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Togo – L’importance d’une alternance pacifique

Dans un récent post, le journaliste Rodrigue Ahego revisite la lutte pour l’alternance au Togo, appelant à dépasser les querelles internes et à refonder une opposition unie, consciente et tournée vers un projet collectif de changement démocratique.

Combat pour l’alternance et le changement au Togo : les nostalgiques de 1990

Face à la guerre de paternité autour de la lutte pour l’alternance et le changement au Togo, où certains acteurs s’érigent en juges des autres, il devient nécessaire de revisiter les combats menés dans les années 1990. Cette relecture permet de mettre en lumière certaines réalités et de déconstruire la posture de ceux qui se présentent aujourd’hui comme les héros incontestés d’une lutte dont ils peinent pourtant à justifier les résultats. Trop souvent, les discours actuels s’enracinent dans une nostalgie qui, au lieu de raviver la flamme du combat, révèle plutôt l’essoufflement d’acteurs désormais en perte de repères.

La lutte des années 1990, bien que marquée par une forte répression, portait en elle un élan populaire massif, un idéal collectif, une clarté dans les objectifs. Des millions de Togolais, dans toutes les régions, se levaient pour réclamer la démocratie, la liberté et la dignité. Le peuple y croyait profondément. Les leaders politiques et ceux de la société civile incarnaient alors un rêve commun : celui d’un Togo libre, démocratique et respectueux des droits fondamentaux. Le souffle du changement animait rues, universités, marchés et villages. Le pays tout entier vibrait au rythme de la Conférence nationale souveraine.

Aujourd’hui, bien que la lutte pour l’alternance semble se poursuivre, les dynamiques ont profondément changé. L’émiettement de l’opposition, les calculs politiques à court terme, les conflits de leadership, la personnalisation du combat et surtout l’absence d’un projet commun clair et mobilisateur affaiblissent sérieusement les perspectives de changement véritable. Le peuple, lassé, observe avec scepticisme des leaders qui semblent davantage préoccupés par leur positionnement personnel que par la construction d’un avenir collectif.

Il est important de souligner que cette critique ne vise pas à alimenter les procès d’intention autour de l’élection des maires, encore moins à nuire ou à jeter en pâture certains acteurs. Il ne s’agit pas de transformer des figures de la répression d’hier en héros d’aujourd’hui, ni d’inverser les rôles en faisant passer les combattants d’hier pour des traîtres. L’intention est plutôt d’appeler à la lucidité, à la cohérence et à la responsabilité dans la conduite de la lutte pour un Togo nouveau.

Quelles leçons tirer des années 1990 ?

La lutte de 1990 nous enseigne qu’aucun changement véritable ne peut être imposé sans une forte unité des forces sociales et politiques. Il faut une vision partagée de l’alternance, au-delà des partis et des égos. Il faut une stratégie claire qui allie mobilisation populaire, diplomatie internationale, intelligence politique et organisation rigoureuse. Il faut une communication structurée pour contrer la propagande du régime et rallier les masses. Il faut une connexion permanente avec le peuple, qui est l’unique légitime détenteur du pouvoir.

Sortir du statu quo : des pistes pour refonder la lutte

Sortir du statu quo, c’est amorcer une réflexion sérieuse pour repenser et refonder une lutte devenue fragmentée, incohérente et affaiblie. Cela passe impérativement par la reconstruction de l’unité, tant au sein de l’opposition politique que de la société civile, autour d’un socle commun de principes démocratiques clairs, inclusifs et partagés.

Mais précisons-le : cette opposition à reconstruire ne saurait être celle artificiellement fabriquée par des acteurs en quête de revanche personnelle, qui cherchent à régler des comptes avec leurs anciens camarades, accusés à tort d’être à l’origine de leurs propres échecs et inconséquences. De même, la société civile à fédérer ne peut être celle qui s’arroge le monopole de la légitimité, ni celle qui se croit investie du pouvoir de décider qui est légitime ou non.

Sans preuves concrètes de trahison ou de compromission, il est temps de mettre fin aux insinuations infondées, aux jugements hâtifs et aux campagnes de désinformation. Trop souvent, ces discours sont alimentés en sous-main par des agents infiltrés, spécialistes de la manipulation et de la division, à la solde d’un système qui redoute plus que tout l’unité et la clarté du combat citoyen.

Revenant aux pistes à scruter, il convient de mettre l’accent sur la nécessité d’investir dans la formation citoyenne et la conscientisation politique des jeunes générations. L’espace civique étant verrouillé, il faut plutôt revoir l’usage qui est jusque-là fait des réseaux sociaux qui doivent plutôt être capitalisés en faveur d’une lutte réfléchie et stratégique. Il faut donc utiliser le digital et les nouveaux médias comme armes pacifiques de lutte et d’éveil. Il faut les utiliser pour dénoncer et documenter les violations des droits humains, renforcer les réseaux avec les diasporas et les partenaires internationaux. Il faut s’en servir pour lancer un vaste chantier de réflexion pour un projet de société alternatif, mobilisateur, centré sur la justice sociale, la bonne gouvernance et la démocratie participative.

L’importance d’une alternance pacifique

L’alternance n’est pas un caprice de l’opposition, c’est un impératif démocratique. Elle permet le renouvellement des idées, la limitation des abus de pouvoir, la responsabilisation des dirigeants, et la possibilité pour les peuples de reprendre leur souffle. Son absence, au contraire, crée un climat d’impunité, d’usure du pouvoir et de répression accrue.

Le peuple doit redevenir maître de son destin

L’alternance au Togo ne se fera ni par la nostalgie ni par les divisions internes. Elle viendra d’un sursaut collectif, d’un peuple conscient, déterminé et uni. Il est temps de sortir des querelles de chapelles, de cesser les calculs d’opportunisme et de s’unir pour reconstruire le pays. Comme le disait Thomas Sankara, « l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort. » Le peuple togolais mérite mieux. Il est temps de se lever, non pas pour célébrer les combats du passé, mais pour écrire une nouvelle page de son histoire.

Rodrigue Ahego

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