Dans une lettre poignante, le front « Touche Pas À Ma Constitution » implore l’ex-députée française Christiane Taubira de renoncer à participer à une conférence sur le panafricanisme à Lomé en juin 2025. Organisée sous l’égide d’un régime accusé de bafouer les libertés et de réprimer ses citoyens, cette conférence risque, selon le front, de servir de vitrine à une dictature qui trahit les valeurs mêmes du panafricanisme. Lecture.
Lomé, le 28 Mai 2025
A l’attention de
Nos Réf : 05/2025-126
Madame Christiane Taubira
Ancienne Ministre
Paris – France
Objet : Votre présence à la Conférence sur la Panafricanisme à Lomé en juin 2025
Madame La Ministre,
C’est avec une profonde gravité et un sens aigu de l’urgence historique que nous prenons la liberté de nous adresser à vous aujourd’hui.
Nous avons beaucoup de respect, et même une certaine admiration, pour votre engagement au bénéfice des Africains et des Afrodescendants. Votre loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage, importantes composantes du colonialisme, en tant que crime contre l’humanité, demeure une avancée majeure pour notre communauté depuis ce jour du 21 Mai 2001.
Votre participation est annoncée à la conférence sur le Panafricanisme que le gouvernement Togolais a vainement tenté d’organiser l’année dernière et sous-traitée maintenant au groupe Manssah. Cela surprend et inquiète profondément le mouvement citoyen togolais « Touche Pas A Ma Constitution », un regroupement d’une vingtaine d’organisations de la société civile et de partis politiques.
Certes, il s’agit d’une thématique importante qui doit être davantage promue et vulgarisée. Cependant, la conférence à laquelle vous êtes invitée se déroule au Togo, et elle est surtout portée par le gouvernement dont le régime incarne tout le contraire des valeurs que vous défendez.
Le régime Togolais, la plus vieille dictature de l’Afrique de l’Ouest, peut-il bénéficier de la caution de Madame Christiane Taubira qui ne cesse de défendre les libertés partout où elles sont bafouées ?
Le Panafricanisme porte les valeurs de liberté, de droits humains fondamentaux, d’Etat de droit et de souveraineté, à commencer par la souveraineté du peuple. Au Togo, tous ces droits sont refusés aux citoyens.
Imaginez un instant que Monsieur Jacques Chirac soit toujours au pouvoir en France actuellement. Impensable n’est-ce pas ? C’est pire au Togo.
Faure Gnassingbé a pris le pouvoir en 2005, en succédant à son père, Général Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé le Togo d’une main de fer pendant 38 ans.
Après 20 ans de pouvoir, au moment où il s’apprêtait à faire son 5e et dernier mandat, Faure Gnassingbé remplace la Constitution sans informer le peuple. Il instaure alors un régime qui lui permet de conserver le pouvoir absolu sans limitation de temps, et surtout, sans plus se soumettre à une quelconque élection. En somme, une monarchisation de la République.
Sa nouvelle mode de Panafricanisme est en contradiction frontale avec la violence de la répression qu’il exerce sur les Togolais, la restriction de l’espace civique et la centaine de détenus politiques, y compris l’arrestation depuis 5 mois d’un citoyen Honoré Sitsopé Sokpor, dit Affectio à qui on reproche d’avoir écrit un poème. Pour ce dernier cas, Mary Lawlor, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits humains, a demandé sa libération ce 16 avril, en vain. Ces détenus sont maintenus en prison, malgré les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO reconnaissant les tortures qu’ils ont subies et exigeant leur libération immédiate.
Votre présence à cette conférence à Lomé serait un affront pour le peuple Togolais. Parce que perçue comme une caution, cyniquement exploitée par le régime. Cela enfoncerait davantage les Togolais dans la privation de jouissance de liberté.
Etant maintenant informée plus largement de la nature du régime en place au Togo et de ses intentions malveillantes, nous espérons vivement que vous prendrez cela en considération, afin de surseoir à votre présence à cette conférence.
Il nous parait évident que votre nom et votre notoriété ne peuvent être associés à une conférence qui a pour objectif réel et inavoué de surfer sur la noble vague du Panafricanisme portée par une jeunesse en quête de souveraineté pour son mieux-être.
En comptant sur votre compréhension et votre soutien au peuple Togolais, nous vous prions de croire, Madame La Ministre,à l’assurance de notre haute considération.
Nathaniel Olympio
Premier Porte-Parole