Népal, Madagascar…, ces révolutions lointaines qui font rêver les Togolais

«C’est une révolte ? – Non, Sire, c’est une révolution». Louis XVI

Il y a longtemps, très longtemps que les Togolais ont appris à être spectateurs du changement positif chez les autres, la plupart du temps, dans leur voisinage immédiat. Oui, comme une malédiction, le peuple togolais porte sa croix depuis le début des années ´60, plus précisément depuis ce maudit jour du 13 janvier 1963 où le premier président démocratiquement élu du Togo, Sylvanius Olympio, fut assassiné. La prise effective du pouvoir par Gnassingbé Éyadéma, le 13 janvier 1967, marqua le début du calvaire de plusieurs générations de Togolais et de Togolaises qui n´ont connu et ne connaissent que le nom Gnassingbé à la tête de leur pays. Pourtant, comme nous le mentionnions plus haut, que de bouleversements spectaculaires en Afrique et surtout dans la sous-région, depuis au moins le début des années ´80!

Au Ghana, c´est le capitaine d´aviation Jerry Rawlings, décédé le 12 novembre 2020, qui mit fin au désordre et installa la démocratie. En effet, après son premier coup d´état qui renversa le régime de Fred Akuffo en 1979, il se retira rapidement et Hilla Limann fut élu président à l´issue d´élections démocratiques. Mais le désordre politique et la corruption endémique qui avaient toujours cours l´obligèrent à revenir en 1981 pour son deuxième coup de force. Cette fois-ci il resta pour de bon, nettoya les écuries et installa la démocratie dont les Ghanéens sont aujourd´hui fiers. Au Mali, Moussa Traoré était au pouvoir depuis 1968 ; à peu près l´époque où le drame togolais commença avec Gnassingbé Éyadéma. La situation économique catastrophique du pays, la violation des droits de l´homme, les aspirations démocratiques menèrent à une situation politique explosive et incontrôlable, faite de manifestations violentes et de soulèvements populaires, suivis d´une brutale répression. Le 26 mars 1991 le général Amadou Toumani Touré, à la tête d´un groupe de militaires, renverse le dictateur. Il met en place une transition démocratique à l´issue de laquelle des élections libres sont organisées. Alpha Omar Konaré est élu démocratiquement comme président du Mali. Amadou Toumani Touré, ou le «soldat de la démocratie», comme on l´appelle souvent, sera élu à son tour et présida le Mali de 2002 à 2012. Il meurt le 10 novembre 2020.

La République du Bénin, le voisin immédiat à l´est du Togo, fut le premier pays en Afrique francophone à avoir eu l´idée des assises nationales, appelées encore, conférence nationale, pour faire le bilan des décennies de plomb et remettre le pays sur les rails de la démocratie. Tenue en février 1990, la conférence nationale du Bénin tint ses promesses et ne fut pas tendre vis-à-vis des années de dictature de Mathieu Kérékou. Et pendant que ce dernier en accepta les conclusions et s´excusa, à quelques kilomètres à l´ouest, Gnassingbé Éyadéma accepta du bout des lèvres la tenue des assises togolaises qui eurent lieu en juillet et août 1991, pour après lancer ses tueurs à la trousse de ses opposants. Donc, pendant que la démocratie s´installa au Bénin, Éyadéma la rejeta de toutes ses forces et opta pour la stratégie de la terreur. Trente-quatre ans après, la chasse à l´homme, ou plutôt, la chasse à l´opposant, continue et les Togolais rêvent toujours de liberté et de démocratie. Le régime Gnassingbé ne s´embarrasse aucunement d´être la risée, la triste exception en termes de gouvernance politique dans la sous-région, et la dénonciation, par des organisations nationales et internationales, de défense des droits humains, des nombreux crimes de sang, des arrestations arbitraires, de la détention de plusieurs dizaines de prisonniers politiques à son actif, ne l´émeut guère.

Tous ces exemples de bouleversements politiques et d´installation de la démocratie au début des années ´80 et ´90 au Ghana, au Bénin et au Mali semblent bien lointains. Mais aujourd´hui, avec la génération Z, faisant corps et âme avec le numérique et les réseaux sociaux, les pouvoirs politiques autoritaires, en Afrique et ailleurs dans le monde, ne savent plus où donner de la tête. Pour exemple, à Madagascar, depuis le 25 septembre 2025 les manifestations qui s´y déroulent encore, ont commencé comme un mouvement social survenu suite aux coupures fréquentes d´eau et d´électricité, avant de se muer en contestations politiques contre le pouvoir en place. Après quelques jours de manifestations, le président malgache a dû dissoudre le gouvernement pour satisfaire en partie les protestataires.

Quant aux Togolais, après avoir tant souffert et souffrant encore du manque de liberté et de démocratie dans leur pays, après avoir tant subi et encaissé de la part du régime Gnassingbé, de père en fils, depuis plusieurs générations, l´espoir d´une libération prochaine continue à vivre. Oui, les Togolais ont aussi leur génération Z au pays et dans la diaspora ; et quel régime politique, aussi brutal et impitoyable, soit-il, peut résister éternellement face à un peuple aussi révolté et déterminé ? Et ce ne sont pas les ridicules jérémiades d´un prétendu procureur de la république, inféodé depuis longtemps au pouvoir de dictature, qui pourront arrêter le peuple togolais dans sa marche vers la liberté et la démocratie.

Samari Tchadjobo
Allemagne

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