Togo : ni la paix, ni le pain, mais un pays au bord de l’implosion

Dans un pays où le pouvoir s’exerce sans humilité, il détruit tout ce qu’il touche. Lorsque toutes les institutions sont inféodées, les contre- pouvoirs sont muselés et les libertés d’expression, d’ opinion et de manifestation deviennent des délits, peut on encore parler de paix pour espérer le pain comme l’a claironné le parti au pouvoir lors de la campagne pour les élections communales? 

Il n’est un secret pour personne. Le Togo présente aujourd’hui toutes les caractéristiques d’une république bananière où toutes les institutions sont entre les mains d’une seule personne. C’est clair, depuis l’avènement de la 5e République, Faure Gnassingbé avec les prérogatives de Président du Conseil s’est octroyé les attributs d’un souverain autoproclamé. Il est devenu incontournable, le seul qui désigne qui doit occuper quelle haute fonction à la tête de l’État. Que ce soit le Président de la République, les gouverneurs de région ou ministre, qui doit être député, sénateur ou maire, il est le seul à décider. 
    À ce jour, il a déjà violé l’article 95 de sa propre constitution taillée sur mesure, que d’aucuns qualifient de constitution de contrebande. Ainsi, selon l’article 95 de cette nouvelle constitution, «les institutions de la République de la présente Constitution sont mises en place dans un délai de 12 mois à compter de la date de son entrée en vigueur». 

Il est curieux de constater qu’à ce jour, ni la Cour constitutionnelle, ni la Cour suprême, encore moins la Cour des comptes, la CENI ainsi que la HAAC sans oublier la HAPLUCIA n’ont été mises en place. La composition du nouveau gouvernement est attendue depuis la démission du gouvernement Tomegah il y a trois mois. Ainsi, l’on est en droit de se demander, de quel conseil de ministre Faure Gnassingbé est-il le Président ? 

Comme on peut le constater, la gouvernance de Faure Gnassingbé est une faillite morale, une trahison républicaine, une insulte à l’éthique de la souveraineté populaire. Il est coupable de parjure pour avoir violé son propre serment. Sa formule depuis toujours est de feindre l’ignorance pour dissimuler ses faiblesses, son incurie, sa lâcheté et sa couardise pour échapper à sa responsabilité face à toutes les bavures policières et militaires, les violences et violations des droits de l’homme, sur la base d’un coup de force permanent. 

Or, tout le monde sait qu’il est le seul maître aux commandes et détient toutes les manettes du pouvoir qu’il exerce par la brutalité et la peur. On comprend l’évidence de la conception du pouvoir de Faure Gnassingbé à travers la métaphore tirée de la tradition kabiyè selon laquelle, «les chiens qui aboient ne font pas trembler un lion «. Cette conception qui dénote d’une posture jusqu’au boutiste, insinue que le pouvoir de Faure Gnassingbé est inattaquable, une illusion d’un pouvoir qui tient.  Le vrai constat, c’est qu’après 20 ans de pouvoir, tous les indicateurs clignotent au rouge. La question fondamentale qu’il faut se poser est: où va le Togo sur le plan politique, économique et social ? 

En effet, sur le plan politique, le Togo est plus divisé qu’il y a 20 ans. Les événements du mois de juin 2025 montrent à suffisance que le Togo est au bord de l’implosion à cause des inquiétantes dérives dictatoriales du régime de Faure Gnassingbé . Le rejet de la 5e République par une grande majorité du peuple togolais, malgré la répression policière imposée et le silence complice de la CEDEAO, de la France et le reste de la communauté internationale, reste explosif. La question des détenus politiques non résolue, ni par la CNAP, encore moins par les différents CPC de même, la question d’une amnistie nationale pour tous les exilés et la sécurité des membres de la diaspora constituent une priorité et représentent à n’en point douter, les éléments de fond de la prochaine mobilisation. 

Sur le plan économique, depuis 3 mois, le Togo enregistre des échecs répétés dans ses émissions de titres publics sur le marché de l’UEMOA. Pour plusieurs raisons, les titres du Togo sont jugés moins rentables et trop risqués à cause d’ une tension budgétaire croissante. Le poids de la dette est au-delà du soutenable soit 71, 9%du PIB, avec un déficit budgétaire énorme et des dépenses sécuritaires croissantes. La dette intérieure et le service de la dette rapporté aux recettes intérieures est à plus de 45%, alors que la norme est de 15%. C’est la dernière étape avant l’écrasement. Ce qui crée un effet boule de neige et qui rend perplexes les investisseurs qui se désengagent de notre pays. Aussi, la note de l’agence de notation Moody’s évaluée à Caa1 avec une perspective négative,  ajoutée à une balance commerciale déficitaire de plus de 52%, montre un tableau peu reluisant et ne rassure plus les bailleurs de fonds. C’est la raison de la précipitation avec laquelle le pays s’est engagé avec le FMI pour une évaluation des finances publiques en ce qui concerne le profil de risque au cours de ce mois d’août 2025. 

Il faut noter que depuis un temps, le profil de risque de notre pays s’est de plus en plus dégradé. Ce qui oblige désormais le pays, pour tous nouveaux emprunts, doit soit recourir à un financement très coûteux ou à un reprofilage de sa dette. Ainsi donc, le pays se retrouve dans la même situation qu’il était en 1980 avant le Programme d’ajustement structurel (PAS). Dès lors, il faut s’attendre à des mesures de rabotage fiscal avec des conséquences négatives sur le pouvoir d’achat de la population déjà éprouvée, telles que l’augmentation des taxes dans le domaine des transports, l’augmentation des prix des produits pétroliers comme d’habitude après chaque élection et aussi le prix de l’électricité et des produits importés. 
 Sans être l’oiseau de mauvais augure, il est honnêtement nécessaire d’alerter sur des lendemains difficiles qui attendent le Togo, déjà dans une situation de surendettement, victime d’une prédation économique ayant atteint les sommets obscènes. 

Alors que la dette s’accumule, les projets restent invisibles et la misère gagne du terrain au moment où, les infrastructures sont en ruines et les services publics sont à l’agonie . Si dans cette situation, les citoyens doivent encore subir un matraquage fiscal avec l’OTR qui devient de plus en plus insensible, le choc économique et social est inévitable. 

Dès lors, il faut se rendre à l’évidence qu’après 20 ans de gouvernance qui a hypothéqué les ressources du pays, le régime de Faure Gnassingbé a complètement compromis l’avenir du pays pour plusieurs générations. Il n’a, à ce jour, ni préserver la paix, ni garantir le pain à son peuple qu’il méprise et qui refuse désormais de chanter et danser pour sa gloire. 

Face à cette situation, que va-t-il se passer? 
L’histoire contemporaine nous enseigne que les plus grandes dictatures ont périclité à partir de leur déchéance intérieure. Ainsi, depuis 2001, plusieurs régimes dictatoriaux ont été rattrapés par des révolutions menées par une jeunesse consciente, très organisée et engagée. En octobre 2001, SLOBODAN Milosevic a été chassé par la révolution des velours; en novembre 2003, ce fut le cas d’Edouard Chevardnadzé renversé par la révolution des roses en Géorgie; en décembre 2004 en Ukraine, c’est la révolution orange qui renversa Victor Youchevik; en mars 2005 au Kirghizistan, c’était la révolution des Tulipes qui a renversé le Président Askar Akayev le 4 avril 2005. 

L’Afrique n’a pas été épargnée. Elle a été touchée par cette vague de renversement révolutionnaire dénommée le printemps arabe. Ce fut le cas de la révolution tunisienne qui a chassé en décembre 2010, le Président Ben Ali, de même que le tout puissant président égyptien Hosni Moubarak, qui a été contraint à la démission le 11 février 2011 après plusieurs semaines de manifestations massives et de désobéissance civile. Le dénominateur commun de toutes ces révolutions est la révolte des jeunes qui croient dur comme fer que, quand il n’y a plus de règles fondées sur le consentement du peuple, c’est la force de la mobilisation populaire qui l’emporte. 

Au regard de tout ce qui précède, les perspectives de l’environnement sous-régional, l’on est en droit de se demander, qu’est ce qui va se passer avec des mouvements contestataires et des manifestations qui se multiplient au Togo, au Cameroun et en Côte d’Ivoire en ce printemps 2025, en Afrique au sud du Sahara? 

OURO-AKPO Tchagnaou, 
Président du mouvement Lumière pour le Développement dans la Paix (LDP)

Source : Lecorrecteur

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