Voici pourquoi et comment c’est Washington et Paris qui décideront de qui sera le prochain président du Cameroun. Ce jeudi 16 octobre 2025, 4 jours après, les élections présidentielles camerounaises, nous sommes en réalité, en attente des résultats définitifs proclamés non pas par la Cour Constitutionnelle, mais par ceux prononcés par la France.
Il y a un mois, dimanche le 14 septembre 2025, j’ai donné ma dernière conférence publique gratuite à l’Hôtel Sawa de Bonanjo à Douala qui portait sur les élections présidentielles à venir au Cameroun et je faisais une prévision :
Dans un mois au Cameroun, on votera pour le prochain président du Cameroun, mais la décision finale ne sortira pas des urnes, ne viendra pas de vos votes, mais des Etats-Unis, de Washington, qui est le vrai patron qui dirige le Cameroun à travers la France.
J’anticipais : Washington dira à Paris qui a gagné les élections et tout le monde devra la boucler.
Bien entendu, comme d’habitude, beaucoup m’ont pris pour un fou. Mais un mois est passé et nous y sommes.
Tout le monde attend ce que Washington dira à Emmanuel Macron des élections au Cameroun. D’ici là, les acteurs de ce cirque sont en train de s’agiter, sans savoir en réalité le sort qui leur est réservé. Moi, je le sais, mais à voir la façon dont chaque camp s’agit, on peut en déduire qu’ils ne le savent pas.
LES FAITS
En mai 2025, l’ambassadeur de France au Cameroun, le général Thierry Marchand, a rencontré le ministre camerounais de l’Administration territoriale pour discuter de l’assistance que la France pourrait apporter à l’organisation des élections. Cette aide vise à garantir que les Camerounais, y compris ceux vivant à l’étranger, puissent voter dans de bonnes conditions.
Les intellectuels ne se posent pas certaines questions :
1) Si la France finance les élections présidentielles au Cameroun qu’est-ce qu’elle gagne en retour ?
2) Comment est-ce possible de faire voter des camerounais de l’étranger et donc de générer des frais pour des citoyens qui ne paient pas les impôts au Cameroun ?
Bien entendu la France ne finance pas directement les campagnes des candidats, mais elle contribue via des programmes de coopération ou des appuis à la société civile, à la formation des observateurs électoraux, ou à la logistique électorale. D’accord tout ça, mais en échange de quoi ?
Par contre, pour entretenir la pérennité au pouvoir des dirigeants qui lui sont favorables, notamment dans le cas du Cameroun, le financement public des candidats au Cameroun est expressément très faible : environ 15 millions de francs CFA (23 000 euros) par candidat, avec une possible seconde tranche après le scrutin. Cet argent est payé en partie par la France, ce qui constitue une forme d’ingérence ou de favoritisme, surtout dans un contexte où la transparence électorale est souvent remise en question.
Le manque de moyens pour les observateurs locaux renforce les suspicions sur l’équilibre du processus. On le voit dans la rhétorique gouvernementale se demandant comment le candidat Issa Tchiroma a fait pour avoir les résultats de tous les bureaux de vote, puisqu’il n’en a pas les moyens matériels.
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Source : https://www.msn.com/…/pr%C3%A9sidentielle…/ar-AA1O884Y
Il y a quatre jours en effet, dimanche le 12 octobre 2025, les camerounais se sont rendus aux urnes pour élire leur prochain président.
Comme il fallait s’y attendre, deux camps se sont formés, d’un côté, ceux qui veulent en découdre avec monsieur Paul Biya et tout son système qualifié d’autoritaire par les Etats-Unis, nous verrons dans la suite de cette leçon, et de l’autre tout l’appareil administratif et étatique camerounais au service d’un seul homme, Paul Biya.
Ainsi, après l’exclusion de Maurice Kamto qui a commis l’erreur historique de ne pas s’allier à Issa Tchiroma, mettant ainsi fin à sa propre carrière politique selon moi, tous les laissés pour compte par Paul Biya ont trouvé en Issa Tchiroma leur hero.
Il s’en suit ainsi, la reclamation de la victoire par les deux camps. Pour les partisans de Issa Tchiroma, les Procès Verbaux parlent d’eux-mêmes, Issa Tchiroma a gagné haut la main.
Pour les partisans de Paul Biya au pouvoir depuis 42 ans, il est impossible que les premiers aient e accès à plus de 32.000 procès-verbaux de tous les bureaux de vote.
Pour ces derniers, personne ne peut donner le résultat, si ce n’est la Conseil Constitutionnel, comme le veut la loi.
Comme je l’ai dit plus haut, la vérité est que ni les partisans de Issa Tchiroma, ni ceux de Paul Biya ne sont surs de rien aujourd’hui jeudi le 16 octobre 2025, parce qu’il y a un seul patron aux Cameroun, ce sont les Etats-Unis qui agissent à travers la France et puis c’est tout.
Qui de Paul Biya et de Issa Tchiroma les Etats-Unis ont-ils choisi pour diriger le Cameroun ?
Prenons l’hypothèse que le Conseil Constitutionnel annonce que Paul Biya a gagné. Aujourd’hui les partisans de Paul Biya croient naïvement, que cela mettrait fin aux disputes comme ils l’ont fait en 2018 avec Maurice Kamto.
Comme je l’ai dit durant ma conférence du 14 septembre 2025 à Douala, Maurice Kamto a été éliminé par Washington et non par Paul Biya, qui ne veut pas d’un Bamileke président au Cameroun, en tout cas, pas pour l’instant.
C’est là où les partisans de Paul Biya qui ont mis tous leurs efforts à éliminer Maurice Kamto ne savent pas eux-mêmes combien, ils ne répondent qu’à un ordre qui vient de la capitale américaine.
Pour le savoir, faisons un tour en arrière de 16 ans.
L’histoire que je vais vous raconter se passe en 2009 au Cameroun ou plus précisément, à l’Ambassade des Etats-Unis. A l’époque à Washington, le président des Etats-Unis est un certain Barack Obama.
Selon plusieurs câbles diplomatiques américains publiés par WikiLeaks nous sommes au courant des conversations qui se sont tenues entre l’Ambassadeur et les politiciens camerounais de premier rang.
Il est question de la succession de Paul Biya.
Le diplomate américain est dans une sorte d’exercice de casting pour choisir les meilleurs candidats qui remplaceront Paul Biya au pouvoir à l’époque, depuis 27 ans.
Par exemple, dans un des câbles qui nous intéressent, portant la référence 09YAOUNDE256_a, rapporte une conversation entre l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun, Janet Garvey, et plusieurs hauts responsables camerounais, dont Amadou Ali, alors Vice-Premier ministre chargé de la Justice.
Le sujet principal est la succession du président Paul Biya et les dynamiques ethniques qui pourraient influencer cette transition.
Déclaration d’Amadou Ali :
Selon le câble, Amadou Ali dit à l’ambassadeur des Etats-Unis que les élites du Nord soutiendront Paul Biya tant qu’il reste candidat,.
Mais Amadou Ali ajoute qu’ils ne soutiendront pas un autre Beti ni un Bamileke comme successeur. Ce qui explique aujourd’hui en 2025, pourquoi malgré ses 92 ans, le camp Biya ne lui a pas trouvé un successeur ?
Amadou Ali ajoute que les Bamileke sont perçus comme trop dominateurs économiquement et politiquement, ce qui suscite de la méfiance dans d’autres régions du pays.
Question : À quelles questions répondaient les interlocuteurs camerounais de l’Ambassadeur des Etats-Unis ?
Réponse : Le câble ne fournit pas les questions exactes posées par l’ambassadeur, mais il indique que la discussion portait sur certains points précis qui nous permettent de faire des déductions :
1) La stabilité politique du Cameroun après Biya
2) Les perspectives de succession,
3) Les préférences ethniques et régionales des Etats-Unis, dans le choix d’un futur président pour le Cameroun.
Source : https://www.wikileaks.org/plusd/cables/09YAOUNDE256_a.html
Les propos d’Amadou Ali semblent donc être une réponse à une question ou un commentaire sur les candidats potentiels à la présidence et les équilibres ethniques à respecter pour maintenir la stabilité qui montrent clairement que les Etats-Unis ne veulent pas des Bamileke au pouvoir au Cameroun ou en tout cas, pas pour la succession de Paul Biya.
Question : En 2009, qui donc les Etats-Unis préféraient pour remplacer Paul Biya et qui peuvent nous donner l’indication du résultat final qui sera finalement le bon pour le peuple camerounais ?
Réponse : Pour répondre à cette question, nous devons encore une fois, prendre la route pour retrouver WikiLeaks, qui nous permet de comprendre depuis 2009 que Paul Biya ne continue de rester au pouvoir que parce que les Etats-Unis ne lui ont pas trouvé un successeur qui réponde à leurs conditions.
Ce qui nous permet de comprendre que la candidature de Issa Tchiroma est une sorte de cheveux dans la soupe, elle n’était pas prévue, dans la liste de casting des Etats-Unis. Mais est-ce que finalement cela les arrange ?
Pour répondre à cette question, revenons à WikiLeaks.
D’après les câbles diplomatiques publiés par WikiLeaks, et plus précisément, le câble référence : 07YAOUNDE227_a, les États-Unis n’expriment pas une préférence explicite pour un successeur particulier à Paul Biya. Cependant, plusieurs éléments permettent de comprendre leur position implicite et nous disent ce qu’ils recherchent. Les diplomates américains à Yaoundé semblent privilégier pour la succession à Paul Biya ceci :
1) La stabilité politique : éviter une crise ou une guerre de succession.
2) Un successeur capable de maintenir l’ordre et la coopération régionale selon la sensibilité américaine, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la corruption.
3) Un dirigeant réformiste : les différents câbles évoquent des préoccupations américaines sur la gabegie, la corruption et l’autoritarisme du régime Biya.
Il y a même une liste de Candidats mentionnés mais que l’ambassadeur écarte très vite et donne même les raisons.
Ainsi, le câble 07YAOUNDE227_a cite plusieurs noms comme successeurs potentiels qu’on aurait pu retenir, mais qui pour une raison ou une autre ne sont pas selon l’Ambassadeur, à la hauteur. Et c’est pour cela qu’on est obligé de laisser Biya continuer de diriger le pays en attente de lui trouver un vrai successeur. Il s’agit de :
1) Franck Biya (fils du président) : vu comme un possible héritier, mais sans expérience politique. L’ambassadeur n’a pas trop l’impression qu’il a envie d’y aller.
2) Marafa Hamidou Yaya : ancien ministre influent, perçu par l’ambassadeur comme compétent mais controversé.
3) Amadou Ali : respecté pour sa loyauté à Paul Biya, mais considéré comme peu charismatique.
4) Philémon Yang et Laurent Esso : mentionnés comme technocrates, mais sans base populaire forte.
Les diplomates américains semblent sceptiques quant à la capacité de ces figures à rassembler le pays ou à incarner une véritable rupture avec la régime corrompu et autoritaire de Paul Biya précise l’ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé.
Position implicite
Pour remplacer Paul Biya, les États-Unis semblent souhaiter :
1) Une transition pacifique et inclusive, évitant les tensions ethniques.
2) Un dirigeant compétent, intègre et ouvert à la coopération internationale favorable aux Etats-Unis.
3) Une réforme complète du système Biya, plutôt qu’une simple continuité dynastique ou ethnique. En d’autres mots, après Biya, les Etats-Unis ne veulent pas d’un Bamileke, mais surtout pas d’un autre Beti au pouvoir au Cameroun.
En résumé, à l’époque, en 2009, les câbles ne désignent pas un candidat favori pour Washington, mais montrent que Washington surveille de près les dynamiques internes et souhaite un successeur capable de garantir la stabilité et de moderniser le pays, sans hostilité avec les Etats-Unis
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Source : https://wikileaks.org/plusd/cables/07YAOUNDE227_a.html
Question : Alors les résultats que vont proclamer prochainement par le Conseil Constitutionnel ne seront pas valables au yeux de Washington ou de Paris ?
Réponse : Pour répondre à cette question, nous devons aller trouver une autre source, cette fois-ci à Paris. Il s’agit d’un livre publié l’année dernière en 2024 de Robert Bourgi qui nous révèle avec le cas de la Cote d’Ivoire en 2010 qu’au final, le vainqueur des élections du 12 octobre 2025 au Cameroun, une fois que Washington aura donné son dernier mot, Paris nous le fera savoir à travers Radio France Internationale (RFI). C’est en tout cas comme cela que le système fonctionne, tel que Robert Bourgi nous le révèle dans son livre intitulé “Ils savent que je sais tout, ma vie en Françafrique” (Éditions Max Milot).
Dans ce livre, Robert Bourgi (80 ans) évoque de manière très directe les coulisses de la Françafrique, y compris les pratiques opaques qui ont marqué les relations entre la France et plusieurs régimes politiques africains vassaux de la France.
Il y a un an, le 8 octobre 2024, à la sortie de ce livre de Bourgi, l’hebdomadaire français “Jeune Afrique” titre à sa une ceci :
“Ali et Omar Bongo, Laurent Gbagbo, Sarkozy et moi… Les vérités de Robert Bourgi sur la Françafrique”
Sous-titre : Il est celui qui incarne les pires travers de la Françafrique, il s’en veut aujourd’hui le pourfendeur. Entretien en vidéo avec l’avocat qui sort aujourd’hui de son silence dans des mémoires au fil desquelles il revient sur ses relations avec la droite française, de Foccart à Sarkozy. Et avec les chefs d’État africains, d’Houphouët-Boigny à Omar et Ali Bongo.
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Source : https://www.jeuneafrique.com/…/robert-bourgi-il-faut…/
Voici en clair ce livre Bourgi parle clairement de la manipulation électorale en Afrique par Paris où beaucoup d’électeur croient naïvement que c’est le résultat de ce qu’ils ont choisi dans les urnes qui leur sera annoncé. :
Bourgi écrit que ce ne sera pas le Conseil Constitutionnel qui annoncera les résultats définitifs, mais Radio France Internationale.
Robert Bourgi évoque le rôle de Radio France Internationale (RFI) dans le paysage médiatique africain, et il laisse entendre que RFI, en tant que média public français à forte audience en Afrique francophone, participe à la stratégie d’influence de la France sur le continent. Dans son interview qu’il donne sur la même chaine à la sortie de son livre, il s’explique. Pour lui, RFI est un vecteur d’influence utilisé par la France, même pour choisir un chef d’état à la place des urnes.
Bourgi considère que RFI joue un rôle central dans la formation de l’opinion publique africaine, notamment dans les pays francophones. Il écrit clairement que certains contenus ou lignes éditoriales sont conçus pour favoriser les intérêts diplomatiques français, en relayant certaines positions ou en donnant la parole à des figures politiques proches de Paris.
RFI un outil au service du renseignement français :
Bourgi écrit noir sur blanc dans ce livre que certains journalistes ou correspondants peuvent entretiennent des liens étroits avec les milieux diplomatiques ou sécuritaires français.
Dans une interview accordée le 30 septembre 2024 à RFI elle-même, Bourgi reconnaît le rôle structurant de la radio dans l’espace public africain, tout en critiquant certaines de ses prises de position passées, notamment lors de crises électorales.
Il cite par exemple la crise ivoirienne de 2010-2011, où il affirme que Laurent Gbagbo avait gagné, mais que la narration médiatique dominante à Paris, relayée par RFI a contribué à légitimer l’intervention française en faveur d’Alassane Ouattara.
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Source : https://www.rfi.fr/…/20240930-l-avocat-robert-bourgi-d…
En conclusion,
Bourgi nous dit que la radio publique française RFI joue un rôle d’influence stratégique, aligné avec les intérêts de l’État français en Afrique. Il critique surtout l’usage politique de l’information, qui va jusqu’à donner un résultat contraire de celui du Conseil Constitutionnel, ce qui devient dramatique, dans un contexte où les médias pèsent lourd sur les équilibres de pouvoir.
Un rapport du réseau Tournons la page et du CERI (Sciences Po) souligne que le rejet croissant de la France en Afrique est davantage lié à ses politiques qu’à de la désinformation venue de Russie. Ce rejet s’appuie sur des faits, notamment le soutien perçu à des régimes autoritaires ou peu démocratiques.
Ce qui compte pour Paris qui annoncera le résultat final des élections du 12 octobre 2025 ne sera pas la véracité du vote lui-même, mais ce qu’aura décidé Washington et que la France devra communiquer aux Camerounais.
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Source : https://www.rfi.fr/…/20241109-le-rejet-de-la-france-en…
Dans la deuxième partie de cette leçon, je vous montrerai comment Washington et Paris contrôlent la politique camerounaise et entretiennent soit la pauvreté que la corruption des dirigeants, avec l’instrument financier du FMI et de la Banque Mondiale qui financent les budgets de fonctionnement, comblent les déficits budgétaires.
Jean-Paul Pougala
Jeudi le 16 Octobre 2025