Alors que l’on se prépare activement à entrer de plein pied dans le nouveau mandat des élus locaux, avec les passations de services qui ont commencé depuis le 12 Novembre dernier et s’achève le 15 de ce mois, entre les anciennes équipes des exécutifs communaux et celles nouvelles, nous avons jugé utile à la rédaction de Le Télégramme du Togo de plancher sur ce qui a été et ce qui n’a pas été dans le premier mandat de la décentralisation à la tête des 117 communes du Togo. Il ne s’agit ici que d’un travail de fourmi journalistique qui nous a amené à consulter différents documents et articles de presse sur la décentralisation au Togo.
En effet, six ans après le lancement effectif de la décentralisation et à la veille du renouvellement des exécutifs communaux, le bilan du premier mandat des collectivités territoriales togolaises présente des avancées indéniables mais aussi des « couacs » structurels : faibles ressources locales, chevauchements de compétences, contrôle étatique pesant et capacités locales encore inégales. Cette version enrichie s’appuie sur rapports officiels, communiqués des acteurs (Faîtière des Communes, ministère) et évaluations de partenaires techniques et financiers.
DES CHIFFRES QUI POSENT LE CADRE
Le Togo compte aujourd’hui 117 communes, restructurées depuis l’acte législatif de décentralisation, qui ont été dotées d’instances élues et d’un cadre administratif local. Les grandes agglomérations disposent d’une assise fiscale plus solide, tandis que de nombreuses communes rurales restent très fragiles financièrement.
La Faîtière des Communes du Togo (FCT) indique qu’entre 2020 et 2024 plus de 30 milliards FCFA ont été transférés ou mobilisés en faveur des communes (subventions d’État, FACT, projets), mais ces flux restent insuffisants face aux besoins d’investissement de base (infrastructures, écoles, assainissement).
Par ailleurs, la coopération décentralisée (jumelages, projets extérieurs) a mobilisé environ 1,22 milliard FCFA entre 2020 et 2024, un apport non négligeable mais ciblé sur des communes partenaires.
LE NERF DE LA GUERRE : FINANCEMENT ET AUTONOMIE FISCALE
L’un des principaux verrous relevés à mi-mandat est la faiblesse des recettes propres des communes. Les transferts de compétences ne se sont pas toujours accompagnés d’un transfert équivalent de ressources. Conséquence : des municipalités incapables d’assurer l’entretien courant des infrastructures ou d’engager des projets de développement applicables sans appui externe. La FCT et plusieurs partenaires plaidèrent dès 2024–2025 pour un renforcement du Fonds d’Appui aux Collectivités (FACT / FADeC) ainsi que pour des mécanismes de financement innovants (fonds déconcentrés, partenariats public-privé, accès facilité au crédit d’investissement).
Ce diagnostic est confirmé par les audits et contrôles récents : la Cour des comptes a publié des rapports d’exécution et de gestion sur plusieurs communes (ex. Amou) montrant des lacunes dans la tenue des comptes et la justification de dépenses, rappelant la nécessité d’un renforcement des systèmes comptables locaux.
CAPACITÉS TECHNIQUES ET GOUVERNANCE LOCALE : PROGRÈS MAIS INÉGALITÉS
Des programmes d’appui à la professionnalisation des administrations communales ont été lancés : le Programme Décentralisation et Gouvernance Locale (ProDeGoL) (appui GIZ) accompagne notamment la planification stratégique, la tenue de plans de développement communal (PDC) et la transparence budgétaire dans une vingtaine de communes partenaires. Le document-programme souligne que « la participation citoyenne est au cœur des interventions », avec la mise en place d’outils comme les bureaux du citoyen et les budgets participatifs. Ces actions ont permis des progrès concrets dans les communes couvertes par le programme, mais l’effet reste limité à l’échelle nationale.
Sur le terrain, élus et personnels techniques pointent deux difficultés récurrentes :
– l’absence (ou l’insuffisance) de personnels formés à la gestion financière et aux marchés publics ;
– la gestion simultanée d’attentes fortes des populations (routes, écoles, eau) et de capacités d’action limitées.
TUTELLE PRÉFECTORALE VS AUTONOMIE : UN ÉQUILIBRE DIFFICILE
La loi de décentralisation prévoit des mécanismes de contrôle et de coordination entre l’État (préfectures) et les communes. Dans la pratique, certains maires dénoncent une tutelle trop présente, qui bride leur marge de manœuvre opérationnelle, tandis que des préfets soulignent l’inexpérience de nombreux élus dans la conduite d’actions publiques locales. Ces tensions, bien que fréquentes dans tout processus de décentralisation naissante, ralentissent l’exécution de projets et complexifient les relations entre niveaux de gouvernance.
EXEMPLES CONCRETS — RÉUSSITES ET ÉCHECS
Succès ciblés : Des communes ayant bénéficié d’un accompagnement GIZ/ProDeGoL ou de projets bilatéraux ont pu élaborer des Plans de Développement Communal opérationnels et lancer des investissements locaux (assainissement, infrastructures scolaires), montrant que l’approche « planification + financement ciblé » fonctionne quand elle est appliquée.
Couacs récurrents : Des audits locaux mettent en évidence des retards fréquents dans l’exécution budgétaire, des marchés publics mal documentés et des problèmes de traçabilité des dépenses — autant de sujets pointés par la Cour des comptes dans plusieurs rapports communaux.
RÉPONSES PUBLIQUES ET TRAJECTOIRE POUR LE SECOND MANDAT
Le gouvernement et le ministère en charge de la décentralisation ont annoncé des mesures d’accompagnement : renforcement du FACT (annonces récentes évoquent des augmentations et réorientations du fonds), formation accélérée des personnels communaux, et consolidation des outils de suivi budgétaire. Le ministre en charge (nommé à la tête du département selon les dernières publications officielles) a réaffirmé l’engagement de l’État à « accompagner la montée en puissance des communes » tout en rappelant la nécessité d’une meilleure gouvernance locale.
Les partenaires techniques (GIZ, KfW, UE) et la FCT militent pour :
– un transfert effectif et chiffré des compétences assorti des ressources correspondantes ;
– l’élargissement des programmes d’appui (formation, outils comptables numériques) à davantage de communes ;
– la mise en place d’un cadre transparent de financement (garanties, fonds de soutien aux investissements communaux).
RÉACTIONS
Réactions d’élus, de préfets ou de représentants de la société civile au Togo, pertinentes pour illustrer les enjeux de la décentralisation et sur la façon ils vivent la décentralisation : à la fois l’ambition de formation, de responsabilisation, et les tensions locales autour de la mise en œuvre.
– « Avec cette plateforme (e-learning) pour les collectivités locales, chaque acteur local pourra désormais se former à son rythme, accéder à des contenus actualisés, échanger des expériences et renforcer son expertise dans un environnement d’apprentissage interactif et convivial. » — Hodabalo Awaté, ministre de l’Administration territoriale lors du lancement de la plateforme de formation en ligne.
– « Votre engagement appelle à un sacrifice total pour le développement harmonieux de nos régions afin de consolider notre apprentissage de la démocratie locale, participative et inclusive pour le bien-être de la population. » — idem, lors d’une tournée de contact avec les conseillers régionaux.
– « Il s’agit de renforcer la compréhension des principes et mécanismes de la décentralisation, de sensibiliser tous les acteurs aux rôles et responsabilités qui leur incombent, et de favoriser une synergie d’actions entre les parties prenantes. » — Dr Atinaka Kossi, préfet de la préfecture d’Agoè-Nyivé, à l’occasion de la clôture d’une tournée de sensibilisation.
– « La validation de la politique nationale de la décentralisation … témoigne de notre engagement collectif à renforcer les pouvoirs des acteurs locaux et à promouvoir un développement équilibré de nos territoires. » — idem, même préfet.
– « L’humilité doit être une caractéristique des femmes pour faire d’elles des leaders hors pair. » — Adjo Agbaglo, maire de la commune Zio 2, lors d’un échange sur le leadership féminin dans les collectivités locales.
– « Le Maire n’accorde aucune importance à la loi sur la décentralisation et va même dire que c’est des formalités. » — Richard Agouzou, conseiller municipal du groupe indépendant “Kozah Espoir”, à propos des dysfonctionnements dans la commune de Kozah 1.
ENTRE BASES POSÉES ET DÉFI D’APPROPRIATION
Le premier mandat des élus locaux au Togo a posé des bases institutionnelles et permis l’émergence d’acteurs locaux responsabilisés. Cependant, les couacs mis en évidence — financement insuffisant et inégal, capacités techniques disparates, tensions tutelle/autonomie — montrent que la décentralisation n’est pas encore pleinement « développementale ». Pour transformer la conséquence électorale en amélioration concrète du quotidien des citoyens, l’effort devra porter sur la dotation pérenne de ressources, l’extension des programmes de renforcement des capacités à l’ensemble du territoire et la modernisation des dispositifs de contrôle et de transparence. Les décisions prises pour le second mandat (réforme du FACT, élargissement des programmes de soutien, audits ciblés) seront déterminantes pour savoir si le Togo passera d’une décentralisation juridique à une décentralisation effective et durable.
G.K / LTT
SOURCES PRINCIPALES UTILISÉES
1. Faîtière des Communes du Togo (FCT) — site officiel (présentation, actualités et communiqués de la fédération des communes).
https://www.fct.tg/
2. GIZ — Programme Décentralisation et Gouvernance Locale (ProDeGoL) — fiche / brochure du programme (objectifs, communes partenaires, axes d’intervention). (PDF).
Fiche programme / brochure ProDeGoL (GIZ).
3. Ministère de l’Administration Territoriale, de la Gouvernance Locale et des Affaires Coutumières (territoire.gouv.tg) — portail et pages sur la décentralisation (rapports, communiqués, activités opérationnelles 2024–2025, textes officiels).
https://territoire.gouv.tg/ (page d’accueil et rubrique décentralisation).
4. Rapport — État de la coopération décentralisée au Togo (2020–2024) — page et communiqué de validation (atelier technique, Amou, juillet 2025).
Publication / communiqué sur l’état de la coopération décentralisée.
5. Loi de finances 2024 — Rapport (Assemblée nationale) — mentions et détails sur le Fonds d’Appui aux Collectivités Territoriales (FACT) et allocations budgétaires. (PDF / rapport loi de finances).
Rapport Loi de Finances 2024 (Assemblée nationale).
6. Articles de presse — République Togolaise — annonce : « Décentralisation : le Fonds d’appui aux collectivités territoriales porté à 7 milliards FCFA en 2024 » (article explicatif sur hausse FACT 2024).
Article : FACT porté à 7 milliards FCFA (17 janv. 2024).
7. Article / analyse — Togo First — « 10 milliards FCFA pour le Fonds d’appui aux collectivités territoriales en 2025 » (détails de la Loi de finances 2025 et évolution du FACT).
Togo First — hausse FACT 2025 (8 janv. 2025).
8. Cour des comptes — Rapports de contrôle des comptes et de gestion des collectivités territoriales (liste des rapports, pages téléchargeables ; ex. Rapport — Commune d’Amou 1 (exercices 2020–2023), PDF téléchargeable).
Page des rapports / téléchargement (Cour des comptes).
9. Cour des comptes — page « Les rapports de contrôle » (index des rapports récents 2024–2025 sur les communes ; recueil, recommandations).
Index / liste des rapports (Cour des comptes).
10. L’Économiste du Togo — article : mission de suivi/évaluation du FACT dans 15 communes (données pratiques sur le versement et la distribution des tranches).
11. Documents complémentaires GIZ — État des lieux de la coopération décentralisée au Togo (rapport PDF, ProDeGoL / GIZ — diagnostic et priorités).
12. Documents juridiques et journaux officiels — Décrets et textes ministériels relatifs à la décentralisation (publication et décisions administratives récentes disponibles via droit-et-politique-en-afrique / Journal Officiel).
Source : Telegramme228


