Pour commémorer le 20ème anniversaire du décès du Gal Gnassingbé Eyadema, qui a dirigé le Togo d’une main de fer pendant 38 ans, le régime togolais qu’il a bâti a fait les choses en grand avec les maigres ressources financières du pays. Colloque international, décoration, cérémonie d’hommages et bien d’autres activités étaient au programme de la commémoration qui ressemble à s’y méprendre à une initiative de dédiabolisation du règne d’Eyadema. Mais en voulant dépeindre un tableau si noir en blanc, le régime de Faure Gnassingbé a encore dévoilé ses incohérences et les dessous de sa politique conjoncturelle.
Le 05 février 2005, Gnassingbé Eyadema passait de vie à trépas. Un règne sans partage de 38 ans sur le Togo venait de prendre fin. L’homme qui avait revendiqué l’assassinat de Sylvanus Olympio, premier président du Togo et grand artisan de l’indépendance du pays, a passé le plus clair de son temps à faire miroiter un avenir promoteur aux populations. Il a surtout laissé dans la mémoire collective le souvenir d’un président prêt à tout pour conserver le pouvoir. Sous Eyadema les différentes politiques de développement ont été soldées par un échec. Le clientélisme, la gabegie financière et la politique politicienne ont pris le pas sur une réelle volonté de voir le pays véritablement enclencher son développement.
Les incohérences d’un régime en déclin
« Lorsque le président de la République a accédé au pouvoir au Togo, en 2005, il a hérité d’un pays socialement délabré, économiquement exsangue et politiquement divisé », déclarait à juste titre, en février 2020, Christian Trimua, actuellement ministre secrétaire général du gouvernement togolais. Une analyse sans concession de la gouvernance d’Eyadema résumée en quelques mots par Christian Trimua qui justifiait pour lui, à l’époque, la nécessité pour Faure Gnassingbé de viser un quatrième mandat. « Il (ndlr : Faure Gnassingbé) a, progressivement, reconstruit politiquement le pays, en faisant toutes les réformes constitutionnelles et institutionnelles nécessaires. Il a, économiquement, relancé la dynamique de développement du pays, et puis abordé l’important chantier social de reconstruction sociale du pays », a-t-il déclaré.
Quatre ans plus tard, le même régime a décidé de rendre, en grande pompe, un hommage à l’homme qui a mis, s’il faut résumer les mots de Trimua, le pays à terre. Pour ce faire, le régime a changé radicalement de discours. Parlant du feu Eyadema, « son courage, teinté d’une rigueur spartiate, a forgé un Togo debout », a lancé Kanka-Malik Natchaba, ministre de l’Enseignement supérieur, lors d’un colloque organisé lundi 3 février 2025 dans le cadre de la commémoration de l’ancien président.
« Le général Eyadema était un homme aux multiples facettes. Il était doté de qualités naturelles exceptionnelles, une force de la nature, reconnu pour son courage et sa droiture. Ses qualités lui permirent de mener une carrière militaire enviable, décrochant tout au long de celle-ci des félicitations et des reconnaissances. Son action politique à la tête du pays s’inscrira constamment dans l’optique d’une construction collective, d’un bien commun, le Togo. Les mots qui reviennent le plus pour parler de son action sont: unité nationale, solidarité et paix », a-t-il ajouté.
Un discours clair-obscur qui confirme les incohérences notoires du régime de Lomé. Une contradiction redoutable qui met encore à nu la politique des circonstances du régime du père en fils. En effet, pour justifier un quatrième mandat pour Faure Gnassingbé tous les moyens étaient bons, même les attaques contre l’héritage d’Eyadema, considéré abusivement par les tenants du régime comme « le père de la nation togolaise ». Et alors que le régime se prépare eà amorcer un nouveau virage avec la constitution contestée ouvrant les perspectives d’un pouvoir à vie à Faure Gnassingbé, quoi de mieux que de surfer sur l’héritage d’Eyadema pour chercher à resserrer les rangs dans le « camp bleu » où certains militants restent très attachés à l’ancien président. Pour ce faire, le régime en déclin cherchant éperdument à s’accrocher au pouvoir n’hésite pas à puiser dans les maigres ressources financières du pays.
Dilapidation en continu
La commémoration du 20ème anniversaire du décès du Gal Eyadema qui rime avec les 20 ans de pouvoir de son fils et successeur Faure Gnassingbé a été grandiose. Ces activités n’ont pas pu être menées sans d’importants moyens financiers. Pour le colloque organisé à Lomé, des invités étrangers étaient présents. Ces invités ont sans nul doute bénéficié de la générosité légendaire du pouvoir togolais.
En outre, des membres du gouvernement, des présidents des institutions, des députés, des directeurs et autres hauts cadres de l’administration ont répondu présents à Kara. Les charges liées à ce déplacement reviendront à l’Etat. De même, il a été demandé des offices religieux dans les différentes préfectures du pays. Tout ceci a un coût.
Au total, l’ardoise de cette commémoration reviendra très salée pour les finances publiques. Ceci dans un pays qui vit sous perfusion permanente de la Banque mondiale, du FMI et des marchés financiers. Un pays dans lequel la quasi-totalité des projets sont financés par des pays occidentaux ou des prêts.
En définitive, la commémoration des 20 ans du décès d’Eyadema confondue avec l’arrivée au pouvoir de Faure Gnassingbé n’aura été qu’une manifestation indigeste d’incohérence et de dilapidation de l’argent public. Une dilapidation des ressources publiques pendant que de nombreux Togolais vivent dans une misère indicible depuis plusieurs décennies.
Lemy Egblongbeli
Source : Le Correcteur