Le bien-fondé du régime semi-présidentiel en pleine instabilité gouvernementale en France

L´instabilité gouvernementale en France depuis la maladresse du Président Emmanuel Macron de dissoudre l´assemblée nationale le 9 juin 2024, alors qu´il disposait jusqu´à cette date, de la majorité à l´assemblée nationale, devrait nous interpeller au Togo sur le bien-fondé du régime semi-présidentiel à la française dont notre pays  a hérité de la colonisation et pratiqué jusqu´en mai 2025, date à laquelle le régime parlementaire a avec effectivité pris le relais mais toujours contesté par une partie de la classe politique togolaise.

Depuis la dissolution de l´assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin  2024 on compte dejà en un an trois Premiers ministres nommés:  Michel Barnier, François Bayrou et Sébastien Lecornu dont on ne connaît même pas le sort qui est réservé à ce dernier aussi. Même si la constitution française donne le pouvoir discrétionnaire au Président de la République de dissoudre l´assemblée nationale, il faut savoir le manier car il n´était pas obligé d´en faire usage au moment où il l´avait fait, d´autant plus qu´il disposait de la majorité à l´assemblée nationale avant ladite dissolution. Il faut rappeler que c´est au lendemain de la perte des élections législatives européennes par son parti, qui l´a poussé à agir ainsi, alors que ces élections européennes perdues ne l´obligeaient pas à dissoudre l´assemblée nationale. Pourquoi agir sous le coup de l´émotion? S´il est désavoué sur le plan européen, il ne l´est pas sur le plan national même si ce sont les mêmes Français qui votent pour les deux élections. On ne prend pas une décision politique de ce genre sous le coup de l´émotion mais sous le coup de la raison. Voilà qu´après cette dissolution inattendue et plus émotionnelle que rationnelle, une autre élection législative nationale a été oganisée et il l´a perdue. Ce qui a permis aux autres partis de l´oppositions d´avoir la majorité à l´assemblée. C´est delà que commencent ses ennuis  et l´instablité politique.

Au lieu de se soumettre au résultat des urnes tel que les Français l´ont voulu, il veut montrer que c´est lui qui détient le pouvoir et qu´il peut nommer qui il veut comme Premier ministre, puisque la France n´est pas sous un régime parlementaire mais semi-présidentiel. Mais il oublie que si le Président de la République dans un régime semi-présidentiel perd les élections législatives, il est contraint à une cohabitation en nommant un Premier ministre issu des rangs de partis de l´opposition qui détiennent désormais de la majorité à l´assemblée nationale. Or, il ne veut nommer personne comme Premier ministre issu de ces partis de l´opposition qui ensemble, forment désormais la majorité.

Comment les Premiers ministrres qui ne sont pas issus des rangs de l´opposition qui détient la majorité à l´assemblée nationale, peuvent-ils gouverner le pays dans ces conditions? C´est ce à quoi on assiste depuis 2024 et qui provoque l´instabilité politique.

Quels enseignements politiques peut-on tirer de cette instabilité gouvernementale en France, pour nous mettre définitivement à l´abri du régime semi-présidenitiel abandonné au Togo à partir 2025 pour le régime parlementaire mais contesté toujours par une partie de la classe politique? C´est là le but de cet article pour la réflexion.

Le regime semi-présidentiel tel qu´il fonctionne en France n´est pas un bon régime à copier car sous ce régime le Président de la République est élu au suffrage universel direct, et quand lors des élections légisatives, son parti perd la majorité, il lui est difficile de diriger le pays et mettre son programme politique en oeuvre. Constitutionnellement il ne démissionne pas. Seul son Premier ministre avec son gouvernement doivent partir pour former un autre gouvernement. Logiquement le Premier ministre qui sera nommé doit être issu du rang de parti qui est sorti gagnant aux nouvelles élections législatives et qui est en mesure de former une coalition. De ce schema se dégage la cohabitation. Or, c´est ce que ne veut pas Emmanuel Macron depuis 2024 puisque constitutionnellement il peut nommer qui il veut comme Premier ministre mais ce bon vouloir ne lui permet pas de diriger le pays. Il est obligé de partager son pouvoir avec un Premier ministre issu du rang des partis de l´opposition qui détiennent de la majorité à l´assemblée nationale. Or, c´est ce qu´Emmanuel Macron ne veut pas et ces Premiers ministres tombent à tour de rôle.

Vu cette instabilité gouvernementale issue du régime semi-présidentiel, doit-on toujours préférer pour le Togo ce regime semi-présidentiel?

Personnellement en tant que Juriste,  formé en Europe et ayant fait la France et l´Allemagne, les deux pays que je connais très bien, politiquement et juridiquement et qui fonctionnent sous ces deux régimes, l´une sous le régime semi-présidentiel et l´autre sous le régme parlementaire, je donne toujours  avec constance ma préférence au régime parlementaire pour son bon fonctionnement en Allemagne. Ma position ne change pas sur ce plan depuis 2015 que je souhaite ce regime pour le Togo. 

Quand je compare le fonctionnement des deux régimes dans les deux pays où la démocratie fonctionne normalement, je ne souhaite pas qu´on revienne à la constitution de 1992 mais qu´on cherche plutôt à corriger ce qui peut mettre à mal le bon fonctionnement du régime parlementaire de notre pays. Par exemple on peut revoir les modalités du choix du Président du conseil.  Que cela ne se fasse par un simple courrier adressé au Président de l´assemblée nationale par le parti qui a gagné les élections législatives pour la désignation de son chef du parti comme Président du conseil mais au contraire qu´il soit d´abord soumis au vote des députés sur proposition du Président de la République comme ça se passe dans les grandes démocraties, en particulier en Allemagne.

Ensuite que la dissolution de l´assemblée nationale ne puisse pas se faire par le Président du conseil mais par le Président de la République sur proposition du Président du conseil comme ça se passe dans les régimes parlementaires.

Enfin qu´on change le nom du Président du conseil en Chancelier Togolais si on voit que l´appelation du Premier ministre n´est pas commode avec le poste. On remarque sur ce point que certains de nos compatriotes n´arrivent pas à faire la différence entre le Président du conseil et le Président de la République, d´où l´appelation Chancelier pour ce poste qui serait mieux, comme en Allemagne et en Autriche à la place du Premier ministre.

Le Président de la République peut de temps en temps aussi intervenir pour qu´on sente sa présence dans le pays dans des cas rares si c´est nécessaire même si son pouvoir est purement honorifique.

Par exemple à la fin d´année, le 24 décembre  il peut s´adesser aux Togolais et le Président du conseil, lui, peut le faire le 31 décembre comme en Allemagne. Voilà les grandes lignes qui méritent d´amendement dans la nouvelle constitution. En Allemagne c´est comme ça.

Certes, les conditions du changement qui ont vu naître la nouvelle constitution au Togo ne sont pas démocratiques car les motivations de ceux qui l´ont fait, sont cachées. Mais pour autant, devrons-nous rejeter ce régime parlementaire qui peut apporter des choses positives à notre pays s´il est bien appliqué dans l´avenir? Je dis non. On ne rejette pas l´enfant adultérin (qui est né des relations d´adultère de ses parents). On ne sait pas ce que cet enfant peut devenir un jour pour la famille. Cet enfant qui pourra avoir des qualités exceptionnelles ne sera pas mis à mort, ni rejeté parce qu´il est issu des relations d´adultère de ses parents. Il n´a commis aucune faute pour mériter ce sort du rejet ou de la mise à mort. On peut reprocher beaucoup de choses à ses parents qui ont pratiqué l´adultère pour le voir naître mais pas à l´enfant lui-même. Je voudrais dire par là en parabole qu´on peut reprocher beaucoup de choses à ceux qui ont mis le régime parlementaire en place pour n´avoir pas respecté les conditions du changement de régime. On peut leur reprocher ce qui les a motivés à le faire. Mais on ne peut pas rejeter la constitution elle-même issue de leur faute si cette nouvelle constitution pourra nous permettre d´évoluer au Togo. Ce à quoi on doit veiller, c´est comment faire pour rendre les élections transparentes au Togo afin que ce régime parlementaire soit bénéfique pour nous. C´est ce combat de la transparence des élections qui devrait être notre combat sans concession aucune avec le système en place, en demandant la mise en place de garde-fou démocratique avant les prochaines élections législatives  de 2029.

Voilà ce combat de transparence des élections législatives dont sera issu le Président du conseil que nous devons mener au Togo sans relâche, avec détermination et non le combat pour le retour de la constitution de 1992. Nous devons jeter tout notre dévolu sur ça en sensibilisant la population du nord au sud afin d´amener le changement démocratique  en 2029. Mais le régime parlementaire doit être notre préférence. C´est un acquis qu´il faut chercher à améliorer. Ça doit survivre au système en place qui, lui,  passera un jour. C´est par les bonnes idées qu´on construit un pays et non par les mauvaises.

Dr. Christian Spieker

Président de l´association Germany is Back

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