Le débat autour du franc CFA et de la souveraineté monétaire africaine continue d’alimenter les réflexions des économistes du continent. Le Professeur David Assiba Johnson, de l’Université de Lomé, s’est récemment exprimé sur la question, soulignant que l’Alliance des États du Sahel (AES) représente une opportunité historique pour mettre fin à ce qu’il appelle une « servitude monétaire ».
Selon lui, « si certains considèrent que le franc CFA est une bonne monnaie, qu’ils la conservent, mais qu’ils ne l’imposent pas aux autres ».
Pour l’expert togolais, la création d’une monnaie propre à l’AES constituerait un tournant majeur, non seulement pour ces trois pays — le Mali, le Burkina Faso et le Niger — mais aussi pour toute l’Afrique de l’Ouest.
Le professeur Assiba rappelle que la zone UEMOA est en train de perdre trois États clés. En termes de produit intérieur brut (PIB) nominal, le Mali occupe la troisième place avec 10 125,6 milliards de francs CFA, le Burkina Faso la quatrième avec 9 369,2 milliards, et le Niger la sixième avec 7 610,4 milliards. Ces trois pays cumulent ainsi 27 105,2 milliards de francs CFA de PIB, un poids considérable qui sort désormais de la zone franc.
Cette réalité économique, selon l’universitaire, montre l’importance stratégique de ces pays et justifie pleinement leur volonté d’émancipation monétaire.
Pour David Assiba Johnson, l’AES doit « battre sa propre monnaie » et laisser les autres États libres de conserver le franc CFA. Mais il met en garde : « Le véritable problème, c’est de savoir si les Africains peuvent se prendre en charge pour traiter leurs problèmes macroéconomiques et industriels ».
L’expert regrette que de nombreux dirigeants africains aient « ignoré les travaux des savants » qui, depuis des décennies, ont dénoncé la dépendance monétaire. Il appelle à une prise de conscience collective et à une valorisation du génie africain, seul capable de bâtir une dynamique économique endogène, créatrice d’emplois et d’industries locales.
Le professeur insiste sur la nécessité de maîtriser la politique monétaire et la gestion des devises issues des exportations africaines. « Avec ce paquet de devises, on peut améliorer les infrastructures, créer des filières industrielles et renforcer l’emploi », explique-t-il.
Cependant, il alerte sur la cohérence du projet : « Vous ne pouvez pas être en conflit avec l’État extérieur qui garantit la monnaie et continuer à utiliser cette même monnaie. »
La question de la récupération des avoirs et celle de la gestion de la future monnaie sont, selon lui, deux défis distincts mais urgents. Il estime qu’il faut avancer rapidement dans la mise en place de la nouvelle devise pour concrétiser cette souveraineté monétaire tant attendue.
En conclusion, pour le Professeur David Assiba Johnson, l’AES incarne la volonté de rompre définitivement avec la tutelle monétaire étrangère. Le succès de ce projet dépendra toutefois de la capacité des Africains à gérer eux-mêmes leur monnaie et à transformer leurs ressources en leviers de prospérité collective.
Par Aminata Camara

