Opinion- Le peuple togolais aurait tout essayé pour se libérer: Place au spirituel ?

Depuis 1990, le peuple togolais n’a jamais cessé d’aspirer à l’alternance politique. Dans les rues de Lomé comme dans les hameaux les plus reculés, des mouvements de contestation aux initiatives de dialogue, tout a été tenté pour rompre avec un système qui semble s’immuniser à mesure qu’il est dénoncé. Plus les mobilisations s’intensifient, plus le régime se durcit et s’enracine, déjouant toutes les prédictions de fragilité. Ce paradoxe est devenu une constante, l’apparente vulnérabilité du père a débouché sur la consolidation d’un fils que beaucoup redoutent aujourd’hui davantage que l’ancêtre.

La question que d’aucuns se posent est légitime : d’où tire-t-il cette puissance qui réduit au silence ceux qui, hier, faisaient trembler son père ? Comment expliquer que la dénonciation internationale, les appels des ONG, les pressions diplomatiques ou encore les mobilisations citoyennes semblent se dissoudre face à une machine qui s’affermit dans la brutalité ? Le pouvoir a même réussi à transformer les initiatives pour la libération des prisonniers politiques en un simple slogan. Chaque fois qu’un geste symbolique est posé en ce sens, une nouvelle vague d’arrestations vient alourdir la liste, comme pour rappeler que la concession n’est qu’un leurre. Voilà le paradoxe d’un pays où l’exigence de liberté conduit, non pas à l’émancipation, mais à l’élargissement des geôles.

Or, derrière ce constat politique se profile une lecture plus profonde, celle de l’ancrage spirituel. Le procès des officiers après la mort du colonel Madjoulba a révélé ce que beaucoup pressentaient : l’intrusion du mystique et du sacrificiel au cœur de l’appareil d’État. Les témoignages évoquant la présence de marabouts dans les casernes et les pratiques ésotériques dans les cercles du pouvoir ne sont plus des rumeurs, mais des faits consignés dans les dossiers judiciaires. Le Togo, dès lors, ne se comprend pas seulement par l’analyse des rapports de forces visibles, mais aussi à travers l’invisible, le spirituel, l’occulte.

Si tel est le cas, alors la lutte politique ne peut se limiter aux stratégies humaines. Quand toutes les voies semblent verrouillées, il reste la voie du Créateur. Ce recours à Dieu ne saurait être interprété comme une résignation ou une abdication, mais comme la recherche d’un rééquilibrage des forces. « Le temps de Dieu est le meilleur », dit l’adage, rappelant que toute victoire authentique s’inscrit dans son plan.

C’est pourquoi les hommes de Dieu ont une responsabilité historique. Au lieu de s’acoquiner avec le pouvoir pour lécher les miettes d’une prospérité illusoire, ils devraient se mettre à genoux, entendre les cris du peuple et implorer la miséricorde divine. Car si le choix du contexte et des acteurs de l’alternance échappe au plan divin, toute tentative pourrait sombrer dans le chaos.

Pour autant, cet appel à la prière n’exonère pas les acteurs politiques de leur responsabilité. Ils ne doivent ni démissionner ni se laisser absorber par la fatigue du combat. L’alternative se trouve dans la sagesse des anciens : Ora et labora « prie et travaille ». Priez, car la libération d’un peuple n’est pas qu’une affaire d’hommes. Travaillez, car Dieu bénit les mains qui sèment, bâtissent et osent.

Ainsi, le Togo n’a pas atteint la fin de son histoire. Le politique et le spirituel doivent se rejoindre pour ouvrir une brèche dans ce mur apparemment infranchissable. Dans ces conditions, il faut proscrire la haine, les règlements de comptes, l’émotion et le sensationnel. Une organisation méthodique et lucide sur tous les plans sauvera à la fois le peuple et le système lui-même. Dans l’histoire des nations, aucune dictature n’a résisté indéfiniment ni au temps ni aux peuples. La seule question qui demeure est celle du « quand » et du « comment » l’édifice s’écroulera, car il s’effacera tôt ou tard. Cette réflexion invite à anticiper et à préparer l’après-pouvoir.

Dans la foi, il faut savoir que la prière ne remplace pas l’action, mais que l’action privée de prière demeure impuissante. La libération viendra peut-être non de la seule force des foules, mais de l’alliance entre la foi et le courage, entre la sueur des luttes et la grâce divine.
Le jour vient!

Ricardo Agouzou

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