Les militaires sont très présents sur la scène politique du continent ces dernières années. Outre leurs coups d’État, généralement condamnés, certains de leurs agissements poussent à s’interroger sur la qualité de leurs formations.
Chacun le sait, le drapeau russe est dans l’air du temps en Afrique. Il flotte dans les rues et dans l’espace numérique des pays francophones depuis quelques années maintenant. Après tout, il s’agit simplement de faire passer les couleurs de la verticale (le drapeau français) à l’horizontale (le drapeau russe).
Mais ce que les panafricanistes à tout crin, les révolutionnaires à temps partiel, les pessimistes résignés et autres partisans du statu quo n’avaient sans doute pas vu venir, ce sont les militaires de leurs propres pays arborant ce fameux drapeau russe dans la fièvre d’un coup d’État militaire porteur d’une énième promesse de nouveau départ.
Comme ces militaires burkinabè, brandissant fièrement l’étendard russe lors de la parade organisée le 30 septembre dernier à Ouagadougou, après la chute du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même tombeur de Christian Kaboré.
Comment en sont-ils arrivés à tel désaveu de soi – qui plus est au pays des hommes intègres –, tout militaire étant censé défendre les couleurs de sa patrie ?
Niche d’influence
L’une des explications tient au système de formation des officiers dans la plupart des pays francophones. Après les indépendances, les officiers des pays africains ont pour la plupart suivi un cursus en France mais aussi en Union soviétique, pour ce qui concerne les pays alignés sur le bloc de l’Est pendant la guerre froide, tels la Guinée, le Mali et le Bénin.
Les États-Unis, la Chine et d’autres pays européens ont ensuite entrepris d’exploiter cette niche d’influence à peu de frais en offrant des bourses à ces pays africains pour former leurs élites militaires, au moyen de modules spécifiques : formation initiale des officiers, spécialisation en armes et services, perfectionnement des officiers subalternes (cours des capitaines), cours d’état-major et école de guerre.
Cette politique d’externalisation partielle ou totale de la formation à différents niveaux a permis de disposer de cadres compétents mais pas toujours dévoués à leur patrie.
Car cette diplomatie de la formation contribue à constituer et à entretenir une sorte de clientèle pour les pays formateurs. Avec une bonne partie de l’élite militaire totalement formée à l’étranger se créent potentiellement des allégeances multiples, lesquelles sont susceptibles d’interférer avec les intérêts nationaux.
Bien sûr, la formation à l’étranger constitue une plus-value tant pour les officiers que pour leurs États. Mais, hormis les pays africains francophones, très peu de nations au monde mettent en avant ce type de configuration où les affinités entre officiers se fondent aussi aisément sur les écoles et/ou les pays de formation.
En effet, ce modèle est un facteur supplémentaire de division et d’annihilation de la cohésion au sein des armées. Pis, cette tradition du cursus à l’international est parfois pervertie au point de créer dans les imaginaires des classements des institutions en fonction de leur prestige supposé, ce qui oblige parfois les officiers formés dans les pays économiquement émergents mais de vieille tradition militaire, comme l’Inde et l’Indonésie, à tenter de valoriser leur cursus auprès de leurs pairs sortis de Saint-Cyr, de Westpoint ou de la Führungsakademie.
La politique de l’autodépréciation
Face à la croissance des besoins et parfois à la diminution du nombre de bourses offertes par les pays amis, les États africains francophones ont entrepris d’ouvrir leurs propres écoles et de lancer, individuellement ou conjointement, des programmes de formation dans le cadre des Écoles nationales à vocation régionale (ENVR).
Il en découle un système assez curieux, qui place les écoles étrangères non africaines en tête, suivies par les écoles africaines hors du pays d’origine du récipiendaire, puis les écoles nationales.
Concrètement, les meilleurs candidats issus des tests de présélection ou les candidats parrainés vont se faire former hors d’Afrique, les moins bons ou les moins chanceux, ailleurs en Afrique, et le reste, sur place.
Évidemment, ces classements ont des incidences financières, le montant des indemnités accordées aux officiers étant plus ou moins élevé suivant leurs lieux de formation.
Cette politique de l’autodépréciation ne peut qu’encourager les officiers à être en faveur de tel État ou contre tel autre. Des prises de position qu’alimentent frustrations personnelles, quête de reconnaissance et survalorisation de soi liée au prestige de l’école et à l’influence du pays d’accueil sur la scène internationale.
Moyens dérisoires
Le véritable drame réside dans le fait que ces querelles de chapelle s’installent au détriment du sentiment national et patriotique, indispensable dans la construction d’armées fortes.
Car ce qui fait la force des armées et des pays enviés ou décriés en Afrique suivant les saisons, c’est d’abord l’attachement de leurs militaires et de leurs encadreurs à l’héritage, aux idéaux et aux intérêts stratégiques de la nation. Intérêts qu’ils ont chevillés au corps et… à l’esprit depuis les centres de formation.
Imagine-t-on la Russie envoyer tous ses meilleurs officiers se faire former en Chine et ou l’Allemagne faire de même en direction de la France ?
Cette politique de l’autodépréciation a pour cause et corollaire les moyens dérisoires accordés aux centres de formation militaire et même policière dans ces pays.
Sentinelles de nos patries
On pourrait se dire que les académies militaires sont à l’image des universités ou, plus largement, du système éducatif des pays d’Afrique subsaharienne francophone.
C’est pire et, vu les enjeux, carrément dramatique. La plupart n’ont pas de budget, pas d’infrastructures adaptées, pas de véritables programmes d’enseignement, pas d’enseignants qualifiés permanents, pas de projets de recherche, encore moins de bibliothèque… Le tableau est sombre !
Le Centre américain d’études stratégiques pour l’Afrique (CESA) recense pas moins de 118 établissements d’enseignement militaire en Afrique dont certains ont été créés très récemment pour accélérer la professionnalisation des forces armées et de sécurité.
Sauf que cet objectif est hypothéqué par la politisation des armées et des militaires, par ailleurs grands consommateurs de fake news et de théories complotistes. Certes, des progrès ont été accomplis. Mais ils restent très largement insuffisants.
La grande urgence, c’est bien de transformer les esprits, de forger de véritables sentinelles de nos patries, de nos identités et de nos intérêts.
En puisant dans nos ressources historiques pour élaborer des manuels de formation qui font des patriotes attachés d’abord au drapeau national et non des suiveurs émotifs. L’appropriation de la formation des élites militaires est un enjeu clé du devenir de l’Afrique.
Oswald Padonou
Docteur en sciences politiques.
Enseignant et chercheur en relations internationales et études de sécurité
Jeune Afrique
C’est bien la question que j’ai eu à poser lorsque d’un cours de philosophie en terminale au lycée de Nyékonakpoé en 1998. Le chargé de cours à botté en touche.
La problématique militaire en Afrique néocoloniale est mal posée à mon humble avis dans cet article.
L’auteur de l’article perd de vue le fait que presque aucun pays africain ne dispose d‘un complexe militaro-industriel comparable à ce qu‘on observe dans presque tous les pays occidentaux, en Russie 🇷🇺, en Inde 🇮🇳 , au Pakistan 🇵🇰, etc. Du coup, les Armées africaines dépendent presque entièrement des Technologies militaires étrangères.
Secundo, la presque totalité des pays africains ne disposent pas de véritables Doctrines militaires axées sur leurs propres nécessités de DÉFENDRE LEURS RESSOURCES VITALES ET NATIONALES PAR LEURS PROPRES MOYENS ET STRATÉGIES!
Du coup, ils sont fortement dépendants de ce qui ne peut venir que d’ailleurs. Je n’ai pas encore lu jusqu’à présent un grand Geostratege africain de renom ayant élaboré pour les Acteurs politiques africains des schémas susceptibles d’empêcher des pays non-africains de faire main basse sur les RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES ET MINIÈRES D’UNE SOUS-RÉGION AFRICAINE!
Je ne connais pas un seul Géostratége africain de renom ayant élaboré des schémas pour empêcher des puissances étrangères (surtout occidentales) d’installer des bases militaires dans les pays africains!
C’est à ces niveaux qu‘il faut commencer à mettre en place les fondements du vrai Patriotisme militaire recherché par l’auteur de cette publication!
K. Kofi FOLIKPO
http://www.kebo-toe.net/?page_id=2676
Merci pour l’éclairage.
M. FOLIKPO, merci pour votre intervention. J’ai été assez déçu en lisant cet article. Dr Oswald PADONOU, je ne connais pas. Même s’il essaie de poser une problématique. Mais même en essayant de bien poser une problématique, on peut avoir une réponse fausse.
J’avais écrit sur ce site qu’il faut créer un Institut d’Etudes Politiques africains (en Afrique) car je constate sur plusieurs années que les politiques africains se fourvoyaient très souvent en géopolitique soit sur des sujets étrangers à leur continent, soit sur des sujets qui concernaient leur propre continent! Une fois qu’on a lu les diplômés africains, on a l’impression que le problème c’est la Russie. Mais peut-être que PADONOU lui-même ayant soutenu son doctorat à Rennes et s’exprimant dans un média de françafrique est un problème. J’ai entendu récemment que Cheick Anta Diop avait cerné cette problématique et la liait au processus d’aliénation qui a pris place sur plusieurs siècles chez les Africains. Du coup, nos docteurs ne sont pas en réalité des docteurs. Je suis vraiment rassuré que le plus grand savant africain ait pu détecter ce problème. Cela veut dire que le problème n’est pas qu’ au niveau des militaires. J’ai le vague sentiment en lisant PADONOU que les problèmes sont essentiellement la formation militaires. Il y a une base militaire française qui va s’implanter au Bénin, et PADONOU est en train d’élucubrer en mondovision.
On a bien compris qu’on veut conditionner les Africains francophones à détester les Russes, comme le font leur Maître Français. Mais les pays n’ont pas d’amis!
Alors se posent les vraies questions que les faux-diplômés aux multiples doctorats fuient pour plusieurs raisons inavouées (je n’aimerais pas être à leur place) :
-Politique: Pourquoi la France continue-t-elle de se mêler des problèmes politiques africains 62ans après les indépendances (création d’observatoires de démocratie) alors que personne, en tout cas aucun Africain ne lui a rien demandé ?
-Financier: Pourquoi la France continue-t-elle de se mêler des problèmes économiques et financiers africains 62ans après les indépendances, alors qu’elle devrait s’occuper de l’Euro et de l’espace Européen ?
-Militaire: Pourquoi des bases militaires en Afrique pendant qu’on fait des armées africaines des armées de carnaval tout juste bonnes pour réprimer le peuple, et pas assez pour repousser des djihadistes, en refusant de leur donner le matériel nécessaire et en comptant sur l’armée française pour les sauver ?
Voilà les Questions pertinentes et très objectives auxquelles nos “doktèr” en doctorat et autres “doktèr honoré de la kozah” ne peuvent jamais répondre!
Merci inifniment, cher Compatriote Akanga!
C’est vraiment lamentable que nos fameux “doktèr”, nos “spécialistes de l’Afrique” et autres “experts de l’Afrique” n’ont jamais songé à répondre à ces Questions de Fonds et sont seulement prompts à verser dans des élucubrations de caniveau et dans des sophismes de de cabaret en ne proposant rien d’original comme Réflexions et Prospectives, si ce n’est le même refrain puéril selon lequel il vaut mieux pour les Africains de rester avec les anciens colons (les prédateurs occidentaux) plutôt que de trouver de nouveaux alliés (Russes, Chinois, Turcs etc.) qui seraient les “nouveaux colons” selon ces “intellectuels” nègres aux parcours douteux ….
Les Citoyens africains et surtout les Activistes Panafricains ne sont pas à la recherche de “nouveaux colons” pour venir remplacer d’anciens colons! Ils réclament simplement des échanges dans le Respect mutuel et dans le Respect des Aspirations légitimes des Masses laborieuses africaines!
K. Kofi FOLIKPO
http://www.kebo-toe.net/?page_id=2676
C’est simple, les fameuses FDS en Afrique francophones n’ont jamais été conçues et formées pour défendre l’intégrité territoriale, les hommes et les femmes contre les agressions venant de l’étranger. Elles sont dimensionnées pour protéger des régimes assez souvent illégitimes contre les révoltes populaires. Si non, comment comprendre qu’une armée malienne de plus de 14 000 hommes ait reculé devant quelques centaines de combattants djihadistes ? Et quand on ajoute à celà, l’incompétence et le manque de volonté, on comprend nos soucis.