Mettogo, Star Metal, Gravita… ces géants qui asphyxient homme, air et terre Au Togo derrière, l’essor fulgurant des usines de recyclage indiennes, un secteur pourtant présenté comme écologique se cache une crise environnementale et humaine.
Au Togo derrière, l’essor fulgurant des usines de recyclage indiennes, un secteur pourtant présenté comme écologique se cache une crise environnementale et humaine. Dans l’indifférence, Gati, un des épicentres de cette industrie, s’empoisonne. Autour des usines de recyclage de plomb, les taux de contamination explosent, l’air brûle les poumons et les sols dépassent des seuils de toxicité alarmants. Ce reportage révèle l’envers toxique d’un empire industriel qui étouffe santé, air et sols au nom du profit. Comment un recyclage non encadré, des multinationales indiennes imposent aux populations un risque sanitaire d’une ampleur inédite. Une enquête de Truth Reporting Post (TRP) et The Examination qui met au jour un système opaque où économie verte rime avec désastre environnemental.
Préfecture de Zio, à 50 kilomètres à l’est de Lomé, Gati, un village, devenu épicentre des usines de recyclage s’étouffe sous le Plomb du désespoir. « Même dans nos chambres, cette odeur nous envahit. Ce matin, j’en ai fait les frais. Aujourd’hui même, au petit matin, il nous était impossible de respirer. Et c’est souvent le cas. C’est notre quotidien ici. Souvent, vers 4 heures du matin, la situation empire. L’odeur est si forte qu’on ne peut imaginer à quel point elle nous intoxique… et pollue notre environnement ».
Mardi 29 juillet 2025. 07 heures. Le soleil à peine levé. Déjà, depuis, 05 heures, l’air est irrespirable. Une odeur âcre, métallique, colle à la peau et provoquent des vomissements. Les habitants toussent, suffoquent. Les enfants et les femmes enceintes endurent.
« On sent une odeur qui monte jusque dans la tête. Après, on tombe malade. On tousse beaucoup. Respirer devient difficile. C’est la même chose chaque jour, matin et soir », une situation que déplore un enfant d’une douzaine d’années rencontré ce jour avec son père.
Les mères ferment les portes, calfeutrent les fenêtres. En vain. L’odeur s’infiltre partout, se répand dans les moindres recoins. Même à l’église, le petit Jésus en subit le plein fouet. Comme le témoigne une vendeuse de plats de riz au bord d’une route à Gati Sun.
« Quand le vent change de direction, il nous emporte toute cette odeur… ça nous étouffe. C’est surtout au petit matin, vers 03 heures, que la situation devient intenable. Ce matin encore, à la messe matinale de 06 heures, c’était pareil : tout l’intérieur de l’église sentait. On craint pour nos enfants, on redoute les séquelles que cette pollution pourrait laisser sur leur santé », s’inquiète-t-elle. Gati croupit sous le poids invisible d’un poison.
Le coupable ? Mettogo, affirment les riverains. Une industrie indienne de recyclage de plomb et de batterie. Elle partage la même aire d’implantation avec Star Metal qui fait aussi dans le recyclage.
Exposé au plomb, les populations de Gati redoutent que l’inhalation de cette odeur insupportable ne laisse des séquelles sur leur santé à long terme. De l’avis des experts, l’exposition au plomb peut avoir des effets dévastateurs sur l’organisme. Cette contamination, souvent invisible, touche particulièrement les enfants et les femmes enceintes, provoquant des troubles neurologiques, des retards de développement, ainsi que des risques accrus de maladies cardiovasculaires.
Selon l’OMS, « l’exposition au plomb constitue un important problème de santé publique, dont on estime qu’il a représenté 900 000 décès dus aux effets à long terme et 21,7 millions d’années de vie ajustées sur l’incapacité en 2019 ». « L’inhalation de plomb sous forme de vapeurs ou de particules est une voie d’exposition professionnelle majeure », a-t-elle rapporté.
Comme le décrit l’OMS (Organisation mondiale de la santé), « les effets toxiques incluent des symptômes gastro–intestinaux tels que: anorexie, douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées ou constipation; des symptômes neurologiques tels que: céphalées, léthargie, irritabilité, ataxie, convulsions tonicocloniques, opisthotonos, œdème cérébral et hypertension intracrânienne; des caractéristiques hématologiques telles que l’anémie, parfois avec ponctuations basophiles; et des signes de dysfonctionnement rénal ou hépatique ».
« L’encéphalopathie saturnine est plus fréquente chez les enfants que les adultes et les survivants peuvent garder des séquelles telles qu’un retard mental et des troubles convulsifs », précise-t-elle.
La présence de plomb dans l’environnement provient en grande partie de son extraction, de son traitement et de son utilisation par les hommes, comme l’indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’intoxication au plomb liée au recyclage non sécurisé des batteries au plomb usagées (ULAB) est identifiée par les Nations Unies et d’autres organisations spécialisées comme un grave risque sanitaire, particulièrement dans les pays en développement.
En file indienne. Le Togo s’installe dans la ruée vers le plomb. Mais avec une installation anarchique des usines de recyclage. Derrière la promesse du recyclage, un danger silencieux. Sous couvert d’économie verte, ces usines qui semblent redonner vie aux batteries et aux déchets solaires asphyxient. Un impératif industriel devenu fléau pour la santé humaine et l’environnement.
Sur la liste, Mettogo, Gravita, Star Métal, Casse Métal, Dieu Miséricorde et 1001 Piles, entre autres. Ces sociétés spécialisées dans le recyclage des batteries usagées et la production de fonte de plomb, un secteur aussi lucratif que controversé.
Gravita. Parmi elles, la plupart sont des multinationales indiennes. Les plus visibles, Gravita Togo SAU, Mettogo ou Star Metal Togo. Selon une enquête de The Examination publiée en 2023, l’expansion en Afrique de ces industriels fait l’objet des critiques. Leurs activités sont à l’origine de plusieurs maux pour l’environnement et la santé humaine.
« Les experts considèrent le recyclage des batteries comme étant l’activité industrielle la plus polluante au monde. Dans les cas les plus graves, les émissions de l’industrie (fumée, poussière, produits chimiques, eaux de ruissellement) contaminent l’environnement sur plusieurs générations et le corps humain en est affecté pour toute la vie », a ressorti l’enquête de The Examination qui précise que « le marché en Afrique devrait atteindre plus de 6 milliards de dollars au cours de cette décennie ».
Créée en 2021, Gravita Togo SAU, filiale de la multinationale Gravita India Limited a installé son usine à Lilikope, dans la préfecture de Zio, à 45 kilomètres au nord de Lomé. Rajat Sharma est son Administrateur général.
Là, au cœur d’une zone encore rurale, l’entreprise fond chaque année des milliers de tonnes d’aluminium et de plomb, destinées à l’exportation vers l’Inde, la Chine, la Thaïlande, la Corée et le Vietnam. Une activité florissante, mais dont l’empreinte environnementale et humaine soulève déjà des inquiétudes.
Au Sénégal comme au Ghana, où elle est également implantée, Gravita est accusée non seulement de ne pas respecter « les recommandations en matière de sécurité », mais aussi d’être à l’origine de maladies et de pollutions, a révélé The Examination. Le média qualifie d’ailleurs cette multinationale indienne de « Tchernobyl local ».
Pendant ce temps, sa maison mère, Gravita India Ltd, affichait, selon la même enquête, un chiffre d’affaires global de plus de 336 millions de dollars il y a deux ans.
Lire la suite de l’enquête sur le trp-tg.org


