Le bilan des Gnassingbé Père et fils après 58 ans de pouvoir ; la démocratie et le développement économique en rade

Dans quelques jours, M. Faure Gnassingbé  va boucler ses vingt ans au pouvoir après les trente huit ans de son père. Ainsi, ensemble avec son père, sans alternance, ils cumulent plus d’un demi-siècle au pouvoir. À ce jour, que doit-on retenir du règne des  Gnassingbé père et fils à la tête du Togo? 

Le ministre Christian Trimua qu’on ne présente plus, en pleine campagne pour l’élection  présidentielle du 22 février 2020, a affirmé sur les antennes de RFI, qu’à la mort de feu Gnassingbé Eyadema le père, le fils Faure Gnassingbé l’a succédé  en 2005 en héritant d’un pays «socialement délabré, économiquement exsangue et politiquement divisé.» Ce que nous avons toujours signifié et expliqué en ce sens que, le père Eyadema Gnassingbé a régné à la tête du Togo sur la base d’un système politique imposé par «la liturgie du sang et la violence comme culture». Aucune famille du Nord ou du Sud n’a été épargnée. A sa mort, il a laissé le pays dans un état grabataire, et une situation de dégradation avancée sur le plan sociopolitique et économique. C’était un véritable système dictatorial qui a fatigué tous les Togolais.
Malheureusement, son fils, Faure Gnassingbé, qui a été imposé par l’armée, dès le départ, visiblement conscient, n’a pas semblé avoir les capacités nécessaires pour faire changer les choses malgré une déclaration de sa bonne foi. Ce qui donne l’impression aujourd’hui que sous Eyadema les choses étaient encore mieux. Ce qui explique cette forme d’enchantement ces derniers temps de l’époque Eyadema. 
Victor Hugo disait: «tant que le peuple souffre vous n’avez rien fait». Dès lors, le constat est clair. Aujourd’hui on a l’impression qu’il existe deux types de Togolais. Ceux qui sont au sommet constituent une classe d’affairiste autour du chef de l’Etat qui accaparent toutes les richesses en attelage avec l’oligarchie intenable, en cédant des pans entiers de l’économie surtout le secteur des mines, les sociétés d’État les plus florissantes et le secteur juteux de l’importation des véhicules aux étrangers. Ils sont tous à l’abri de tout besoin et, en face, ceux qui vivent dans la précarité, prêts à aller fouiller dans la poubelle à la recherche de quoi manger. Alors que c’est une obligation morale pour les dirigeants d’une société de travailler sans relâche pour le bien-être de la population qui ne doit pas être noyée par les promesses sans fin et les catalogues de bonnes intentions. 

Hier la formule était «lui c’est lui, moi c’est moi». 
Malheureusement, les faits sont là et têtus. La commémoration avec faste aujourd’hui  des événements du 24 janvier 1974 et du 5 février 2005 nous rappelle cet adage en pays Tem qui enseigne que, «quand on célèbre trop les morts, c’est que les vivants ne sont pas à la hauteur». Au demeurant, il y a comme un sentiment de déception qui cache mal le désarroi. 
On se souvient des conditions de succession de Faure Gnassingbé à son père à la tête du Togo. Et pour ne rien changer, il n’a rien fait pour assurer et garantir la non répétition des événements sanglants de 2005, pourtant les responsables clairement identifiés par le rapport de l’ONU sont toujours là au sommet. C’est pourquoi, il nous est difficile de comprendre la sourde oreille du Chef de l’Etat sur la question des détenus politiques malgré les multiples condamnations de la Cour de justice de la CEDEAO sur les violations des droits de l’homme en l’occurrence.
Il faut rappeler tout de même qu’à la mort de Gnassingbé père, beaucoup avaient cru que c’était le moment de faire changer le système. Au contraire, son fils a finalement laissé le système évoluer dans un sens absolu qui a fait la promotion de la médiocrité. Quelle n’a été la surprise de constater que le pays est resté en marge de l’évolution par rapport aux pays limitrophes, avec un système économique condamné à une dégradation du pouvoir d’achat de la majorité des Togolais qui croupissent dans la misère face à une minorité pilleuse, une élite gourmande «cleptomane»à la limite machiavélique, qui tient tout le pays en joug. Les derniers rapports de la Cour des comptes pour l’exercice 2021, 2022, et 2023 en disent long. 
Pendant plusieurs années, cette  élite corrompue a porté atteinte à la souveraineté de notre nation en retirant le pouvoir au peuple sans pouvoir résoudre la moindre crise sociale, améliorer le pouvoir d’achat, les conditions des travailleurs et lutter contre le sous-emploi. Tous les citoyens, surtout le monde rural, les commerçants, les étudiants se sentent abandonnés et traumatisés. 
Eyadema, en 1991, par un détour d’une interview à son retour  du dernier sommet de l’OUA d’Abuja, dans une déclaration à affirmer que le Togo va «reculer de 100 ans en arrière». Aujourd’hui après 35 ans, le constat est clair. Sur le plan démocratique, le Togo est devenu une curiosité dans la sous-région marqué par un vrai recul démocratique. Tous les pouvoirs et les institutions de l’État se trouvent instrumentalisés et totalement inféodés au pouvoir exécutif. Ce qui est désormais institutionnalisé par la nouvelle constitution qui impose une forme de monarchie constitutionnelle, où la médiocrité rime avec le système politique, incapable de respecter la volonté du peuple et les résultats des urnes. 
Sur le plan économique, l’un des vestiges des œuvres d’Eyadema a été la nationalisation de la CTMB devenue OTP depuis le 2 février 1974.
 A la faveur de la conférence nationale, le peuple découvre avec stupéfaction que l’OTP après la nationalisation de la CTMB a été géré pendant plus de 10 ans sans un compte d’exploitation, selon le rapport de la commission de l’économie et des finances de la Conférence Nationale Souveraine (CNS). Aussi, la commission, après avoir fait le constat de la gabegie financière et l’échec de tous les programmes d’ajustement structurel de l’économie ayant conduit à un  niveau injustifié de la dette publique, a -t-elle déclaré la faillite de l’État à travers l’acte 7 adopté par la CNS. Ainsi les observateurs n’ont pas hésité à affirmer que la gouvernance sous Gnassingbé père n’a été qu’une véritable catastrophe. 

L’OTP fut de nouveau privatisé sous la pression du FMI et de la BM et devient IFG qui tombe encore en faillite et devient SNPT. Lors de l’étude du budget exercice 2018, les parlementaires ont été surpris de constater que de 2013 à 2017, pendant 4 ans la SNPT n’a rien versé au trésor public pour le compte des dividendes de l’État. Comme argument,  elle annonce un remboursement pour soi-même par compensation  d’une avance de crédit de TVA. Ce qui d’abord est une grave violation du principe de non compassion des comptes budgétaires et une fraude fiscale avérée qui est restée sans suite.

Les derniers rapports de la Cour des comptes pour l’exercice 2022 mentionnent la même anomalie selon laquelle depuis plus de 4 ans, le SNPT en particulier et d’autres entreprises du secteur des mines n’ont rien verser au Trésor malgré le renchérissement du prix du phosphate à la suite de la guerre en Ukraine. Il faut rappeler qu’en 2021 la SNPT a fait plusieurs dizaines de milliards de chiffre d’affaires. 
La question que l’on est en  droit de se poser est celle-ci : à quoi a servi en particulier la nationalisation de la CTMB du 2 février 1974 pour le peuple togolais et en général toutes ses richesses minières?
La question peut être étendue au port autonome de Lomé qui, dans les différents budgets de l’État n’a jamais rapporté plus d’un milliard par an. Alors que, lors d’une interpellation sur la question de la concession du 3ème quai du port à Lomé Container Terminal (LCT) à l’Assemblée nationale, le ministre Ninsao  Gnofam à l’époque ministre des transports à rapporter qu’en 7 ans le port a perçu une   redevance de plus de 87 milliards dont la commission de l’économie et des finances de l’Assemblée nationale n’a  retrouvé les traces. 
Si nous admettons qu’à sa mort, Eyadema a laissé à son fils un pays décadent, quand en est-il après 20 ans de gouvernance de celui-ci ? 
Malheureusement, à l’heure du bilan, on se rend à l’évidence que les choses n’ont véritablement pas changé. D’où la volonté de se voiler la face en célébrant avec frénésie ce qui reste des vestiges des œuvres de son défunt père en étant conscient de n’avoir pas pu faire mieux. 
À bien voir, le long règne de Gnassingbé père pendant 38 ans n’a pas permis d’instaurer un état respectueux des droits civils et politiques, ni  garantir les droits économiques et sociopolitiques. Les atteintes aux libertés fondamentales, la répression des opposants et le musellement politique sous Eyadema ont été appliqués de plus belle par le fils et qui sont même dénoncés par le dernier rapport du département d’État américain publié il y a quelques jours. Ce qui a entraîné la suspension du Togo au processus du MCC.

Avec la nouvelle Constitution et l’avènement de la 5e République, la volonté de confiscation de pouvoir n’est plus un mythe. Point n’est besoin alors de démontrer que la mauvaise gouvernance et la gabegie dans la gestion de finances publiques ont conduit à une sorte de fatalité, de la misère et de la pauvreté généralisée pour la majorité des Togolais. Les Togolais ne connaissent plus la fête, la joie de vivre, le bonheur tout court et se demandent à quand la fin ? À la fin de ce mois de février 2025, Faure Gnassingbé va boucler son dernier mandat en tant que Président de la République sans pour autant réaliser l’espoir qu’il avait suscité après la mort de son père Gnassingbé Eyadema. 
D’une manière légitime, on peut se demander si la récolte n’a-t-elle pas trahi l’espoir de la floraison ?

  OURO-AKPO Tchagnaou, 
Président du mouvement Lumière pour le Développement dans la Paix (LDP)


Source : Lecorrecteur

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