Plus de 90 jours après la démission du gouvernement, le Togo dispose enfin d’un nouvel exécutif depuis le mardi 20 août 2024. Ils sont au total 35 ministres et trois ministères rattachés à la Présidence et à la Primature.
Au sein de ce gouvernement abracadabrant, en dehors des indéboulonnables, des recyclages et le jeu de chaise musicale, la petite nouveauté est l’entrée, solitaire au gouvernement, de Joseph Koamy Gomado, désormais ex-membre du bureau de l’Alliance nationale pour le changement (ANC).
Un exécutif dirigé par Victoire Dogbé qui a présenté le vendredi 23 août aux députés sa déclaration de politique générale.
Cet exercice républicain a encore révélé l’obscurantisme qui couvre le régime de Faure Gnassingbé.
Le nouvel exécutif connait 11 départs, parmi lesquels des personnalités appelées notamment à d’autres fonctions, et 13 nouveaux entrants. Fait notable, plusieurs nouveaux ministres se voient confier des départements importants comme l’économie et les finances, la santé et l’hygiène publique, l’économie maritime, les mines et l’énergie, ou encore l’enseignement supérieur et la recherche.
Les inamovibles de Faure Gnassingbé
À l’évidence, face aux défis de l’heure, en l’occurrence le marasme économique et le flou institutionnel instauré dans le pays, la seule préoccupation de Faure Gnassingbé est la sauvegarde du pouvoir. Pour ce faire, il a décidé de continuer à s’entourer de ces personnes qui l’aident à protéger son bien le plus précieux. Elles sont systématiquement présentes au gouvernement depuis près de 20 ans, malgré leur incapacité notoire à répondre aux besoins les plus élémentaires des populations.
À commencer par la cheffe du gouvernement, nommée pour la première en 2008 et qui depuis a été systématiquement reconduite jusqu’à sa nomination à la primature en 2020. Nous y reviendrons !
Dans le cercle des ministres carriéristes, on note également la reconduction de Gilbert Bawara, Cina Lawson, Gal Damehane Yark, et Robert Dussey. Ces quatre proches du Chef de l’Etat cumulent respectivement, 17, 14, 12 et 11 ans au gouvernement.
En effet, au Togo, tout se passe comme si certaines personnes sont indispensables à l’existence même de l’Etat. C’est-à-dire que sans elles, l’Etat ne survivra pas.
Dans ce gouvernement de « mêmes personnes » comme déploré par Nathaniel Olympio, le fait marquant reste la nomination d’Isaac Tchiakpe, porte-parole de l’Union des forces de changement (UFC) dont le parti dispose d’un accord avec le régime de Faure Gnassingbé et l’opposant et maire de la commune Golfe 1 Koamy Gomado. Ce dernier « a succombé au chant des sirènes en rejoignant le camp des oppresseurs », a indiqué son parti, l’ANC qui a ouvert une procédure disciplinaire à son encontre.
Rien de nouveau sous le soleil
Que peut-on attendre d’un tel gouvernement ? « On ne peut rien espérer de nouvelles perspectives en recyclant depuis 18 ans les mêmes personnes et les mêmes politiques publiques », répond Nathaniel Olympio. Pour lui « le profil des ministres montre clairement que l’objectif principal de cette équipe est de rentre opérationnel le coup d’Etat constitutionnel de mai dernier. De toute évidence, ce régime est à bout de souffre ». Et ce n’est pas la politique générale présentée par la première ministre Victoire Tomégah-Dogbé qui va rassurer les plus sceptiques éreintés par les incohérences et l’absence d’une vision claire de son gouvernement.
En effet, la native de Badougbe a présenté devant l’Assemblée Nationale, vendredi, 23 août 2024, les prétendues grandes priorités de son gouvernement. Mais cet exercice de style s’est transformé en un sandwich indigeste. Au cours de sa prise de parole, la Cheffe du gouvernement a longuement vanté le bilan de son équipe depuis 2020. Un annuaire de chiffres à la sauce de la gouvernance hors sol de Faure Gnassingbé et sa petite minorité. Une déclaration de politique générale creuse telle qu’elle ressemble à s’y méprendre au produit d’une intelligence artificielle. Et pour cause, la rhétorique est si mécanique, automatique et prévisible qu’on pourrait la croire générée par un ordinateur.
Selon Victoire Dogbé, la feuille de route gouvernementale 2025 adoptée par son équipe en 2020, « après 75% de délai d’exécution, des avancées significatives ont été observées ». « Des actions d’envergure ont été engagées en vue d’amoindrir l’impact de ces chocs, et de renforcer la résilience de nos concitoyens. Il s’agit des mesures économiques et sociales d’amélioration du pouvoir d’achat face à la cherté de la vie, notamment la subvention sur les engrais, les produits pétroliers et le gaz domestique, des mesures fiscales en faveur du secteur privé, ainsi que la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) », a indiqué l’ancienne Directrice de Cabinet de Faure Gnassingbé.
Des incantations qui dénotent de l’amnésie du régime togolais, tristement célèbre pour sa capacité à peindre les sombres réalités du pays en rose. En effet, l’économie togolaise exsangue est sous perfusion permanente de la Banque mondiale, du marché régional et Fonds Monétaire International (FMI) depuis plusieurs années. Vendredi, au moment où Mme Dogbe présentait sa déclaration de politique générale devant les députés, le Togo était encore sur le marché régional de titre UMOA pour solliciter 30 milliards de FCFA. Depuis le début de l’année, le pays a déjà touché un montant total de 564 milliards de FCFA. Contrairement à ce qui se passe dans les autres pays de la sous-région, au Togo les populations ont du mal à voir les projets financés par ces fonds, surtout destinés au financement des projets de développement. « Le Togo continue de rencontrer des difficultés, dont un accès restreint aux financements à la suite du resserrement de la politique monétaire des pays avancés, des problèmes d’insécurité persistants à la frontière nord, et une insécurité alimentaire durable et aggravée par le changement climatique », a fait savoir Kenji Okamura, Directeur Général Adjoint du FMI en mars 2024, confirmant les difficultés de l’économie togolaise, lors de l’annonce d’un accord permettant au Togo de bénéficier d’un financement de 390 millions de dollars environ.
Dans son document, la première ministre s’est vanté aussi des prétendues avancées réalisées par son gouvernement dans plusieurs domaines sociaux, dont la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable et l’énergie. Sans annoncer aucune mesure sérieuse, elle a simplement indiqué que la satisfaction des besoins sociaux de base tels que les soins de santé de qualité accessibles à tous, l’éducation pour tous et de qualité, l’eau potable, l’électricité accessibles à tous, l’emploi pour les jeunes et la modernisation de la vie publique avec une plus grande redevabilité seront les lignes directrices qui continueront de mobiliser la nouvelle équipe gouvernementale.
C’est un secret de polichinelle que le secteur de la santé au Togo est surchargé par de nombreuses difficultés auxquelles le gouvernement peine à trouver des solutions depuis de longues années. Du manque de personnel au matériel en passant par des infrastructures, l’hôpital public est dans un état comateux. La contractualisation brandie comme la panacée s’est finalement révélée inefficace. La dernière enquête de Afrobarometre sur le secteur en est une parfaite illustration. « La majorité (56%) des Togolais se disent insatisfaits des performances de leur gouvernement en matière d’amélioration des services de santé de base », a noté Afrobarometre dans une enquête publiée en juillet 2024.
Le secteur de l’éducation baigne aussi dans une précarité indescriptible. Les établissements scolaires n’arrivent pas à satisfaire toutes les demandes. Le système du double-flux est devenu la norme dans nombre d’écoles publiques. L’année académique écoulée, des élèves ont été encore tués par des murs de fortune qui leur servaient de salle de classe. L’année dernière à l’Université de Lomé, il y avait près de 75 000 inscriptions pour environ 18 500 places.
Au Togo, l’électricité et l’accès à l’eau potable sont devenus un luxe. A Lomé comme à l’intérieur du pays, nombre de nos concitoyens n’y ont pas accès, sinon sporadiquement. Dans certaines localités, les hommes et les animaux s’abreuvent encore à la même source.
C’est dans cette précarité ambiante que le gouvernement Dogbé 2 a été installé. Et les Togolais ne semblent faire aucune illusion d’un quelconque impact. « L’immobilisme et zéro efficacité ont été reconduits à la tête du Togo. C’est la preuve que Faure n’a rien à proposer et reste totalement fermé aux attentes des Togolais », a déploré un compatriote dans un média de la place.
Lemy Egblongbeli
Source: Lecorrecteur