Nous sommes entrés dans une ère singulière au Togo. Non pas celle des Lumières, où triomphaient la raison, la liberté de pensée et l’éveil des consciences. Mais plutôt dans un siècle du miroir, où les hommes ne contemplent plus que leur reflet, leur position, leur ventre, leur intérêt et leur survie personnelle.
Autour d’un seul individu s’est construit un système dense, verrouillé, quasi sacré. Il concentre en son orbite des intellectuels, des cadres chevronnés, des diplômés, universitaires de toutes disciplines, des figures influentes. Tous s’alignent, s’effacent et servent. Loin d’être des contre-pouvoirs, ils deviennent des instruments de propagande, de confort et de pérennité pour une seule volonté.
Le tableau est troublant. Ce chef désigne les conseillers municipaux et régionaux, les maires, les députés, les sénateurs, les présidents d’institution, et finit par désigner, dans une mise en scène républicaine bien huilée, le président de la République. Puis, par un dernier tour de passe-passe, se hisse au-dessus de toute règle, intouchable, éternel.
Mais comment comprendre la soumission docile de tant d’hommes instruits ? Ont-ils perdu foi en la démocratie ? Ont-ils été envoûtés ? Non. La réponse est plus simple et plus grave : ils ont choisi . Choisi de taire leur conscience pour préserver des privilèges. Choisi de renoncer à toute utilité autre que celle de servir. Comme l’a montré récemment la sortie lucide de Madame Gnakadé Marguerite, ancienne ministre des armées du Togo et mère de la famille Gnassingbé qui est au pouvoir depuis 58 ans, il n’y a pas de mystère, seulement des renoncements assumés .
Ce constat est douloureux. Mais il ne doit pas nous désespérer. Car au milieu du silence, une parole s’élève. Au cœur de la résignation, une étincelle persiste. L’espoir renaît. Lentement, discrètement, mais sûrement. Ce n’est qu’une question de temps.
Ricardo Agouzou
Non, nous n’avons pas le temps… Les leaders de l’opposition doivent sortir de leur zone de confort qu’est la dénonciation sans annonce, rassembler leurs populations, et gagner les élections locales programmées.