Cette expression, république sans républicains, «Republik ohne Republikaner», nous la devons au chaos suscité au lendemain de la défaite allemande lors de la première guerre mondiale en 1918. Si nous nous amusons à remonter l´histoire, nous constaterons très vite que la république proclamée dans la petite ville de Weimar (lire: Veymar), à l´est de l´Allemagne, en novembre 1918, d´où son non, république de Weimar, n´était pas placée sous une bonne étoile. En effet, pour beaucoup de nationalistes allemands à l´époque, cette république rappelait trop l´humiliation de la capitulation. Et les historiens sont aujourd´hui unanimes pour expliquer le fait que cette république, qui ne dura que 15 ans, de 1918 à 1933, fût qualifiée de république par défaut, ou de république sans républicains: «L’Allemagne était également à la merci des puissances étrangères, qui voulaient la punir pour la guerre et prévenir de futures menaces en décimant l’économie allemande. Les termes humiliants du Traité de Versailles (1919) ont enflammé les nationalistes paranoïaques, qui s’accrochaient à la conviction que la capitulation de 1918 était injustifiée et qu’elle était l’œuvre de socialistes et de conspirateurs juifs…»
Voilà le bref rappel historique qui nous permet de mieux aborder notre sujet du jour et surtout d´aider à mieux comprendre le titre de notre texte. Toutefois d´aucuns se demanderont en quoi l´histoire d´après-première guerre mondiale de l´Allemagne pourrait avoir aujourd´hui une relation avec ce qui se passe de dramatique sur le plan politique au Togo. Certes, notre pays n´a jamais connu aucune guerre, en dehors de la guerre larvée du régime Gnassingbé contre son propre peuple depuis plus d´un demi-siècle. En Allemagne, ces années de trouble qui marquèrent la fin de la première guerre mondiale, permirent l´ascension d´un certain Adolf Hitler, avec pour conséquence la deuxième guerre mondiale; mais entre-temps le pays s´était ressaisi et passe aujourd´hui pour être l´un des pays prospères au monde. Si les troubles politiques en Allemagne de 1918 à 1933 pouvaient se justifier par la guerre et la défaite, au Togo, un pays théoriquement en paix, rien ne peut corroborer le fait qu´une dictature pure et dure, faite d´assassinats, de putschs, puisse continuer à faire la loi et dont personne ne peut prédire la fin. La ressemblance de cette appelation «république sans républicains» qui fait allusion à cette république allemande d´exception, avec la gouvernance du régime Gnassingbé se trouve surtout dans la manière du pouvoir impopulaire du Togo d´exclure une grande partie des populations togolaises de la gestion du pays, depuis le père Éyadéma jusqu´au fils Faure Gnassingbé.
Cette gouvernance clientéliste du régime RPT jusqu´à celui d´UNIR, cette pratique à ciel ouvert du népotisme sont des travers qui font la part belle à des Togolais d´une certaine catégorie quant à la jouissance des richesses du pays; pendant que d´autres, plus nombreux, constituent des citoyens de seconde zone, dans leur propre pays. Et aujourd´hui avec cette fameuse 5e répubique, sortie du chapeau de magicien de Faure Gnassingbé et de ses proches collaborateurs, une république vraiment sans républicains, puisqu´à l´instar de la république de Weimar d´il y a plus de cent ans en Allemagne, cette supposée 5e république est boudée à juste titre par la grande majorité des Togolais. Un subterfuge mal ficelé pour ne jamais quitter le pouvoir et permettre l´alternance au sommet de l´état, comme c´est le cas dans plusieurs pays qui nous entourent. Une vilaine manière d´insulter et d´humilier son peuple, à qui le régime autour de Faure Gnassingbé refuse la liberté et la prospérité, pendant que les discours officiels sont unanimes pour marteler des contre-vérités qui chantent une «démocratie» qui serait en marche au Togo. Quelle humiliation de plus pour ce peuple togolais qui n´a que trop souffert et qui ne mérite pas ça!
L´autre raison, qui n´est que la conséquence de la mauvaise gouvernance, donc d´une mauvaise pratique de la politique des tenants du pouvoir depuis plus d´un démi-siècle au sommet de l´état, qui fait vider la république des républicains, est la grande pauvreté des Togolais, qui vient prouver, comme s´il en était encore besoin que ce régime a touché le fond sur tous les plans, parce qu´incompétent et méchant. Et nos confrères du bi-hedomadaire «Le Correcteur» n° 1204 du 31 mars 2025 ne sont pas passés par quatre chemins pour décrire la situation de misère et de pauvreté qui sème la désolation au sein des populations et surtout au sein d´une jeunesse togolaise qui ne sait plus à quel saint se vouer: «Le Togo, à défaut de devenir l’eldorado auquel rêvent les milliers de candidats à l’exil, doit offrir un minimum de possibilités aux jeunes pleins d’ambition et porteurs de projets viables. Visiblement, même ce minimum vital est introuvable. Par la faute d’un régime qui a érigé le pays en véritable repaire de népotisme et de clientélisme, où ne peuvent s’exprimer les esprits libres et indépendants. La jeunesse togolaise lasse de ne rien voir venir est contrainte de se livrer à des aventures risquées. Combien de nos concitoyens ont laissé leur vie en mer ou dans la forêt amazonienne en tentant de rallier l’Europe ou les Etats Unis ? « La colère des jeunes gronde. Même le diable ne parviendra pas à protéger ceux qui refusent d’entendre cette colère », dixit l’économiste camerounais, Célestin Monga, professeur d’économie à l’université Harvard et ancien vice-président de la Banque africaine du développement.»
Le règne du régime Gnassingbé avait toujours consisté, d´Éyadéma à Faure Gnassingbé, à travers la pratique du népotisme et du clientélisme, à scinder le peuple togolais en deux catégories. Il y a ceux qui sont fidèles au parti-état, et qui peuvent donc profiter et jouir des richesses du pays. Ceux-là, nous pouvons les appeler des citoyens à part entière qui appartiennent vraiment à la république. Il y a ensuite des Togolais et des Togolaises laissés pour compte, qui se retrouvent lésés sur tous les plans et qui n´ont que cette possibilité de risquer leur vie, pour aller chercher ailleurs un bonheur que leurs dirigeants n´ont pas été capables de leur offrir. Avec aujourd´hui la 5e république imposée par la force, avec l´aide de quelques personnalités corrompues de la fausse opposition, la minorité au pouvoir décide officiellement d´exclure définitivement la majorité des Togolais de la gestion du pays. Pour son rêve d´un pouvoir à vie, jusqu´où Faure Gnassingbé est-il prêt à aller dans sa tentative de mettre en danger l´unité de la république?
Samari Tchadjobo
Allemagne