Depuis quelques jours, les Togolais sont effarés d’apprendre que la fameuse Holding Togocom est devenue Yas qui est une société du groupe AXIAN Télécom basé à l’Île Maurice qui, selon le Réseau pour la justice fiscale en Afrique, est « parmi les paradis fiscaux pour les sociétés qui nuisent le plus aux pays africains ». Mais ce que les Togolais ne savent pas, c’est que tout est pratiquement vendu sous Faure Gnassingbé. L’Etat togolais a mis en garantie 12 biens immobiliers dont des ministères pour contracter, auprès de la Société Islamique pour le Développement du Secteur Privé (SID) Membre du Groupe de la Banque Islamique de Développement (BID), un prêt de 150 milliards de francs CFA sur la période 2016-2026.
En 2016, Faure Gnassingbé a opté pour le Fonds commun de titrisation de créances (FCTC) « Sukuk État du Togo 6,5% 2016-2026 ». Selon l’encyclopédie en ligne Wikipedia, le sukuk « désigne dans le droit musulman un certificat d’investissement conforme à la charia. Il est en quelque sorte l’équivalent, dans le domaine de la finance islamique, des obligations de la finance classique ». En ce qui concerne son fonctionnement, Wikipedia renseigne qu’« un sukuk n’est pas, comme pour les obligations conventionnelles, fondé sur une émission de dette. L’investisseur finance un actif tangible qui va fournir un revenu stable pendant une certaine duré. Les fonds recueillis auprès des investisseurs sont transférés vers une entité ad hoc, un fonds commun de créances en l’occurrence, qui va se charger de réaliser les investissements et de recueillir les revenus de ces placements pour les transférer ensuite aux investisseurs ».
Le projet était conduit par Sani Yaya, à l’époque ministre délégué auprès du ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, chargé du Budget, et les conseils juridiques ainsi que la délivrance du certificat de conformité juridique étaient assurés par l’ancien ministre de la Justice, Me Tchitchao Tchalim. Un prêt de 150 milliards de francs CFA avait été contracté pour, dit-on, financer des projets de développement économique et social. Et l’Actif Sukuk consiste en l’usufruit d’un ensemble de douze (12) biens immobiliers. « Suite aux diligences effectuées par le Commissaire aux Comptes du FCTC, il a été établi que la valeur de l’Actif Sukuk est au moins égale à deux cent milliards (200 000 000 000) de francs CFA. L’Actif Sukuk, ainsi que les immobilisés sous-jacents, ne font l’objet d’aucune sûreté, privilège ou autre droit au profit d’un tiers », renseigne le document.
Dans l’arrêté ministériel signé le 31 mai 2016 par Sani Yaya, il est précisé que, pour garantir et payer le prêt, l’Etat togolais a cédé à la Société Islamique pour le Développement du Secteur Privé (SID), membre du Groupe de la Banque Islamique de Développement (BID) l’usufruit, c’est-à-dire que la BID a le pouvoir d’exploiter et percevoir les loyers d’immeubles publics. « A cet effet, l’Etat du Togo, débiteur et unique bénéficiaire des fonds collectés dans le cadre de l’emprunt susdit, s’engage de façon ferme et irrévocable à garantir le remboursement intégral de toutes les créance découlant de cette émission. Ces créances sont constituées : des loyers sur l’Etat du Togo, au titre de contrat de location des actifs ; de la créance sur l’Etat du Togo consécutive au prix de revente de l’usufruit à l’Etat, dans le cadre de l’exercice de l’option, objet du contrat d’option de vente », indique l’arrêté.
Sont concernés les immeubles suivants : 1- le site de la Foire Togo 2000, 2- OTR Commissariat général, 3- siège de Togo Télécom à Nyékonakpoè, 4- Garage Central, 5- Ministère des Travaux publics, 6- OTR Commissariat des impôts, 7- UTB Circulaire, 8- siège de la LONATO, 9- CENI, 10-Ministère du Commerce, 11- SAZOF Agbalépédo, 12- SAZOF Zone portuaire.
Selon l’accord, « dans le cadre du Contrat de Location, le FCTC, représenté par la Société de Gestion, louera les Biens Objets de l’Actif Sukuk à l’État. Le Locataire paiera un loyer périodique égal au Montant de la Distribution Périodique dans le cadre du Sukuk. Les loyers devront être payés sans besoin d’aucun préavis ou réclamation, via un virement bancaire en CFA en fonds librement transférables, au Compte de Transaction, au plus tard à quinze (15) heures le deuxième jour ouvrable précédant chaque Date de Distribution Périodique ». Ces immeubles objets de l’Actif Sukuk devront, au 17 août 2026, date du dernier paiement (16ème tranche), générer la somme totale de 217 635 357 715 FCFA.
« Imagine par exemple que le pays n’arrive pas à apurer les dettes, la BID pourrait saisir les immeubles abritant des ministères et les revendre des opérateurs privés plus offrants. C’est un scénario extrême mais réaliste. C’est dangereux ce que le chef de l’Etat et son gouvernement font du pays. Regarde ce qui se passe avec Togocom. Tout le bénéfice que se fait Yas sur les consommateurs togolais, sort du pays. Cette fuite de capitaux est suicidaire pour notre économie », déplore le responsable d’une ONG.
Ben Latévi
Source : Liberté