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Au Togo, cette religieuse a sauvé plus de 5000 orphelins du sida (Portrait)

© Bruno Lévy pour Le Pèlerin

Depuis plus de vingt-six ans, sœur Marie Stella de l’Incarnation marche aux côtés de ceux que la peur et la misère avaient condamnés. Dans le nord du Togo, cette religieuse togolaise a recueilli et accompagné plus de 5 000 orphelins du sida. Une œuvre considérable qu’elle refuse pourtant d’habiller de grandeur. « Je ne suis pas une héroïne. Mon moteur, c’est l’amour du Christ et le service des pauvres », affirme-t-elle simplement.

Sœur Marie Stella, itinéraire d’une vie donnée aux plus fragiles

Née le 28 décembre 1967 à Dapaong, elle grandit dans une famille nombreuse, marquée par la solidarité élargie. Cette expérience personnelle pèsera lourd dans sa vision de l’accueil. Le 21 août 1993, elle prononce ses premiers vœux chez les Augustines hospitalières de Saint-Amand-les-Eaux, avant de partir en Belgique se former comme infirmière. À son retour au Togo, en novembre 1998, elle est affectée à l’hôpital pour enfants de Dapaong. C’est là que tout bascule.

« On nous amenait de plus en plus d’enfants dénutris que nous n’arrivions pas à guérir », se souvient-elle. Peu à peu, le diagnostic s’impose : ces enfants sont nés avec le VIH. Face à cette détresse silencieuse, elle décide d’agir. Le 10 mars 1999, elle fonde l’association Vivre dans l’Espérance. « Avec quelques bénévoles, nous pensions qu’il fallait faire quelque chose, tout simplement. »

À mobylette, elle parcourt les villages. « J’apportais de quoi laver les malades, leur donner une bouillie. J’ai enterré bien des parents qui laissaient derrière eux des enfants. » Mais l’urgence médicale se double d’un rejet social brutal. « Les personnes séropositives étaient souvent enfermées dans leur case, où on les laissait mourir de faim et de soif », raconte-t-elle. La peur de la contamination et les croyances liées aux mauvais sorts avaient rompu les solidarités traditionnelles.

Pour sœur Marie Stella, soigner ne suffit pas : il faut convaincre. « Il fallait faire comprendre qu’un malade du VIH n’était ni dangereux ni sorcier. » Elle pose alors des gestes simples mais puissants : « Laver les enfants, partager un repas avec eux, les prendre dans les bras. » Peu à peu, les familles s’interrogent. « Si un étranger peut ainsi s’approcher d’eux, pourquoi pas nous ? »

En septembre 2001, elle ouvre un premier dispensaire, la Maison Maguy, du nom d’une jeune patiente décédée. Le lieu deviendra plus tard l’hôpital Maguy, ouvert à tous. Deux maisons familiales suivent, en 2004 et 2010. Aujourd’hui, sur les 1 600 enfants pris en charge, plus de 1 200 vivent dans leur famille élargie. « C’est essentiel pour un orphelin de conserver des liens », insiste-t-elle.

L’œuvre s’étend : école, ferme, pisciculture, emplois locaux. Plus de 120 personnes y travaillent désormais. Mais derrière la réussite, la fatigue affleure. « Ces enfants sont les miens. Leur joie fait ma joie, leur souffrance devient la mienne », confie-t-elle. Elle assume ce rôle maternel avec lucidité et crainte. « Je vis avec la peur de ne pas réussir à bien les éduquer et les soigner. »

Sa force, elle la puise dans la foi. « Voir derrière chaque personne le visage de Jésus », dit-elle, voilà ce que signifie « sauver ». À l’approche de Noël, elle regarde les enfants décorer les maisons, choisir leur repas, se confier devant la crèche. « Vivre dans l’Espérance, c’est garder la flamme allumée, décider chaque jour de ne pas laisser la joie s’éteindre. »

Cet article est réalisé à partir d’un entretien accordé par sœur Marie Stella au magazine Le Pèlerin (lepelerin.com).

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