L’obéissance de la loi qu’on s’est prescrite est liberté. Ainsi écrivait Jean-Jacques Rousseau. A pas de charge, le peuple togolais s’est vu imposer une République neuve dite Vème. Mais ceux qui ont pris cette initiative se retrouvent incapables de coordonner le coup afin qu’il soit accepté. A 36 jours de la fin de la session budgétaire, aucune ombre de projet de loi de finances rectificative. Encore moins de projet de loi de finances, gestion 2025. Qu’est-ce qui peut justifier ces violations constitutionnelles si ce ne sont les avatars issus de cette République-là ?
Le parti ADDI (Alliance des démocrates pour le développement intégral) a sonné le tocsin. Et c’est en ça qu’il est parfois utile, même quand on est seul et presqu’isolé dans l’adversité, il faut parfois choisir de résister à sa façon. Sans jeter l’opprobre sur ceux qui, de leur côté, ont décidé de ne pas siéger.
Dans un communiqué titré « Dysfonctionnement dans le processus budgétaire : un signal alarmant pour la gouvernance économique démocratique », l’ADDI « lance un appel solennel au gouvernement pour qu’il respecte ses obligations constitutionnelles en mettant à disposition des parlementaires les documents nécessaires à une étude approfondie du budget pour que l’Etat ne tombe pas dans une gestion catastrophique de dépenses non maitrisées qui aggraverait la précarité déjà insupportable de la population ».
Le pire dans ce communiqué de dénonciation vient de ce que lesdits retards sont injustifiés. L’exécutif n’a pas d’arguments. Mais quand on réfléchit, on comprend qu’il ne peut en être autrement. L’incapacité du Premier ministre à se conformer à la Constitution imposée a des racines lointaines.
Après la parenthèse élective du 29 avril 2024, précédée moins d’un mois auparavant par la sinistre adoption d’une nouvelle Constitution, l’équipe gouvernementale de dame Victoire Tomegah-Dogbé a fini par remettre sa démission à Faure Gnassingbé, le 21 mai.
Ailleurs, on n’a pas attendu plus d’une semaine pour reconstituer un nouveau gouvernement avec un nouveau premier ministre. Mais au Togo, il a fallu 90 jours pour qu’une nouvelle équipe soit mise en place. Trois mois pour former un gouvernement issu du même parti, avec le même Premier ministre. 3 mois de consultations « gynécologiques » pour déterminer qui, au sein du parti UNIR, devront figurer dans le gouvernement. Et c’est le 20 août que l’accouchement (par césarienne) a eu lieu : 35 ministres pour un pays de 8 millions d’âmes.
Alors que des urgences de tous genres attendent : sécuritaires, sanitaires, économiques, éducationnelles, bref, sociales.
La session budgétaire à l’Assemblée nationale commence le 1er mardi du mois d’octobre. Elle est surtout consacrée aux lois de finances, rectificative et de gestion de l’année suivante. Mais quand on brûle allègrement 3 mois dans la formation du gouvernement, comment peut-on apprêter dans les délais les budgets ?
L’article 30 de la nouvelle Constitution dispose : « Le budget de l’État, en recettes et en dépenses, est adopté sous la forme de loi de finances. L’initiative de la loi de finances appartient au Président du Conseil.
Le projet de loi de finances est débattu et voté d’abord par l’Assemblée nationale puis, transmis au Sénat dans les conditions prévues par une loi organique… ».
Mais ne connaissant que trop la gouvernance au Togo, il ne serait pas surprenant que le même article soit brandi en son dernier paragraphe pour justifier la gestion par ordonnance… « Si le projet de loi de finances n’a pu être déposé́ en temps utile pour être voté et promulgué avant le début de l’exercice, le Président du Conseil demande, d’urgence, d’abord à l’Assemblée nationale puis au Sénat l’autorisation de reprendre le budget de l’année précédente par douzièmes provisoires ».
Parce que n’étant pas le fait de l’Assemblée nationale, l’avant dernier paragraphe du même article ne saura être brandi et qui dispose : « Les dispositions du projet de loi peuvent être mises en vigueur par ordonnance si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de quarante-cinq (45) jours suivant le dépôt du projet de loi et que l’année budgétaire vient à expirer. Dans ce cas, le gouvernement demande la convocation d’une session extraordinaire, pour la ratification ».
Si le chef de l’Etat s’était préoccupé par le respect de la Constitution et avait fait ce qu’il fallait pour que la formation du gouvernement ne prenne pas un trimestre, mais une semaine tout au plus, l’exécutif aurait gagné plus de deux mois et assurément, ce temps aurait permis aux ministres et autres responsables d’institutions de se mettre au travail et d’apprêter leurs budgets respectifs pour l’Assemblée nationale. Mais vu qu’entre l’exécutif et le législatif, c’est comme l’arbre et l’écorce, on voit mal un député UNIR monter au créneau pour demander des explications à Faure Gnassingbé ou Victoire Tomegah-Dogbé. Aucun député n’a assez de courage pour ce faire.
Plutôt que de « voguer » dans les airs et de vivre entre deux avions, on aurait pu demeurer les pieds sur terre et s’atteler à rassurer les populations qu’un parti majoritaire dans l’exécutif et à l’Assemblée nationale pouvait diriger un pays où l’opposition est réduite à sa portion congrue. Mais avec cette désinvolture et ce peu d’empressement à mettre à disposition des députés les projets de lois de finances, on comprend alors que l’opposition avait et a toujours sa partition à jouer dans la gestion du Togo.
Godson K.
Source : Libertetogo.tg