Togo: Entre précarité, rackets des militaires et incursion des groupes armés, les Savanes en douleur

Sous état d’urgence sécuritaire depuis juin 2022 en raison des attaques des groupes armés et autres criminels, les populations de la région des Savanes continuent de porter leur croix. Entre la pression de ces groupes armés et les rackets des forces de défense et de sécurité, l’étau se resserre sur les civils qui ruminent leur douleur.

Souvent pointés du doigt par les populations civiles, les militaires déployés dans le cadre de l’opération Koundjoare pour sécuriser la région sont régulièrement critiqués du fait des rackets. À la mi-août 2024, cette question a suscité des débats houleux au sein de l’opinion à Nano. Plusieurs voix se sont indignés des agissements des gendarmes et policiers chargés de la sécurité sur les axes routiers.

En mars 2024, Monseigneur Dominique Guigbile, évêque de Dapaong, dénonçait « les exactions, les tracasseries, et les brimades souvent infligées aux populations par ceux-là mêmes dont la mission et le devoir sont d’assurer leur sécurité et de protéger leurs biens. À cela s’ajoute les rackets auxquels se livrent certains agents des forces de sécurité aux barrages de contrôle ou aux check-points érigés sur les routes dans le cadre de la lutte contre l’extrémisme violent dans la région des Savanes ».

Cependant, l’écho de la voix du prélat et les doléances portées sont restés sans suite, loin des oreilles du palais de Faure Gnassingbé.

Cette semaine, c’est un paysan qui se lamente : « J’allais chez le chef canton pour une réunion. Comme ce n’était pas loin, je n’avais pas les papiers de ma moto sur moi. À peine à 500 mètres de mon domicile, les militaires et policiers m’ont arrêté. Ils ont pris ma moto. Je suis retourné chercher le casque et les papiers, mais ils ont exigé que je paie 5000 francs CFA. Je suis parti chercher l’argent. À mon retour, ils avaient déjà emporté la moto. C’est après des supplications que j’ai pu la récupérer en versant 5000 francs, sans obtenir le moindre reçu ».

Le témoignage est d’un homme d’une quarantaine d’années, dont le visage traduit la profondeur de sa douleur. Selon plusieurs sources, ce genre de plaintes est légion dans la région.

Un frein à la collaboration

La lutte contre le terrorisme nécessite une collaboration parfaite entre les populations civiles et les forces de défense et de sécurité. Mais dans un pays comme le Togo, où les relations entre les deux entités sont marquées par des précédents douloureux, cette collaboration s’annonce difficile.

Si les populations, surtout en milieu rural, continuent d’être brimées sans la moindre compassion, cela risque de compromettre cette collaboration tant souhaitée. Tant que la confiance ne sera pas établie entre les populations et les forces de défense, la cohabitation ne sera qu’une façade.

Les populations auront du mal à apporter leur pierre dans la traque contre les groupes armés. Chaque jour, les victimes de rackets se comptent par dizaines et la grogne enfle dans le silence.

L’état d’urgence sécuritaire prolongé, combiné à la précarité croissante et aux abus des forces de défense et de sécurité, alourdit un fardeau déjà insupportable pour les populations des Savanes. Ces pratiques, si elles persistent, risquent non seulement de briser toute confiance, mais aussi de rendre impossible la collaboration essentielle à la lutte contre les groupes armés et autres criminels.

Pour desserrer cet étau qui étrangle les populations, il est urgent que les autorités prennent des mesures pour mettre fin aux abus et restaurer la confiance dans cette région meurtrie.

Source: lalternative.info

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