Face à la corruption, le gouvernement togolais a choisi de faire du dilatoire. Entre le cadre législatif et les réalités ahurissantes, la corruption semble être en terre conquise au Togo. L’application effective de la loi sur la déclaration des biens est l’un des symboles du laxisme écœurant dont fait preuve le gouvernement dans la lutte contre la corruption. Une loi foulée au pied par de nombreux hauts fonctionnaires assujettis sous le regard complice du Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé qui lui-même entretient le flou sur la déclaration des biens et avoirs.
La semaine dernière, Transparency International a publié l’indice de perception de la corruption. Dans son rapport, cet organisme a révélé que la corruption dans le secteur public est alarmante dans de nombreux pays.
Le Togo se classe 26eme parmi les pays africains les plus corrompus, avec un score de 32 points sur 100, le plaçant au même niveau que le Kenya et l’Angola. Par rapport à 2023, le pays gagne une place. À l’échelle mondiale, la moyenne reste stable à 43 points, tandis que l’Afrique subsaharienne affiche le score le plus bas, avec une moyenne de 33. Globalement, le Togo fait du surplace dans la lutte contre la corruption et présente toujours de graves lacunes.
« La corruption est une menace mondiale en constante évolution qui ne se contente pas de saper le développement, loin de là : c’est une cause essentielle du déclin de la démocratie, de l’instabilité et des violations des droits humains. La communauté internationale et chaque nation doivent faire de la lutte contre la corruption une priorité absolue à long terme. C’est capital pour faire reculer l’autoritarisme et parvenir à un monde pacifique, libre et durable. Les tendances dangereuses révélées par l’Indice de perception de la corruption de cette année montrent qu’il est nécessaire de prendre des mesures concrètes dès maintenant pour lutter contre la corruption », déclaré François Valérian, Président de Transparency International.
La consécration du dilatoire
Au Togo, justement, depuis de nombreuses années, de nombreuses réformes ont été opérées pour enclencher véritablement la lutte contre ce phénomène qui gangrène le développement du pays et enfonce les populations dans la précarité. Parmi les réforme majeures figures, la déclaration des biens et avoirs qui est une obligation pour des fonctionnaires et certains personnes exposées ou gérant des derniers publics. Mais depuis, les personnes concernées ne se bousculent pour déclarer leurs biens.
Officiellement, la dernière personne à se plier à cette obligation est le Président de la Haute Autorité de Prévention et de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (APLUCIA), Aba Kimelabalou. C’était le 14 mars 2023. « L’article 145 de la constitution togolaise prescrit que toute personnalité citée dans cet article doit faire la déclaration des biens et avoirs à l’occasion de son entrée en fonction et à la fin », avait-il déclaré avant d’ajouter que « c’est une obligation en matière de bonne gouvernance et de la transparence. Chaque assujetti, a-t-il dit, doit pouvoir répondre et qu’à la fin on s’assure que son patrimoine n’a pas évolué de façon indue.
Dans un pays ou les affaires d’enrichissement illicite, de détournement et de blanchiment d’argent sont monnaies courantes , cette loi devrait être appliquée à la lettre. Mais que nenni. Les nombreux appels publics lancés par le médiateur de la République chargé de recueillir les déclarations semblent tomber dans les oreilles de sourds. Tout ceci au vu et au su du Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé qui semble s’accommodé avec ce qui ressemble à un refus délibéré des assujettis d’obéir à la loi. Et pourtant, certains de ses homologues de la sous-région font de la déclaration l’une de leurs armes contre la propagation de la corruption dans leur pays.
Le Ghana et le Liberia dans le concret
Au Liberia, le Président, Joseph Boakai , a suspendu le mercredi 12 février 2025 , 457 fonctionnaires gouvernementaux pour non-respect des obligations de déclaration de patrimoine. Cette sanction intervient après la publication d’un rapport de l’Agence anti-corruption du Liberia (LACC), qui a identifié ces responsables comme n’ayant pas soumis leurs déclarations avant le délai fixé en novembre 2024.
Selon le communiqué de la Présidence, les fonctionnaires concernés sont suspendus pour une période d’un mois sans salaire, ou jusqu’à ce qu’ils se conforment aux exigences légales en matière de transparence. Parmi les fonctionnaires sanctionnés figurent notamment l’intégralité de la direction par intérim de la Liberia Electricity Corporation (LEC), des personnalités de premier plan telles que Mohamed Maladho Bah, envoyé spécial du Président pour l’investissement, et Christopher Hages Onanuga, ambassadeur itinérant pour le tourisme.
Le Chef de l’Etat a affirmé son engagement envers la bonne gouvernance, la transparence et la lutte contre la corruption, soulignant que « la déclaration d’actifs n’est pas seulement une obligation légale mais aussi une mesure fondamentale pour promouvoir la transparence et restaurer la confiance du public dans les institutions ».
Plus proche du Togo, au Ghana, le Président John Dramani Mahama frappe fort en matière de transparence. Il a choisi de rendre publique sa déclaration de patrimoine, un geste rare qui marque son engagement contre la corruption. Lors de cette remise publique, Mahama a insisté sur l’importance de la prévention dans la lutte contre la corruption. Selon lui, au-delà des mesures répressives, il est primordial de mettre en place des mécanismes pour empêcher les dérives. Les hauts fonctionnaires et ministres sont appelés à respecter cette obligation.
En se positionnant publiquement pour la déclaration des biens, ces deux Chefs d’Etat envoient un message fort dans le renforcement de la lutte contre la corruption. En effet, la déclaration de patrimoine, bien conçue et appliquée avec rigueur, constitue un levier efficace pour garantir l’intégrité des décideurs. Mais au Togo, la déclaration des biens n’est devenue qu’une réforme brandie pour cacher la mauvaise foi dans un semblant de lutte contre la corruption.
Lemy Egblongbéli
Source: lecorrecteur.tg