L’opposition togolaise traverse une zone de turbulence depuis les élections législatives et régionales de 2024, caractérisées par une fraude massive et inédite dans l’histoire politique du pays. Dans ce contexte où Faure Gnassingbé, après 20 années de règne, s’est offert une domination sans partage avec 108 sièges sur 113 à l’Assemblée nationale, l’opposition s’est retrouvée reléguée à une présence symbolique, réduite à seulement cinq élus.
« Il vaut mieux être seul que mal accompagné »
Face à cette situation, deux partis, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et les Forces Démocratiques pour la République (FDR), ont pris une décision radicale : refuser de siéger dans les institutions issues de ce scrutin qu’ils jugent illégitime. Ce choix s’inscrit dans une stratégie de résistance politique assumée, à l’opposé de la position de l’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI) et de la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), qui ont décidé de participer aux travaux parlementaires malgré leur faible représentativité.
Mais cette position de fermeté n’a pas fait l’unanimité en interne. En dépit des consignes strictes de non-participation, plusieurs militants de l’ANC et des FDR ont défié la ligne officielle en prenant part à la première réunion du conseil régional. Plus grave encore, Jean-Jacques Teko, représentant de l’ANC, a refusé de se retirer de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), malgré les injonctions du parti.
Face à ces actes de défiance, les deux formations ont pris leurs responsabilités. Ainsi, par une décision ferme, l’ANC a exclu, le 24 janvier 2025, sept de ses membres pour indiscipline notoire. Cette sanction rappelle celle de Kouami Gomado, ancien cadre du parti, qui avait déjà été radié le 10 juin 2024 pour avoir rejoint les rangs du pouvoir et été nommé ministre de l’Aménagement du territoire de la 5e République, combattue par son propre parti. De leur côté, les FDR ont également prononcé, le 30 janvier 2025, l’exclusion de leurs deux militants récalcitrants.
Ces exclusions envoient un signal clair : l’adhésion à un parti politique ne doit pas être motivée par une quête d’intérêts personnels, mais par une adhésion aux principes et à la vision du groupe. Dans un contexte où le pouvoir en place impose un régime de plus en plus monarchique, voir des militants se laisser séduire par des titres et des privilèges est non seulement un acte de trahison, mais une véritable honte politique.
Ce qui choque davantage l’opinion, c’est de constater que certains pseudo-résistants et donneurs de leçons ne s’indignent pas des actes de ceux qui trahissent la lutte, mais s’attaquent plutôt aux leaders comme Jean-Pierre Fabre pour avoir pris des mesures disciplinaires exemplaires. Ce paradoxe illustre bien la fragilité de l’opposition, gangrenée par des éléments opportunistes, qualifiés par Jean Pierre Fabre de « voyageurs sans bagage ».
L’ANC et les FDR viennent de poser un acte salutaire pour la reconstruction d’une opposition crédible et cohérente. Leur fermeté rappelle que la discipline et la fidélité aux engagements sont des valeurs fondamentales pour tout mouvement politique qui aspire à un changement véritable.
L’heure est donc au ménage. Tant que l’opposition tolérera en son sein des éléments fluctuants, indécis ou motivés par des intérêts personnels, elle restera vulnérable aux infiltrations et aux trahisons. Les partis politiques doivent se montrer intransigeants face aux dérives internes, au risque de voir la lutte pour l’alternance se transformer en une quête d’opportunités individuelles.
Le peuple togolais, quant à lui, doit s’assagir et comprendre que la résistance face au régime en place ne pourra être efficace que si elle repose sur des bases solides, débarrassées des ambitions personnelles et des compromissions.
L’ANC et les FDR viennent de tracer la voie, il appartient désormais aux autres formations politiques d’en tirer les leçons.
Ricardo Agouzou