Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l´Unité Nationale, en abrégé HCRRUN; un tel libellé d´une telle institution renvoie la plupart du temps aux efforts destinés à recoller les morceaux dans une société divisée, au sein de laquelle les citoyens, par le fait d´un long conflit armé fratricide, se regardent encore en chiens de faïence. Mais ici, nous sommes au Togo, un pays qui n´a jamais connu la guerre, mais un pays qui n´est pas forcément en paix non plus, depuis plus d´un demi-siècle. Un pays sous le joug d´une gouvernance politique brutale de père en fils, une gouvernance qui n´a pas pour but le développement du pays et l´émancipation sociale de ses habitants. Une gouvernance inhumaine incarnée par un régime qui ne se soucie que de son maintien au pouvoir coûte que coûte, malgré son massif rejet par les populations togolaises. Et pour se maintenir au pouvoir, conscient qu´il est rejeté par son peuple, le régime Gnassingbé instaure un système brutal pour faire peur et régner par la force. Ça s´appelle dictature.
Et un tel régime autoritaire, comme celui que nous subissons au Togo, contrôlant tous les leviers de la vie politique, ayant anéanti toute contestation par la terreur, peut se créer sa propre opposition, ses propres lois, mettre sur pieds ses propres organisations de défense des droits de l´homme, sa propre justice, et ses propres institutions pour soi-disant poursuivre les criminels qui auraient commi des crimes dans son intérêt. Et même prétendre dédommager les victimes ou enfants des victimes et réconcilier le pays. Les quelques victimes et leur progéniture sont présentées à travers le pays comme des citoyens heureux dont le tort causé venait d´être «réparé» par des billets de banque. Et on appelle ça réparations et reconciliation. Mais quels sont ceux qui ont commis ces crimes? Et où sont-ils? Quels en sont les commanditaires? Voilà ce qu´est le HCRRUN et voilà ce que nous écrivions en Janvier 2023 sur ce qui n´était au départ qu´une coquille vide: «Le HCRRUN (Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale) créé pour soi-disant mettre en oeuvre les recommandations de la non-moins scandaleuse CVJR (Commission Vérité, Justice et Réconciliation) est dirigé par la juriste Mme Awa Nana-Daboya. Juriste de formation, ancienne présidente de la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), Awa Nana n´est pas une inconnue dans le paysage politique togolais. Quel Togolais a oublié les élections présidentielles de 1998 et les faits d’armes de la présidente de la Commission Électorale Nationale (CEN) d’alors? Manquant de courage pour affronter le courroux du dictateur Gnassingbé Éyadéma que les premières tendances donnaient largement battu par Gilchrist Olympio, Nana Awa donna sa démission pour permettre au feu Général Séyi Mêmene, alors ministre de l’intérieur, de proclamer de faux résultats en faveur de qui tout le monde sait.»
Quant à la CVJR proprement dite, elle fut créée en 2009 «dans le but de pacifier le pays des soubresauts qu´il a traversés de 1958 à 2005». Et malgré la bonne volonté et la bonne foi de feu Monseigneur Nicodème Anani Barrigah-Bénissan, président de ladite commission de 2009 à 2012, l´initiative qui n´était qu´une arnaque de plus, était née sous de mauvais auspices. En effet, l´Afrique du Sud dont le Togo s´est inspiré de l´initiative, la Commission de la vérité et de la réconciliation (CVR), était un pays qui sortait de l´apartheid et dont le but de la Commission était de recenser toutes les violations des droits de l´homme commises pendant la période de la politique d´apartheid, afin de permettre une reconciliation nationale entre les victimes et les auteurs d´exactions. En un mot, le pays de Nelson Mandela revenait de loin et toutes les conditions étaient réunies à l´époque, après la fin du régime blanc de l´apartheid, pour parler de violations passées, de justice, de réparations et de réconciliation. Les responsables de l´ancien sytème n´étaient plus en possession de leur pouvoir de nuisance. En d´autres termes, on peut dire que la peur avait changé de camp.
Est-ce le cas aujourd´hui au Togo? Peut-on faire le procès d´un régime de dictature qui est encore au pouvoir, qui est en possession de toutes ses capacités de nuisance et qui continue à violer en toute impunité les droits de l´homme? Revenant dans une déclaration, le 03 juillet 2025, sur les sanglants évènements des 26, 27 et 28 juin 2025, l´ancien Ministre de l´Intérieur du Togo de 2002 à 2005, François Boko, dénonçait le bilan de la répression militaire qui était de sept morts et des corps dont celui d´un enfant mineur retrouvés dans la lagune de Bè. Le Saint-Cyrien a profité de sa sortie pour rappeler les dizaines de corps retrouvés dans la lagune de Bè en avril 1991, résultats de la répression militaire au cours de manifestations pacifiques. Il n´a pas manqué, non plus, de parler des 400 Togolais morts, assassinés, selon une enquête indépendante des Nations-Unies, à l´avènement dynastique de Faure Gnassingbé au pouvoir en 2005. Il termine en rappelant toutes les répressions sauvages sur des populations togolaises aux mains nues, comme celles du soulèvement de 2017, par exemple, qui ont permis au régime de Faure Gnassingbé de se maintenir au pouvoir. « Ce cycle de violence permanent avait été audité par la CVJR en 2012. Financée à hauteur de trois millions d’euros par le PNUD, l’Union européenne, la France et l’Allemagne, la CVJR avait formulé 68 recommandations pour que ces actes de barbarie ne se renouvellent pas. Le rapport n’a jamais été mis en œuvre par les gouvernements successifs de Monsieur Faure GNASSINGBE et les mêmes faits reviennent.»
Vu tout ce qui précède, nous sommes en droit de nous demander de quelles réparations et de quelle réconciliation Madame Nana Awa et son manchin de HCRRUN nous parlent, quand les auteurs des exactions de toutes sortes et d´autres crimes sur des Togolais, depuis au moins 1990, sont toujours en liberté.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Togo – HCRRUN : « Réparations» et «Réconciliation» en pleine dictature – Encore une arnaque qui insulte la dignité humaine


