennes ont âprement rivalisé pendant longtemps pour avoir chacune le monopole absolu sur toutes les Ressources de ce Terroir:

des armateurs et négriers portugais, espagnols, gênois (italiens), marseillais (français), nantais (français), hollandais, danois, écossais, anglais, hambourgeois (allemands), prussiens (allemands) et bien d’autres avaient érigé des points d’ancrage le long de toute la côte comprise entre Glehoue devenu Ouidah (à l’est, dans l’actuel Bénin) et Keta (à l’ouest, dans l’actuel  Ghana) où des Comptoirs commerciaux et des Forts ont été érigés en complicité avec de nombreuses Autorités politiques locales qui tiraient Profit du Commerce trans-atlantique en général et de la Traite Négrière en particulier.

On comprend donc aisément comment des Toponymes à résonnance européenne tels que «Porto Seguro» (actuel Agbodrafɔ), «Ouidah» (anciennement Glehoué), «Petit Popo» (actuel Anɛxɔ), «Grand Popo» (actuel Agɔɛ au Bénin) et bien d’autres Noms de localité à résonnance européenne avaient pu voir le jour dans tout cet espace marqué par le Commerce trans-atlantique.

Le Profit tiré par ces Autorités politiques locales impliquées dans ce commerce ne provenait pas seulement de la vente des Esclaves et des Produits tropicaux aux Européens. Il provenait également et surtout des Droits commerciaux, des Taxes douanières et des Pots-de-vin qui leur étaient versés ou qui étaient versés aux intermédiaires.

En raison de la perception de ces Droits commerciaux, de ces Taxes douanières et des innombrables Pots-de-vin, il s’est développé au fil du temps un Réseau très complexe d’allégéance des «Du Fia» à tel ou tel «Awɔme Fia» ou encore des Alliances circonstanciées ou intéressées entre des «Awɔme Fia» et entre des «Du Fia». Aussi bien l’«Awɔme Fia» d’Akuiganu que d’autres Figures politiques d’envergure ayant leur Zone d’influence non loin de la Localité de Tɔgodo (Togo) tels que le «Gɛn Fiogan» à Glidji étaient dans la même Dynamique, avec l’espoir de pérenniser les échanges commerciaux avec les Européens venus par la mer.

Pérenniser, diversifier et consolider les Relations avec les commerçants européens constituait donc l’un des Objectifs principaux pour ces Autorités politiques locales et pour les Populations africaines. Il n’était nullement question pour elles et pour leurs Populations de se placer volontairement ou involontairement sous la Tutelle militaire, juridique ou administrative d’un pays étranger! Il n’était nullement question pour elles et pour leurs Populations de «se faire civiliser» par des hordes de violents aventuriers européens qui viendraient les spolier à coups de crosse et à coups de cravache!

Telle n’était pas malheureusement la compréhension des choses par les Allemands (et par les autres Européens) qui écumaient les côtes ouest-africaines. En effet, les Nations impérialistes européennes ayant tiré des Profits substantiels de l’effroyable Traite Négrière combinée avec la Colonisation violente et brutale du Continent américain en y décimant systématiquement les Populations autochtones, avaient compris dès la fin du 18e siècle que les Révoltes fréquentes des Esclaves noirs dans les Colonies américaines ajoutées à la recrudescence de la Piraterie maritime ne donnaient plus de rentabilité dans la Traite Négrière. Il serait alors plus profitable pour le système de faire travailler les Noirs comme Esclaves sur leur propre Sol ancestral en Afrique afin de produire les biens dont l’Europe saprophyte a toujours besoin.

Mais il est naturellement suicidaire pour ces aventuriers coloniaux allemands d’afficher clairement leurs intentions de grands Conquérants coloniaux, au risque d’affronter dès le départ une farouche résistance de la part des Autochtones et au risque de déclencher des hégémonies guerrières de la part d’autres aventuriers coloniaux européens. Voilà pourquoi les envahisseurs coloniaux allemands avaient préféré se présenter comme des «Protecteurs» (sic!) pour l’«Akuigã Fia» Mlapa et pour les siens, à l’instar des envahisseurs coloniaux français et britanniques qui se présentaient aux Autochtones ailleurs en Afrique comme étant leurs «Civilisateurs» (sic!).    

Les Allemands avaient donc cru avoir dupé l’«Akuigã Fia» Mlapa et les siens en faisant signer de force un «Traité de Protectorat» illégal et illégitime par son Porte-Sceptre Kplaku (Atikplɔ Tsɔla) qui savait très bien qu’il n’en avait pas les Prérogatives régaliennes.

Le Porte-Sceptre Kplaku avait cru avoir dupé les Allemands en signant de façon illégale et illégitime ce «Traité» à la place et au Nom de l’«Akuigã Fia» Mlapa, juste pour pérenniser et diversifier les Liens commerciaux avec les commerçants européens, tout en sachant que sa simple Fonction de Porte-Sceptre (Atikplɔ Tsɔla) ne lui donnait pas ces Prérogatives régaliennes!  

Rien que la teneur du «Traité de Protectorat» tel qu’il est reproduit intégralement ci-après avec une Traduction en Français prouve à suffisance qu’il s’agissait d’un véritable Marché de Dupes dans lequel chacune des Parties signataires croyait cacher ses vraies intentions.

                                        Erster Schutzvertrag Togo                                                   Bagida, den 5. Juli 1884   Der Generalkonsul des Deutschen Reichs, Dr. Gustav Nachtigal, im Namen Seiner Majestät des Deutschen Kaisers, und Mlapa, König von Togo, vertreten für sich, seine Erben und seine Häuptlinge durch Plakko, Träger des Stockes des Königs Mlapa, folgende Übereinkommen getroffen:                                                       
  § 1   König Mlapa von Togo, geleitet von dem Wunsch, den legitimen Handel, welcher sich hauptsächlich in den Händen deutscher Kaufleute befindet, zu beschützen und den deutschen Kaufleuten volle Sicherheit des Lebens und Eigentums zu gewähren, bittet um den Schutz Seiner Majestät des Deutschen Kaisers, damit er in den Stand gesetzt werde, die Unabhängigkeit seiner an der Westküste von Afrika von der Ostgrenze von Porto Seguro bis zur Westgrenze von Lome oder Bey Beach sich erstreckenden Gebietes zu bewahren.  Seine Majestät der Kaiser gewährt seinen Schutz unter dem Vorbehlat aller gesetzmässigen Rechte Dritter.                                                       
 § 2   König Mlapa wird keinen Teil seines Landes mit Souveränitätsrechten an irgendeine fremde Macht oder Person abtreten, noch wird er Verträge mit fremden Mächten ohne vorherige Einwilligung Seiner Majestät des Deutschen Kaisers eingehen.                                                        
§ 3   König Mlapa gewährt allen deutschen Untertanen und Schutzgenossen, welche in seinem Lande wohnen, Schutz und freien Handel und will anderen Nationen niemals mehr Erleichterungen, Begünstigungen oder Schutz gewähren, als den deutschen Untertanen eingeräumt werden. König Mlapa wird ohne vorherige Zustimmung Seiner Majestät des Deutschen Kaisers keine anderen Zölle oder Abgaben als die bis jetzt üblichen erheben, nämlich 1 Schilling für jede Tonne Palmkerne, 1 Schilling für jedes Faß Palmöl, welche an die Häuptlinge des betreffenden Ortes zu zahlen sind.                                                       
§ 4   Seine Majestät der Deutsche Kaiser wird alle früheren Handelsverträge zwischen König Mlapa und anderen respektieren und wird in keiner Weise den in König Mlapas Land bestehenden freien Handel belasten.                                                       
§ 5   Seine Majestät der Deutsche Kaiser wird in die Art und Weise der Zollerhebung, welche bis jetzt von König Mlapa und seinen Häuptlingen befolgt ist, nicht eingreifen.                                                  
§ 6   Die vertragsschließenden Parteien behalten sich künftige Vereinbarungen über die Gegenstände und Fragen von gegenseitigem Interesse, welche nicht in diesem Vertrage eingeschlossen sind, vor.                                                
§ 7   Dieser Vertrag wird vorbehaltlich der Ratifikation durch die deutsche Regierung sogleich in Kraft treten.   Zu Urkund dessen haben wir in Gegenwart der unterzeichneten Zeugen unsere Unterschriften hierunter vollzogen.   J. J. Gacher, J. B. Ahpevor als Dolmetscher. H. Randad. Josua Lenze. Mandt, Leutnant z. S.   Chief Plakko, + sein Zeichen.   Dr. G. Nachtigal.   Zeugen: Codayce, + sein Zeichen Hadzi, + sein Zeichen Okloo, + sein Zeichen Nukoo, + sein Zeichen Dr. Max Buchner
                                    Premier Traité de Protectorat sur le Togo.    
Bagida, le 5 Juillet 1884   Le Consul Général de l’Empire allemand, Dr. Gustav Nachtigal, agissant au Nom de Sa Majesté l’Empereur de l’Allemagne, et Mlapa, Roi du Togo, défendant ses intérêts pour lui-même, pour ses ayant-droits et pour ses Chefs subalternes ici représentés par Plakko en sa qualité de Porte-Sceptre du Roi Mlapa ont convenu de ce qui suit:                                                          
§ 1   Le Roi Mlapa du Togo, guidé par le désir de protéger le commerce légitime qui se trouve principalement entre les mains des hommes d’affaires allemands et d’accorder la sécurité des biens et des personnes aux hommes d’affaires allemands, sollicite la protection de Sa Majesté l’Empereur de l’Allemagne afin qu’il soit en mesure de garantir l’indépendance de son Territoire qui se trouve sur la côte de l’Afrique de l’Ouest et s’étend de Porto Seguro qui est à la frontière orientale jusqu’à Lome ou Bey Beach qui est la frontière occidentale. Sa Majesté l’Empereur accorde sa protection aux tiers conformément à toute réserve de Prérogatives.                                                         
§ 2   Le Roi Mlapa ne cédera aucun de ses Droits de Souveraineté à une puissance étrangère ou à une personne étrangère quelconque et ne signera pas d’accords avec des puissances étrangères sans un consentement préalable de Sa Majesté l’Empereur de l’Allemagne.                                                       
§ 3   Le Roi Mlapa accorde à tous les sujets et protégés allemands résidant dans son pays sa Protection ainsi que la Liberté de commerce; il n’accordera jamais plus de facilité, plus de faveurs et plus de protection aux citoyens d’autres Nations qu’aux sujets allemands. Le Roi Mlapa ne peut lever d’autres taxes douanières et impôts que ceux actuellement en vigueur sans obtenir préalablement l’accord de Sa Majesté l’Empereur de l’Allemagne. Ces taxes douanières et impôts actuellement en vigueur sont notamment de l’ordre de 1 Schilling pour une tonne de noix de palmiste, de 1 Schilling pour un tonneau d’huile de palme et sont à payer aux Chefs subalternes locaux.                                                       
§ 4 Sa Majesté l’Empereur de l’Allemagne respectera les accords commerciaux actuellement existant entre le Roi Mlapa et d’autres et s’engage de ne pas entraver d’une quelconque manière le libre commerce existant dans le pays du Roi Mlapa.                                                       
§ 5   Sa Majesté l’Empereur de l’Allemagne s’engage à ne pas intervenir dans la manière dont le Roi Mlapa et ses Chefs subalternes perçoivent jusqu’ici les taxes douanières.                                                        
§ 6   Les Parties contractantes se réservent le droit de conclure des accords ultérieurs sur des questions et obejts d’intérêt commun qui ne figurent pas dans le présent accord.                                                      
  § 7   Cet accord entre aussitôt en vigueur nonobstant sa ratification ultérieure par le Gouvernement allemand.   En foi de quoi nous avons apposé nos signatures en présence des témoins qui sont aussi signataires.   J. J. Gacher, J. B. Ahpevor en qualité d’Interprète. H. Randad. Josua Lenze. Mandt, Lieutenant de Vaisseau   Chief Plakko, + son signe   Dr. G. Nachtigal.   Témoins: Codayce, + son signe Hadzi, + son signe Okloo, + son signe Nukoo, + son signe                           

(Traduit de l’Allemand par K. Kofi FOLIKPO)

Déjà le Préambule et l’Article 1er de ce fameux «Traité de Protectorat» démontrent à suffisance l’Arrogance typiquement allemande doublée de la Condescendance creuse que la plupart des Allemands ont toujours étalées dans leur aventure coloniale et qu’ils continuent d’étaler d’ailleurs partout jusqu’aujourd’hui.

En effet, le rédacteur de ce «Traité» omet sciemment d’utiliser l’Attribut Sa Majesté pour désigner l’«Akuigã Fia» Mlapa, mais l’utilise au moins cinq fois (!) dans son texte pour l’Empereur allemand! Cela signifie non seulement un mépris délibéré envers l’«Akuigã Fia» Mlapa, mais aussi et surtout une méconnaissance totale des Normes sociales et des Valeurs sociales de ce Terroir où il est inadmissible d’évoquer le Nom de Titulature d’une Autorité (politique, religieuse, communautaire ou autre) sans le faire précéder de l’Attribut de Révérence approprié tel que «Tɔgbui», «Mama», «Midao», «Minao» etc. 

Par ailleurs, en lisant attentivement ce «Traité», on s’aperçoit que le rédacteur parle d’un Territoire dénommé «Togo» qu’il délimite géographiquement à l’Est par Porto Seguro (actuel Agbodrafɔ) et à l’Ouest par Bey Beach (actuel Lomé). Il est clair donc qu’au-delà de Porto Seguro à l’Est et au-delà de Bey Beach à l’Ouest d’autres hordes sauvages de prédateurs européens avaient déjà pris position ou tentaient de prendre position, soit en faisant signer malicieusement des «Traités» similaires avec d’autres Autorités politiques locales ou soit en tentant déjà de s’imposer violemment par la Force des Armes, comme ce fut le cas durant la Guerre des Danois contre les Eʋe de l’Ouest (les Aŋlɔ) en 1784 (cf. Amenumey 1986, Afeadie 2015,  Fuglestad 2018).

Les envahisseurs coloniaux allemands ayant constaté par la suite que l’«Akuigã Fia» Mlapa ne se reconnaît pas dans le fameux «Traité de Protectorat» signé illégalement et illégitimement en son Nom par son Porte-Sceptre Kplaku, ils avaient décidé de ne plus traiter qu’avec ce dernier et ont tenté de transposer sur Kplaku toutes les Fonctions assumées jusque là par l’«Akuigã Fia» Mlapa, alors que ce dernier était encore toujours vivant et était toujours reconnu par toute sa Communauté comme l’Autorité légitime. Les envahisseurs coloniaux allemands avaient tenté ainsi de créer artificiellement un Bicéphalisme au sein de la Royauté coutumière.

Or, il est bien connu selon les Us et Coutumes Eʋe dans ce Terroir et partout ailleurs en Milieu Eʋe qu’on ne peut jamais avoir deux Rois de même rang ou deux Chefs coutumiers de même rang dans un seul et même Terroir!

Il fallait donc trouver une solution pour non seulement maintenir en vie l’Institution politique endogène qu’est la Royauté coutumière incarnée par l’«Akuigã Fia» Mlapa, mais continuer de commercer avec les envahisseurs coloniaux allemands qui ne reconnaissaient que le Porte-Sceptre Kplaku comme leur interlocuteur. C’est ainsi que la Notion ambiguë de «Yevu Fia» a été inventée de toutes pièces pour menager la chèvre et le chou.

 Le terme «Yevu Fia» signifie littéralement le «Chef reconnu/choisi par les blancs» et n’exige pas tous les Rites et Cérémonies ancestraux liés à l’Intronisation. On peut percevoir ce Bicéphalisme comme une tentative pernicieuse de vider la Royauté coutumière et la Chefferie coutumière de sa Substance spirituelle sacralisée et quasi-divinisée, car un «Yevu Fia» n’a plus besoin de recevoir l’Onction spirituelle (Atsɛ) du Grand-Prêtre (Avetɔ) et de l’ensemble du Haut Clergé (Nunɔawo/Nunɔlawo).

Fort de cette expérience dans le Terroir de Tɔgodo (Togo), les envahisseurs coloniaux allemands avaient commencé à «détrôner» dans leur expansion vers l’arrière-pays les Autorités politiques refractaires à l’invasion coloniale et à imposer des Figurants et des hommes liges qui pouvaient leur être totalement dociles.

 Après le départ des colonisateurs allemands du Togo en 1914, les envahisseurs coloniaux français ayant pris la relève ont perpétué cette pratique perfide du choix d’un «Yevu Fia» qui ne répondait pas toujours aux Critères très rigoureux exigés pour la Fonction royale selon les Normes et Valeurs ancestrales. Ces envahisseurs coloniaux français ont donc poursuivi l’oeuvre de la Falsification de l’Histoire en rebaptisant la Localité de Tɔgodo (ou Togo) en «Togoville» (sic!) sans pourtant l’avoir initialement transformée en une Ville!

Ils sont même allés plus loin dans leur œuvre de Destruction de la Mémoire collective en faisant écrire dans les Manuels scolaires d’Histoire que les Allemands auraient signé un «Traité de Protectorat» (sic!) avec un certain «Roi Mlapa III de Togoville» (sic!).

Quand on sait pourtant avec certitude aujourd’hui que Monsieur Sébastien DJOSSU, Nationaliste chevronné et Compagnon de Lutte de Feu Sylvanus Olympio dans les années 1950, était le deuxième Personnage à porter le Nom de Titulature MLAPA (c’est-à-dire qu’il était donc Mlapa II, cf.l’Ouvrage intitulé «30 biographies des artisans de l’indépendance nationale Ablodé» cité dans la Bibliographie!), on comprend qu’il est impossible qu’un Mlapa III ait pu signer avant lui un «Traité» avec les Allemands en 1884! Et on peut alors comprendre toute la forfaiture historiographique enclenchée depuis l’invasion coloniale allemande et poursuivie par le violent régime néo-colonial d’Etienne Eyadema GNASSINGBÉ depuis 1963

III- De la Nécessité pour une Relecture plus objective de l’Histoire pré-coloniale et coloniale du Togo.

La construction par le violent tyran Etienne Eyadema GNASSINGBÉ d’un «Monument de l’Amitié» (sic!) dédié au «Traité germano-togolais» (sic!) à Baguida et son inauguration en grande pompe le 4 Juillet 1984 symbolisent le couronnement de la Falsification de l’Histoire enclenchée 100 ans plus tôt. Car l’arrivée des premiers Allemands au Pays de Tɔgbui Mlapa avait commencé depuis le 17e siècle et non avec le passage furtif du Médecin militaire et aventurier Gustav Nachtigal. Et la vague des Allemands ayant écumé par la suite cette partie de la côte ouest-africaine comme partout ailleurs en Afrique n’était pas là en quête d’une quelconque «Amitié»!

Ces Allemands étaient là pour des intérêts mercantilistes éminemment égoïstes et pour l’exploitation de l’homme par l’homme!

Ils étaient là pour déposséder les Populations autochtones de leurs riches Terres et de toutes leurs Richesses naturelles!

Ils étaient là pour asservir ces Populations autochtones et les réduire en esclavage sur leur propre Sol ancestral!

 Les massacres massifs et effroyables des Populations sans défense, la destruction massive des villages et des agglomérations par des incendies criminels, les violentes bastonnades et les tortures meurtrières ainsi que d’autres formes de déshumanisation commises par les envahisseurs coloniaux allemands et français sur les Populations dans tous les Terroirs du Togo constituaient la forme visible de la volonté manifeste d’extermination qui animait ces hordes sauvages d’envahisseurs coloniaux européens.

La forme invisible de cette volonté manifeste d’extermination qui les animait envers les Peuples Africains consistait quant à elle en une Destruction subtile de leur Mémoire collective à travers la Falsification de leur Histoire!

Cette Falsification de l’Histoire passe non seulement par la production de Documents administratifs intentionnellement erronés ou intentionnellement truffés de Mensonges (comme c’est le cas du fameux «Traité de Protectorat»), mais aussi et surtout par le changement intentionnel des Noms de Lieu (à l’instar des Toponymes à résonnance européenne). Elle passe aussi par l’instauration officielle de la commémoration de certaines Dates qui ne représentent rien en réalité dans la Conscience collective de la Population!

Tel est le cas de la commémoration symbolique de la Date du 5 Juillet au Togo jusqu’aujourd’hui et sur laquelle une Jeunesse de plus en plus consciente commence heureusement à poser et à se poser des Questions pertinentes sur la plausibilité ou la non-plausibilité de certaines «vérités toutes faites» véhiculées depuis les années 1960 sur l’Histoire du Togo.

Cette Prise de Conscience salutaire par la jeune Génération est à encourager vivement et est à accompagner par une relecture pluridisciplinaire des différentes Dynamiques ayant conduit à la naissance de la Société togolaise depuis l’époque pré-esclavagiste.

La relecture pluridisciplinaire doit pouvoir aller au-delà de certains «Dogmes» tels que la propension de jeter gratuitement l’anathème sur les Valeurs spirituelles ancestrales et endogènes pour les exclure de l’Analyse objective de la Source d’un Pouvoir politique légitime, alors que les Sociétés africaines considèrent ces Valeurs plutôt comme le Fondement même de toute Institution politique légitime. 

Cette relecture pluridisciplinaire de ces Dynamiques doit permettre également de battre en brèche certains mythes et certaines idées reçues telles que celle d’une prétendue «mission civilisatrice» (sic!) fallacieusement attribuée à la violente colonisation allemande et française au Togo.

  Déjà le changement nécessaire de l’Appellation absurde «Togoville» en une autre Appellation réfletant au mieux la Genèse et l’évolution de cette Localité ayant donné naissance à la Nation togolaise serait un bon départ pour la Réhabilitation objective de la Mémoire collective de ce précieux Terroir.

Conclusion.

L’Histoire coloniale est comme celle d’une partie de chasse ou celle d’une guerre. Elle n’est pas toujours racontée de la même manière selon qu’on la raconte du point de vue du chasseur ou du point de vue du gibier. Elle n’est pas toujours racontée de la même manière selon qu’on la raconte du point de vue du vainqueur ou du vaincu. Le colonisateur l’a souvent racontée avec une certaine condescendance et en déformant certains Faits historiques très importants, dans l’unique but de justifier ou même de légitimer les Cruautés horribles commises envers les colonisés.

Il appartient donc au colonisé ou à l’ancien colonisé de replacer objectivement les Faits dans leur vrai Contexte historique, anthropologique, économique et sociologique afin que la Mémoire collective soit objectivement restaurée ou conservée. C’est seulement à ce prix qu’on peut valablement tirer des Leçons du Passé pour mieux construire l’Avenir.

  Bibliographie et Ressources Internet.

  1. AFEADIE, Philipp Atsu: Fort Prindzenstein: A Monument in the Identity of Keta-Someawo. In: Ghana Studies, 18, pages 3-22, 2015.
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  • CAPO, Hounkpati Bamikpo Christophe: Renaissance du Gbe: Réflexions critiques et constructives sur l’Eve, le Fon, le Gen, l’Aja, le Gun, etc. Hamburg: Helmut Buske Verlag, 1988.
  • DOSSE, Afandina: Histoire d’une Théocratie: Togoville des orgines à 1914. Lomé: Presses UB/ORSTOM, 1994.
  • FOLIKPO, Komdedzi Kofi: Élements de Philosophie politique africaine: Culture démocratique multimillénaire chez les Peuples du Golfe de Bénin (Article publié en 2007 sur www.togocity.com et téléchargéable sur www.academia.edu ).
  • FOLIKPO, Komdedzi Kofi: Spiritualité, Équilibre écologique, Ethnobotanique et Linguistique dans l’aire culturelle Gbè: le cas des Forêts sacrées au Sud-Togo, au Sud-Ouest du Ghana et au Sud-Bénin (Article publié en 2007 sur www.togocity.com et téléchargéable sur www.academia.edu ).
  • FOLIKPO, Komdedzi Kofi: Quelques Réflexions cosmogoniques sur la très ancienne Triade religieuse Kamite «Sopdet-Soah-Sopdu» et sur le très ancien Concept Kamite du Feu cosmique «So» (Article publié en 2010 sur www.togocity.com et téléchargéable sur www.academia.edu ).
  1. FUGLESTAD, Finn: Slave Traders by Invitation: West Africa’s Slave Coast in the Precolonial Era. Oxford: Oxford University Press, 2018.
  1. GAYIBOR, Nicoué Lodjou: L’Histoire des Togolais. Des origines aux années 1960 (Du XVe siècle à l’occupation coloniale). Paris/Lomé: Editions Karthala/Presses de UL, 2011.
  1. KOSSI, Komi E.: La structure socio-politique et son articulation avec la pensée religieuse chez les Adja-Tado du Sud-Est du Togo. Stuttgart: Franz Steiner Verlag, 1990.
  1. MEDEIROS (De), François: Peuples du Golfe du Bénin. Paris: Éditions Karthala, 1984.
  1. PAZZI, Roberto: Introduction à l’histoire de l’aire culturelle ajatado. Lomé: INSEE/UB, 1979.
  1. REINDORF, Christian: The History of Gold Coast and Asante, based on oral Traditions and historical Facts of a Period comprising from about 1500 to 1860. Accra: University Press (Reproduction de l’édition de 1895).
  1. SPIETH, Jakob: Die Ewe-Stämme. Material zur Kunde des Ewe-Volkes. Berlin: Reimer Verlag, 1906.
  1. SPIETH, Jakob: Die Religion der der Eweer in Süd-Togo. Leipzig: Dietersch’che Verlagsbuchhandlung, 1911.
  1. STRICKRODT, Silke: Afro-European Trade in the Atlantic World. The Western Slave Coast c. 1550 – c. 1885, Boydell & Brewer, 2015.
  1. SURGY (De), Albert: Partition des unités cycliques du Temps en Pays Evhe (Togo/Ghana). In: Journal des Africanistes, Tome 45, Fasc. 1-2, 1975.
  • SURGY (De), Albert: Le système religieux des Evhe. Paris: L’Harmattan, 1988.
  • SURGY (De), Albert: Le Prêtre-Roi des Evhe du Sud-Togo (The Priest King of the Evhe in Southern Togo). In: Systèmes de Pensée en Afrique Noire, N° 10, 1990 (téléchargeable à partir de la Plate-Forme https://journals.opendition.org ).
  • TOGO: 27 avril 1958/1960: 30 biographies des artisans de l’indépendance nationale «Ablodé». (Volume I). Un ouvrage élaboré à partir de multiples contributions et témoignages (publié en 2011 par le Parti des Travailleurs).

[1] Contacts:

PYRAMID OF YEƲE

Postfach (Case postale)

CH-5600 Lenzburg (SUISSE)

 Web: www.pyramid-of-yewe.org

Page personnelle: www.kebo-toe.net/?page_id=2676

  E-Mail: [email protected]

Téléphone: +41’ (0)76’ 391’ 55’ 45

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