Togo : arrestation de deux responsables de la DMK

Lomé, juillet 2025. Alors que les rues de la capitale togolaise bruissent de colère et d’espoir, le pays semble à un tournant de son histoire. Les arrestations récentes de figures de l’opposition, dont des membres de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), à la veille des manifestations annoncées pour les 16 et 17 juillet, ont déclenché une vague d’indignation sans précédent. Les voix de la diaspora s’ajoutent à celles de la jeunesse sur le terrain, dénonçant un régime qualifié par certains d’« autoritaire » et de « criminel ».

Lors d’une émission diffusée en direct, animée par les journalistes Mustapha Diata et Emmanuel Maïga, l’invité principal, Maître Kofi Bassa, juriste togolais basé aux États-Unis, a livré une analyse sans concession du climat politique qui règne au Togo.

Une jeunesse en première ligne

Contrairement aux mouvements d’opposition traditionnels, les manifestations des derniers mois ont été portées par de jeunes activistes et blogueurs, souvent anonymes, mobilisés à travers les réseaux sociaux. « Ce sont eux les véritables opposants », affirme Kofi Bassa. « Ils n’ont ni visage, ni parti politique, ni ambition personnelle. Ils veulent juste en finir avec le régime. »

La force de ce mouvement, selon lui, réside dans sa spontanéité et son caractère horizontal. Les figures connues sont peu nombreuses, ce qui rend difficile la stratégie de répression ciblée souvent utilisée par le pouvoir. Ce mouvement, sans chef désigné, fonctionne comme une forme de guérilla pacifique : imprévisible, insaisissable, et donc redoutablement efficace face à un appareil sécuritaire bien rodé.

Arrestations stratégiques et intimidation systématique

Dans cette logique, les arrestations du docteur Sama (du PNP) et d’Honoré Amanti (DMK) ne sont pas anodines. « C’est une stratégie d’intimidation pour décapiter symboliquement les manifestations », explique Me Bassa. Il ajoute que plusieurs mandats d’arrêt ont été lancés contre des activistes en exil, notamment Zaga Bombo, Tabitogé, et d’anciens militaires.

Selon lui, cette campagne de répression vise à semer la peur et empêcher toute tentative de mobilisation de masse. Pourtant, au lieu de dissuader, ces actes semblent galvaniser une jeunesse de plus en plus déterminée à faire entendre sa voix.

La question des morts et des responsabilités

Un point crucial soulevé dans l’entretien est celui des décès survenus lors des manifestations de juin, notamment entre le 26 et le 28. Plusieurs corps ont été repêchés dans la lagune. Le procureur a tenté de minimiser les faits, évoquant des circonstances accidentelles. Mais pour Bassa, les preuves de tirs à balles réelles sont indéniables.

« On ne peut pas continuer comme si de rien n’était. On ne peut pas organiser des élections législatives alors que le sang de sept jeunes togolais crie encore justice », martèle-t-il. Il réclame la suspension des processus électoraux et l’ouverture d’enquêtes internationales indépendantes.

L’opposition politique face à ses contradictions

L’une des critiques les plus virulentes formulées par Kofi Bassa concerne l’opposition politique dite “traditionnelle”. Il l’accuse de « trahison » pour sa volonté de participer aux élections malgré la répression en cours. « Ils légitiment un système qu’ils prétendent combattre », affirme-t-il, citant des figures comme Jean-Pierre Fabre ou encore Mme Johnson.

Pour lui, ces partis ne représentent plus le peuple mais des intérêts personnels, voire des arrangements avec le régime en place. Il appelle donc la population à ne pas se laisser distraire par ces « faux opposants ».

Quel avenir pour le Togo ?

À la question de savoir qui pourrait gouverner après un éventuel départ du président Faure Gnassingbé, Me Bassa évoque la Constitution de 1992 – bien que « tripatouillée » – qui prévoit des dispositions claires en cas de vacance du pouvoir. Il propose la création d’un gouvernement de transition, éventuellement supervisé par un tribunal ad hoc africain, à l’image du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Kofi Bassa ne rejette pas l’idée de juger Faure Gnassingbé pour crimes de sang et crimes économiques, que ce soit à la Cour pénale internationale ou via un tribunal spécial africain. Pour lui, la justice est essentielle pour tourner la page, et « le Togo ne peut pas continuer de vivre sous l’omerta de l’impunité ».

Le mot d’ordre pour les manifestations du 16 et 17 juillet

Le mot d’ordre est clair : sortir massivement. « Cette fois-ci, tous les projecteurs internationaux sont braqués sur nous. Le régime ne peut plus réprimer dans le silence. Si un ou deux millions de Togolais sortent dans les rues, le régime tombera », prédit Bassa.

Il affirme également que plusieurs figures de l’intérieur du régime, y compris d’anciens militaires, soutiennent désormais la jeunesse. « Même des personnalités comme Dame Marguerite ou le commandant Olivier Ama Pokou ont rejoint la lutte. »

Et la communauté internationale ?

Interrogé sur le silence de la CEDEAO, de l’Union africaine et des Nations Unies, Bassa répond sans détour : « Ces institutions ont perdu toute crédibilité aux yeux des Togolais. Elles ont toujours été complices ou silencieuses face aux dérives du régime. »

Il insiste sur le fait que les Togolais ne comptent plus sur l’aide extérieure, mais uniquement sur leur propre mobilisation pour provoquer le changement.


Conclusion

Alors que le Togo entre dans une nouvelle phase d’agitation politique et sociale, la jeunesse semble porter le flambeau d’un peuple longtemps réduit au silence. Loin des figures politiques usées, ce mouvement populaire et numérique incarne une nouvelle façon de résister, de s’organiser et d’espérer. Mais la répression, les arrestations et les intimidations montrent que le chemin vers un véritable changement reste semé d’embûches.

Face à cette mobilisation inédite, la question demeure : la jeunesse togolaise parviendra-t-elle, seule, à renverser l’ordre établi et ouvrir la voie à un avenir démocratique pour tous ?

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