Le sacre historique d’Ousmane Dembélé, Ballon d’Or 2025, éclaire autant la grandeur du talent africain que le paradoxe de son exil nécessaire. Dans une réflexion lucide et engagée, le professeur Folikoué Ekoué Roger interroge l’incapacité persistante du continent à créer les conditions d’épanouissement de ses propres élites. Une lecture essentielle sur l’urgence d’un sursaut africain.
MASOUR OUSMANE DEMBÉLÉ, BALLON D’OR 2025 : FIERTÉ ET QUESTIONS À L’AFRIQUE
Le sacre de Masour Ousmane Dembélé, couronné Ballon d’Or 2025 à Paris, a fait rayonner le football français, mais aussi, en filigrane, l’Afrique tout entière. Cet événement planétaire, suivi en direct par des millions de spectateurs à travers la magie de la technologie, soulève une question brûlante : pourquoi les plus grands talents africains ne peuvent-ils éclore et s’épanouir qu’en dehors de leur continent d’origine ? L’émotion d’un soir au Théâtre du Châtelet révèle à la fois la fierté légitime et le paradoxe douloureux d’une Afrique riche en potentiels mais encore incapable d’offrir les cadres nécessaires à leur plein développement.
Une réflexion à lire et à relire
Le lundi 22 septembre 2025, au Théâtre du Châtelet à Paris, a eu lieu la remise du ballon d’ or 2025. C’était un événement planétaire et chacun était devant son écran télé ou alors nombreux, grâce à leur androïde et à la puissance de la technologie, ont suivi l’ événement comme des spectateurs et des spectatrices. Chacun, quelle que soit sa position géographique ( pays et continent), pouvait dire j’y étais sans être physiquement dans le théâtre. Ce n’ était pas une rediffusion mais un événement vécu en direct qui a montré que les frontières sont rétrécies et nous étions tous dans l’instantanéité de l’ événement. Bravo à la prouesse technologique, issue de la puissance de la matière grise de l’ être humain.
Dans le théâtre du Châtelet, rien n’était laissé au hasard, le décor était splendide et digne de l’événement. La disposition semi circulaire des sièges, permet à chacun et à chacune de voir la scène pour bien vivre l’ événement. Et grace à nos androïdes, nous aussi, nous sommes capables de tout voir dans nos différentes positions dans nos maisons ou ailleurs.
Il y a eu plusieurs distinctions qui ont été attribuées à différents acteurs hommes et femmes du monde du foot. Mais le sommet de toute cette belle cérémonie était bien sûr celui de la nomination du ballon d’or féminin puis du ballon d’ or masculin. Le ballon d’or féminin a été remporté par la barcelonaise Aitana BONMATI (27 ans) et c’est la troisième fois de façon consécutive. Quel exploit !
Du côté masculin, deux prétendants étaient en lice: le français Masour Ousmane DEMBÉLÉ et l’ espagnol Lamine Yamal NASRAOUI EBANA, appelé couramment et simplement Lamine Yamal.
C’est en regardant cette affiche des deux prétendants que j’ai eu envie d’ écrire ces lignes.
Lamine Yamal, un jeune homme de 18 ans né en Espagne le 13 juillet 2007 d’ un père marocain (Mounir NASRAOUI, un peintre en bâtiment) et d’une mère de la Guinée équatoriale (Sheila EBANA, une serveuse). Quelle belle appartenance multiple et ouverte sur une multitude de possibilités !
Masour Ousmane DEMBÉLÉ (28 ans), l’heureux gagnant du ballon d’ or masculin, en prenant la parole a remercié sa maman, Fatimata DEMBÉLÉ (la sénégalo-mauritanienne), qui était présente et qui était montée sur la scène. Un grand moment d’ émotion et un vibrant hommage filial à sa mère, l’Africaine.
Sans aucun doute la France était célébrée car le natif de Vernon (département de l’Eure) est bien un Français. L’ Espagne aussi était à l’ honneur puisque le natif de Esplugue Llobregat est bien un Espagnol.
Mais si nos parents sont nos présuppositions, on peut affirmer, à juste titre, que le 22 septembre 2025 le continent africain était également à l’honneur à cause de ses deux fils dont la venue au monde n’a été possible que pas l’existence d’un père Marocain, d’une mère équato-guinéenne (pour Lamine Yamal) et d’une mère sénegalo- mauritanienne et d’ un père malien (pour Ousmane Dembélé).
Nous sommes ici en présence de 5 pays africains.
MAIS que seraient devenus Lamine Yamal et Ousmane Dembélé s’ils avaient passé leur enfance et jeunesse dans l’un de ces 5 pays africain?
Sous un certain angle, personne ne saurait le dire mais sous un autre et en tenant compte de la réalité et en établissant des comparaisons, on peut dire sans aucun risque de se tromper qu’ils seraient des inconnus, car leurs potentialités ne s’ actualiseraient pas, par manque de cadres adéquats. C’est d’ ailleurs le cas pour de nombreux talents dans plusieurs domaines sur le continent.
La jeunesse africaine est-elle vraiment une force d’ avenir pour le continent ?
Qui parlerait aujourd’hui de George Weah, de Jay-Jay Okocha, de Nwankwo Kanu, de Roger Milla, de Thomas N’ Kono, de Patrick Mboma, de Samuel Eto’o, de Didier Drogba, d’ Emmanuel Adebayor, de Djibril Cissé, de Marcel Desailly, de Basile Boli, de Zinedine Zidane, de Stephan Keshie, d’ Abédi Pelé et ses deux fils, d’ Asamoah Gyan, de Yaya Touré, de Riya Mahrez, de Michael Essien, de Sidney Govou, de Raba Madjer, d’ El-Hadji Diouf, d’Habib Beye, de Samir Nasri, de Kolo Touré, de Sadio Mané, de N’Golo Kanté, de Mohamed Salah, d’ Achraf Hakimi, de Karim Benzema, de Kylian Mbappé, etc.
Ils sont très nombreux et pas seulement dans le domaine de foot-ball qui ont fait et font la fierté du continent. Mais tous ont en commun le fait que leur étoile a brillé en dehors de leur pays d’ origine et donc en dehors du continent africain.
Si les étoiles ne peuvent briller que dans des pays qui sont en dehors du continent africain, c’est qu’ il y a incontestablement un problème d’ absence de cadres qui permettent le déploiement des talents, des capacités et des potentialités.
Tous ces joueurs et toutes les personnes qui quittent le continent africain ne vont pas dans le même pays mais dans différents sur le même continent. Cela signifie que ces pays se sont donnés les moyens pour créer des cadres et les conditions de réalisation et d’ épanouissement des individus, premières ressources indispensables pour tout développement.
La présence de cadres favorables apparaît comme une nécessité incontournable pour l’ Afrique si elle veut être un continent porteur d’ espérance et non celui qui laisse partir ses fils et filles en maintenant toujours la posture de l’ éternel dénonciateur de l’esclavage et de la colonisation avec un discours panafricaniste qui vocifère plus qu’il n’ agisse et ne transforme.
Depuis la lettre dramatique des deux jeunes Guinéens Fode Tounkara et Yaguine Koita en 1999, depuis la poignante lettre du Cardinal Robert Sarah en date du 5 septembre 2021 exprimant l’espoir de la jeunesse africaine de vivre tout simplement dans des pays normaux, qu’est-ce qui a véritablement changé au niveau des cadres pour la formation des jeunes, des talents dans tous les domaines et de l’ amélioration des conditions de vie ?
Le désir de quitter les pays africains pour développer ses talents, pour l’ acquisition du savoir est encore plus ardent chez beaucoup de jeunes et même chez des adultes.
On est content que diverses bourses soient octroyées pour faire partir les jeunes. N’ est-ce pas l’attestation même que les pays africains ne créent pas suffisamment de cadres pour maintenir ses jeunes? On crie parfois au scandale au sujet des programmes comme Campus France mais rien n’est proposé et nos pays brillent par une absence criarde de manque d’ infrastructures et de manque de transformation des conditions de vie.
Et même en matière religieuse où nous revendiquons le droit d’ être des peuples profondément religieux, nous brillons par une absence de cadres de recherche d’excellence et de cadre de formation. Et là aussi , quitter nos pays pour aller nous former en théologie et autres disciplines semble s’ imposer comme une évidence car les diplômes d’ailleurs sont une forme de reconnaissance et d’efficacité du savoir.*Quelle situation d’ échec pour tout un continent ? Mais jusqu’à quand ?
Dans tous les domaines, avons-nous quitté la réalité de Kocumbo à Paris d’ Ake LOBA de 1960?
Les pays africains sont -ils vraiment incapables de créer les cadres et les conditions nécessaires pour l’ épanouissement de leurs concitoyens?
Est-il impossible de faire de nos pays des lieux de référence au plan mondial?
N’ est-ce pas peut-être à cette condition que notre continent, nos pays seront des étoiles qui feront bouger et déplacer, à la manière des rois mages, les autres vers nous? Car, ils diront, nous avons vu vos étoiles et plus encore vous avez quelque de particulier qui attire, qui fait bouger et fait déplacer et surtout qui oblige à s’ intéresser à vos cultures, à vos manières d’être, à votre savoir-être qui fonde un savoir-faire et crée un savoir-devenir, mais aussi à votre économie solidaire qui s’invente en se fondant sur l’humain et pourquoi pas à votre monnaie qui deviendrait ainsi une référence comme aime à le dire Thomas Dodji Nettey Koumou, l’économiste togolais ?
Notre avenir en Afrique n’est- il pas entre nos mains par le travail, la détermination et surtout une volonté politique ferme de mieux faire?
FOLIKOUE Ekoué Roger la Joie de la Croix, RJC