Une autre Afrique est possible…

Dans une nouvelle tribune, le Professeur FOLIKOUE Ekoué Roger revisite les symboles de l’esclavage à travers les sites mémoriels de Cape Coast, El Mina et Gorée, pour poser un regard lucide sur les défis contemporains de l’Afrique. De la mémoire douloureuse des chaînes à l’appel à la dignité et à la responsabilité, il invite à transformer le passé en énergie de libération, en repensant l’indépendance comme un chemin d’interdépendance, de justice et de co-construction. Une parole forte, pour une Afrique debout.

DE L’ ESCLAVAGE À LA LIBERTÉ : DE LA PORTE DU NON RETOUR AU POINT DU NON RETOUR POUR UNE AFRIQUE NOUVELLE.

Les villes côtières comme Cape Coast, El Mina, Gorée sont des lieux de mémoire. Ce sont, historiquement, des lieux tragiques de l’ histoire de l’Afrique mais aussi de l ‘histoire dramatique du monde. Des hommes et des femmes venus de l’ ‘ Occident ont dénié à d’ autres hommes et femmes le droit d’ être des humains.

Mais entre ceux qui torturent, en posant des actes crapuleux et horribles, et ceux qui sont violentés et considérés comme des moins que rien, qui sont les barbares et les humains?

L’ ignominie a atteint le seuil de l’ inadmissible car une partie de l’ humanité s’est donné le droit de déshumaniser d’ autres à cause de la couleur de leur peau et de leur lieu d’ origine.
A ceux-là on a nié une culture, une civilisation, un savoir (la science) un savoir-faire ( la technique) un savoir- être (l’éthique) et un savoir-devenir (la capacité de s’ inventer, d’ innover ).
Ils étaient alors considérés comme des sous – hommes et ils sont conduits involontairement vers un ailleurs en franchissant la porte du non retour qui s’ ouvrait sur l’ océan où des bateaux les attendaient pour les charger comme du bétail et des bêtes de somme.

Qui peut rester indifférent en regardant ces portes à Cape Coast, à El Mina et à Gorée ?
C’est effroyable

La porte du non retour, porte de la honte, est ainsi restée un des symboles de l’ esclavage, oeuvre de déshumanisation, de privation de liberté et surtout d’ acte odieux de la négation de l’autre.

FREEDOM, OH FREEDOM
KUMBAYA, KUMBAYA MY LORD.
WE SHALL OVERCOME… SOME DAY !

Il a fallu du temps, mais cette belle prophétie se réalise de nos jours et en même temps sa realisation totale dépend encore de nous.

Le temps où nous étions partout dans des fers et où des chaînes étaient à nos pieds et à nos cous comme des animaux conduits à l’ abattoir est révolu. Alors, avons-nous le droit, en ce XXI è siècle, de créer d’ autres fers et situations d’oppression dans les États africains?

Africains et Africaines, l’Histoire nous regarde.

Du terrible drame, nous devons apprendre jusqu’ où l’être humain peut aller dans la bestialité à cause de ses intérêts et du pouvoir pour ne pas répéter l’ insoutenable. Mais, nous devons aussi apprendre le degré insoupçonné de l’ indifférence qui détruit l’ humanité pour ne pas devenir, à cause de cette douloureuse histoire, des hommes et des femmes de haine.

L’ Homme capable (Homo capax de Paul Ricœur ) du pire est aussi celui qui est capable de dire plus jamais ça et de le traduire vraiment dans les faits : l’ humain s’ engage pour l’ humain partout où il est.

De l’ esclavage à la liberté n’ est-ce pas le message délivré par l’ Afrique en ce XXIè siècle dans la continuité de ses luttes pour la reconnaissance de la dignité des Africains et Africaines pour l’indépendance et une nouvelle et véritable co- opération entre les différents pays du monde?

Si trois villes côtières Cape Coast, El Mina et Gorée (CEG) étaient des signes de l’ horrible et sombre passé, de trois autres villes, Bamako, Ouagadougou et Niamey, viennent, en écho au FREEDOM , la réponse à l’aspiration de tout un continent.

C’est une grande responsabilité et non une simple posture; une responsabilité bienveillante qui doit poser la dignité de tout être humain comme un vrai principe fondateur: toute vie humaine est sacrée. Et dans ces conditions , on peut espérer qu’ au CEG (Cape Coast, El Mina et Gorée) succède l’ AES, symbole de tout un continent en lutte.

N’est- ce pas un point de départ qui doit être aussi considéré comme un point de non retour dans la lutte pour la liberté et la prospérité de l’ Afrique ?

Ah hé Afrika, héé Afrika, Oh Liberté de Franklin BOUKAKA!

Mais, le point de non retour n’ est-ce pas aussi la non répétition des situations dégradantes, avilissantes et humiliantes pour ses propres concitoyens?

La recherche de l’ indépendance est légitime mais il ne suffit plus de professer haut et fort l’indépendance pour la rendre effective. Comme le dit le philosophe KÄ MANA, elle doit être une tâche pour la pensée et un enjeu pour l’action. Elle devient ainsi une énergie de libération car elle redonne à chacun de nous la capacité de compter sur soi. Compter sur nous- mêmes ne signifie pas un repli suicidaire mais une ouverture aux autres dans ce qu’ils ont comme forces innovantes et transformatrices provenant de l’ Humain qui se dé-voile à divers endroits du globe terrestre.(Cf. Le consciencisme de N’ KRUMAH.

La terre serait alors à nous tous et nous partagerions nos différences et nos talents ( Cf. Jean- Claude GIANADDA)

Et si la vérité de l’ AES n’ était pas que géographique mais continentale et mondiale : libérer l’être humain partout où il est dans des fers pour une vraie co-opération entre nous !

Le chemin de l’ indépendance par l’ interdépendance passe par la RECONNAISSANCE de chacun, chacune et de chaque pays.

Une autre Afrique est possible et ça dépend de nous.

Une Afrique nouvelle doit naître, celle qui libère les énergies et non celle qui opprime ses propres enfants; celle qui se remet en cause en cherchant à vaincre avec les autres et non celle qui cherche à vaincre sans avoir raison; celle qui recherche de l’émulation et non celle qui se base sur la compétition destructrice; celle qui développe le sens du bien commun et non celle qui ne pense pas la sauvegarde du bien commun.

Une Afrique prospère, qui sait venir au secours des autres et non celle qui se met toujours en position de mendiant, est possible

(FOLIKOUE Ekoué Roger, RJC)

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