Edito – Corruption, le fléau à double visage

Au Togo, la corruption rythme la vie quotidienne, gangrène les institutions et mine le moral des citoyens. Si les pratiques les plus visibles, comme par exemple le racket des corps habillés ou les abus dans les centres de santé, alimentent souvent les conversations, elles ne sont que la partie visible d’un iceberg bien plus destructeur. Oui, en réalité, c’est une autre forme de corruption, plus insidieuse, malheureusement légale et systémique, qui constitue le véritable poison de notre société.

La corruption des policiers, gendarmes, douaniers ou militaires est banale. Sur les routes, aux frontières, ou lors des patrouilles, les rackets ne sont plus une surprise et ne gênent presque plus personne. De même, dans les centres de santé, des pratiques scandaleuses comme les vols de médicaments destinés aux patients ou les interventions chirurgicales inventées pour extorquer des frais sont devenues normales. Ces abus qui appauvrissent la population provoquent plus de moquerie que de révolte. On les qualifie ironiquement de taméa, une expression qui reflète l’état d’esprit d’un peuple habitué à l’injustice.

Et pourtant, cette corruption «visible» est grave, puisqu’elle masque dangereusement une réalité bien plus inquiétante: la corruption invisible, silencieuse, légalisée, ancrée dans les structures mêmes de notre société. Ici, point de rackets à ciel ouvert, mais une captation systématique des ressources nationales par des réseaux politico-religieux, ethniques, francs-maçons et autres cercles de pouvoir. Ces réseaux, bien organisés, s’assurent un monopole sur les marchés publics, les opportunités économiques, les informations stratégiques et même les facilités administratives. Subtile, cette forme de corruption est la véritable machine à fabriquer des inégalités sociales et la pauvreté.

Elle est entretenue par une minorité qui s’arroge tout au détriment de la majorité qui grince des dents. Pendant que le peuple se débat pour survivre, certains accumulent malhonnêtement des richesses colossales. Cette corruption n’est pas punie, elle est protégée par un système qui la normalise, au point de la rendre presque culturelle, voire cultuelle.

Le véritable combat contre la corruption ne peut se limiter à traquer les rackets. Il doit s’attaquer à la machine systémique qui confisque les richesses nationales, perpétue les injustices et condamne une majorité à l’exclusion économique. Cela exige une remise en question profonde et surtout, un changement politique qui refuse que l’avenir du pays continue à être hypothéqué. Mais qui en a le courage!  

N’djo

Source : Sikaajournal.tg

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