Le Togo est-il une Nation ?

De quelle nation parle-t-on alors que le Togo peine à répondre aux critères d’une nation ? Depuis quelques temps s’enfle la polémique sur l’attribution du qualificatif « Père de la Nation » au feu Président EYADEMA GNASSINGBE du Togo. Pour les uns, ce titre revient de droit à ce personnage, alors que pour d’autres, ce mérite devrait plutôt être attribué à son prédécesseur, feu Sylvanus OLYMPIO. Mais fort curieusement, il n’est pas aisé, à ce jour d’affirmer l’existence d’une vraie nation au Togo. D’où la nécessité de revenir sur l’opportunité d’un tel débat à travers une analyse succincte de la notion.

Qu’est-ce qu’une nation :
Le concept est ancien. Il est présent dans l’Ancien Testament à travers l’expression « Peuples et Nations ». C’est donc un concept qui revêtait un caractère sacré. De lui émane probablement le règne de droit divin que s’attribuèrent des rois et empereurs d’Europe. Mais après la révolution de1789, le pouvoir fut désacralisé, devenant ainsi une forme de règne ou domine la volonté populaire. C’est dans ce nouveau sens que semble bien s’inscrire le sens de « Père de la Nation » employé jusqu’à ce jour.

Le sens actuel de l’expression peut être cerné sous trois angles : Social, juridique et historique. Au sens social, l’expression désigne « une population vivant sous les mêmes lois, réunie sur un même territoire et appartenant à la même nationalité ».

Au sens juridique du terme, nation désigne « un corps de citoyens égaux devant la loi et personnifié par une autorité souveraine ».

Quant au sens historique qui apparait ici comme le plus pertinent, la nation signifie « une collectivité unie par le sentiment de sa continuité, un passé partagé, un avenir commun, un héritage culturel à transmettre.

Cette définition met en relief trois entités majeures à savoir le peuple qui établit et défend la nation, un régime politique, royaume, empire ou république précis choisi en fonction de l’histoire et de la vision commune puis enfin un Etat qui assure la continuité des affaires de la collectivité. Cette appellation d’adapte plutôt bien aux grands ensembles ethnico-linguistiques. Il s’agit par exemple des royaumes africains dont l’existence remonte à une période plus lointaine.
En effet, ces regroupements sont caractérisés par le sentiment de leur continuité, en dépit des frontières territoriales nouvelles imposées par la conférence de Berlin de 1884. Ces populations, en plus, ont en partage une histoire commune marquée, entre autres, par la traite négrière et la colonisation. Cette histoir représente une durée suffisamment longue : elle s’évalue en millénaires. De même, l’avenir de ces collectivités est une question qui revient lors des retrouvailles à l’occasion des fêtes traditionnelles majeures qui réunissent ces peuples. Enfin, les membres de ces collectivités, en provenance de différents Etats modernes actuels, célèbrent annuellement leurs héritages culturels.

Le Togo est-il une Nation ?
Au vu de ce qui précède, on peut examiner la désignation du Togo, et par extension des Etats africains par le vocable « nation ». Ceci passera donc par la résolution des questions suivantes : Les citoyens togolais ont-ils le sentiment de leur continuité ? La réponse sera affirmative puisqu’ils célèbrent chaque année, le 27 avril, la fête de l’indépendance nationale. Mais lorsqu’on s’intéresse de près au détails de cette fête, la certitude commence à s’effriter.

Les togolais ont-ils une histoire commune ? On répondra par l’affirmative, sauf que cette histoire est très brève puisqu’elle ne fait pas encore un siècle. En plus, les différents peuples se retrouvant sur le territoire national ont connu des traitements différenciés selon leur situation géographique.

Les togolais sentent-ils qu’ils ont un avenir commun ? On pourrait dire « oui », mais la tendance à assurer un avenir à son groupe ethnico-linguistique, et surtout à sa propre famille, semble très plus ancré chez le togolais.

Existe-il un héritage culturel commun à transmettre aux générations futures de Togolais ? Ici apparait une lacune majeure car, les traditions culturelles existantes n’ont pas encore fusionné dans une culture à envergure nationale.

En un mot, la désignation du Togo, tout comme des Etats africains antérieurement colonisés-par le terme « nation » se présente comme un abus de langage. Il ressemble plutot à un usage suggéré par l’impérialisme pour motiver le respect des frontières qu’il a décidées pour les intérêts des anciennes puissances colonisatrices.

Le Togo en marche vers un Etat – Nation
Il y reste du chemin à faire pour parler des Etats africains comme nation. Il doit s’écouler un peu plus de temps car, une vie en commun d’à peine un siècle ne suffirait pas pour répondre aux critères d’une nation. Aussi devrait-on, peut-être, multiplier les efforts pour une cohésion nationale dans tous les sens. Dans ce sens, il faudrait : Des assises nationales. Elle ont éte annoncées par le Chef de l’Etat actuel, le Président Faure GNASSINGBE. Selon Repensons le Togo, ces assises devraient en premier lieu permettre de décrisper l’atmosphère sociopolitique au sein du pays et conduire à : Rejeter la politique fondée sur la rivalité et la menace des représailles ; Proposer un contrat social ou les intérêts indiscutables du Togo sont clairement définis ; Définir une véritable société civile ainsi que son rôle de garant de l’intérêt général de la population ; Définir clairement le statut des forces de défense et de sécurité.

Adopter et mettre en œuvre de mesures supplémentaires pour apaiser les victimes des exactions sociopolitiques depuis 1958 jusqu’à ce jour. Mais, à quoi serviraient ces reformes sans une jeunesse bien formée et engagée ? Ne serait-il pas préférable de penser plutôt à la constitution de la nation africaine ?

ANAWI Jean

Source : Togonyigba

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