Un nouvel amendement constitutionnel au Togo élimine l’élection présidentielle directe et permet à la famille présidentielle de prolonger son règne de six décennies. le changement constitutionnel a été adopté par les députés avant les élections et promulgué par le président Faure Gnassingbé le 6 mai dernier.
Le peuple togolais ne sera plus le seul à élire son président, selon une nouvelle loi signée par le président sortant, Faure Gnassingbé, le 6 mai.
En lieu et place d’élection présidentielle directe, le pouvoir de choisir le chef de l’État togolais reviendra désormais au parlement, qui compte 113 sièges. Cette modification fait suite aux élections nationales du 29 avril.
M. Gnassingbé est arrivé au pouvoir en 2005, succédant à son père Eyadema Gnassingbé qui a dirigé le Togo pendant 38 ans.
Son mandat en cours arrivait à terme en 2025, avec la possibilité pour Faure Gnassingbé de se représenter pour un second mandat, selon la constitution révisée de 2019.
La nouvelle constitution qui bascule le pays dans un régime parlementaire donne au président un mandat de 4 ans renouvelable une fois.
Toutefois, il n’est pas appliqué rétroactivement et signifie que les 20 ans que M. Gnassingbé a déjà passés au pouvoir ne seront pas pris en compte dans le calcul de son mandat.
En vertu de la nouvelle constitution, les membres du parlement éliront désormais le président qui, à son tour, nommera le président du Conseil des ministres – l’équivalent d’un premier ministre dans un système de gouvernement parlementaire doté de pouvoirs exécutifs.
La controverse sur les récentes réformes a retardé les élections du mois dernier. Elles ont été considérées comme une violation du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, qui interdit toute modification substantielle de la loi électorale d’un pays membre moins de six mois avant une élection, sauf avec le consentement de la majorité des acteurs politiques.
Cependant, malgré les protestations anti-gouvernementales, le parti au pouvoir a décidé d’aller de l’avant avec les propositions.
“En décidant d’organiser les élections législatives, le parti au pouvoir a montré qu’il ne prenait pas du tout l’opposition au sérieux”, déclare Joe Anuga, expert en affaires internationales.
M. Anuga, professeur de sciences politiques à l’université de Jos, a déclaré à la BBC que cette décision pourrait marquer le début d’une crise plus grave, le taux de participation des électeurs laissant entrevoir un mécontentement à l’égard du nouvel ordre politique.
À l’issue des élections, le parti au pouvoir – l’Union pour la République – a été déclaré vainqueur dans 108 des 113 sièges du parlement et dans 137 des 179 postes du sénat.
Cela signifie que le parti au pouvoir déterminera désormais qui sera le prochain président, sans tenir compte de la limitation des mandats.
Les partis politiques d’opposition et les groupes de la société civile togolaise continuent de s’opposer aux changements constitutionnels.
“Nous avons participé à l’élection non pas parce que nous pensons que toutes les conditions d’une élection transparente étaient réunies”, a déclaré le professeur Komi Wolou, chef du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR), parti d’opposition.
“Mais nous avons décidé d’aller de l’avant, sachant bien qu’il valait mieux participer et aussi continuer le combat parce qu’il n’y avait pas de meilleure solution”.
Le professeur Wolou a accusé les agents électoraux du Togo d’avoir contribué au bourrage des urnes au profit du parti au pouvoir.
“Le jour du scrutin, la situation était tellement grave qu’ils ont rempli les urnes ; nous avons vu les vidéos qui circulent sur les médias sociaux. Les agents électoraux ont rempli les urnes”, a-t-il déclaré.
À l’approche du scrutin, la liberté civique et la liberté des médias ont fait l’objet d’une répression. Les médias étrangers ont été interdits dans le pays pendant les élections.
Deux semaines avant les élections, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a envoyé une délégation au Togo pour effectuer une évaluation préélectorale et s’engager avec les parties dans le processus électoral.
Conjointement avec les missions de l’Union africaine et de la Francophonie, la CEDEAO vient de publier une déclaration sur les élections au Togo, appelant à la paix.
“Les missions soulignent la nécessité de préserver la paix et de renforcer la démocratie et l’État de droit et appellent toutes les parties prenantes à tout mettre en œuvre pour promouvoir le dialogue et la consultation et à utiliser les voies légales pour résoudre tout différend qui pourrait survenir”, indique la déclaration.
Pour de nombreux Togolais, le nouvel amendement signifie que les espoirs de voir leur pays tourner une nouvelle page de son histoire politique ont été déçus.
Source: BBC