Décédé en exil au Ghana le 3 mars 2024, l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo a été inhumé le week-end dernier dans son village natal de Tokpli au Togo. Pour l’occasion, sa fille Kekeli Kodjo lui a rendu un vibrant hommage. À travers ses mots, elle a révélé le père aimant, attentionné et passionné qu’il était. Elle a également partagé l’origine du prénom “Agbéyomé” de son père. Lisez!
Hommage de Kekeli Joëlle Kodjo à son père
Il s’appelait Agbéyomé. C’était mon père.
Vous connaissiez l’homme politique, l’amoureux du Togo et l’ardent défenseur des valeurs démocratiques, l’homme charismatique prêt à mourir pour son pays.
Mais connaissiez-vous mon père ?
Il s’appelait Agbéyomé.
Il portait la vie en lui. Un jour alors que ma grand-mère puisait l’eau à la rivière, le pagne s’est détaché et le bébé est tombé dans l’eau. Il a beaucoup bu, beaucoup d’eau, mais le bébé ne s’est pas noyé. Mon arrière-grand-père s’est alors exclamé « Agbé lé devia mé! » (Il portait la vie en lui). Ils l’ont appelé Agbéyomé.
Agbéyomé était mon père.
Un père de neuf enfants à qui il a appris la vie, un père brillant et bien présent, qui nous a éduqués et élevés, littéralement, le meilleur père dont on ait pu rêver.
À nous, ses neuf enfants : Jocelyne, Jean-François, Kekeli, Josépha, Brice, Gabriella, Eyram, Jean-Guillaume et Pierre-Alexandre, Il a donné tout son amour. Il nous a considérés, il nous a accordé son temps, il nous a parlé, il nous a interrogés, il nous a fait réfléchir.
Il nous a fait grandir. Il a ouvert grand nos esprits, il nous a encouragés, il nous a appris à nous relever, il nous a donnés des ailes et il nous a regardés, heureux, nous envoler.
Il nous a aimés, profondément.
Et il va nous manquer, profondément.
Mais il nous a transmis ses valeurs, pour les transmettre à notre tour, à nos enfants.
Son amour véritable, nous l’avons observé chaque jour à chaque instant :
Son amour pour nous, sa famille qu’il a toujours voulue unie ;
Son amour pour le Togo, son pays chéri ;
Son amour pour Dieu, sa foi inébranlable ;
Son amour pour les hommes, sa bonté et sa générosité ;
Son amour pour la vie, sa joie et sa gaieté, même dans la difficulté.
Haut les cœurs !
Ses trois mots préférés…
Agbéyomé, c’était courage dans l’adversité.
Respecté par tous, un grand homme parmi les grands, pour nous, il n’a jamais cessé d’être un modèle. Pour vous, il était Premier ministre, président de l’Assemblée ou directeur général du port de Lomé. Pour nous, il était notre papa adoré, un homme fort, joyeux, gentil, intelligent et passionné.
Agbéyomé, c’était Authenticité.
Nous avons eu ce privilège d’être élevés par un père immensément brillant et parmi tout ce qu’il nous a enseigné, l’importance de la lecture, sa richesse inépuisable, a gagné. Combien de livres nous a-t-il conseillés ?
Agbéyomé, c’était Ouverture et curiosité.
Nous aurions pu déménager plusieurs fois, mais nous ne l’avons pas fait. Nous sommes toujours restés chez nous, à Forever. Et Pourquoi ? Parce que…
Agbéyomé, c’était Simplicité.
Des grilles de sécurité auraient pu partout orner nos fenêtres, mais il n’y en a pas eu, jamais. Il demandait systématiquement à les faire retirer, même si le protocole les imposait.
Agbéyomé, c’était Accessibilité.
Nous aurions pu vivre reclus entre nous, mais cela ne s’est jamais passé. Chaque jour, nous accueillions des dizaines et des dizaines de personnes qui attendaient le long de notre rue de pouvoir entrer chez nous et le rencontrer, pour être conseillées et aidées.
Agbéyomé, c’était Humanisme, Hospitalité et diversité.
Il nous a appris à nous dépasser, à travailler dur, sans ménager nos efforts et nous l’avons écouté.
Agbéyomé, c’était Travail, rigueur, discipline et pugnacité.
Nous avons côtoyé des gens influents, mais Papa ne s’est jamais égaré. Il est resté l’homme qu’il était. Il n’a jamais oublié d’où il venait : enfant, il allait pieds nus cultiver la terre et pêcher avant d’aller à l’école. Il n’a eu de cesse de nous le rappeler.
Agbéyomé, c’était Humilité et dignité.
Nous aurions pu avoir un père absent, trop accaparé par ses tâches importantes. Mais non, tous les midis, il partageait son repas avec nous. Il était bien présent, son corps et son esprit. Rien ne pouvait remplacer son Akoumin accompagné de sa sauce Ademe, son plat préféré. Il n’a jamais cessé de nous guider, même éloigné, même isolé.
Agbéyomé, c’était Priorité et disponibilité.
Par ses actes, il nous a montrés ce qu’était le respect : le respect d’autrui, le respect de son pays.
Il n’a eu de cesse de poursuivre des rêves pour son Togo chéri, son pays, toujours dans son cœur, toujours au bord de ses lèvres. Partout où il allait, partout où nous avons voyagé, il disait : « cela aussi nous pouvons le faire, chez nous aussi ! »
Agbéyomé, c’était Appartenance, espoir et loyauté.
Papa croyait en Dieu par-dessus tout. Combien de chapelets avons-nous égrenés pour prier. Combien de fois nous a-t-il lavé les pieds lors des veillées pascales comme Jésus l’a fait à ses disciples en signe d’humilité. Combien de fois ne nous a-t-il pas rappelé tout en pointant le Ciel que « c’est LUI et LUI seul qui fait tout et rend toute chose possible » ?
Agbéyomé, c’était Croire, aimer et respecter.
Et plus que tout, Papa avait cette faculté de semer des graines, d’ouvrir les esprits et de repousser les limites. Combien de personnes a-t-il éveillées et encouragées à aller au bout de leurs idées ? Avec Papa, rien n’était jamais impossible. Et pourquoi pas ? Tout envisager.
Agbéyomé, c’était Créativité, espoir et prospérité !
Papi gâteau qui adorait ses petits-enfants, il nous a tous toujours considérés de la plus belle manière qui soit. Il accordait de donner un bonbon, mais il respectait aussi les exigences des parents et n’hésitait pas à rappeler à son petit-enfant : « Non, je ne veux pas avoir de problème avec ta maman ». Un grand-père parfait.
Agbéyomé, c’était Respect et fraternité.
Joyeux et toujours heureux d’être en vie, Papa communiquait son enthousiasme à tous ceux qui le croisaient. L’espoir ne le quittait jamais. Ne pas abandonner, toujours espérer : Haut les cœurs ! Nous allons y arriver. Papa était un gentil, il rassemblait autour de lui.
Agbéyomé, c’était Convivialité et générosité.
Nous l’avons tant aimé.
Mais il y a des douleurs qui ne disparaitront jamais. Nous avons perdu quatre années. Trois de tes petits-enfants ne t’ont jamais rencontré. Et tu avais encore tant à nous donner. Nous avons perdu notre Papa adoré.
« Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis. » (Victor Hugo)
Tu vas nous manquer, mais tu nous as tant donné, tu as semé tant d’espoir, que nous ne pouvons que croire à cet avenir dont tu rêvais.
Haut les cœurs !
Papa, tu as réussi. Nous sommes fiers et heureux d’avoir partagé ta vie. Merci.
Ton héritage vit parmi les tiens et tous ceux qui t’ont accompagné. Le Togo est marqué de ton empreinte. Nous serons à la hauteur. De tout cela germera un avenir meilleur.
Agbeyome, c’est Amour, force, confiance et postérité.
Papa tu vas nous manquer. Laisse-nous un peu te pleurer. Nous t’avons tant aimé. Nous sommes blessés, mais nous allons nous relever.
Repose en paix, Papa adoré.
Haut les cœurs !
Ta jojo