Dans une interview accordée au confrère AMANIA-INFO, le président du Parti des Togolais, Nathaniel Olympio indique, sans langue de bois, un schéma de sortie de crise au Togo. Il propose des pistes pour intensifier la lutte devant permettre l’avènement de la démocratie au Togo. Bonne lecture.
AMANIA-INFO : Vous avez un discours qui tranche avec celui des autres acteurs politiques togolais. Vous dites : « Pas d’élection ! Pas de dialogue ! » Finalement, on fait quoi ?
Nathaniel Olympio : Il faut surtout préciser que ce sont les conditions des élections et des dialogues que nous rejetons. Notre objectif étant une transformation socio-politique et économique profonde, nous devons obligatoirement nous engager dans un conflit nécessaire avec le régime cinquantenaire qui se perpétue de père en fils sur fond de violence et de coups d’Etat. Cela dit, il faut une distinction claire entre conflit et violence. La violence, dans toutes ses formes, doit être évitée. Le conflit quant à lui est une force positive de changement. Dans les pays, comme le nôtre, touchés par une crise révélant des asymétries de pouvoir sévères entre un régime minoritaire et une majorité menottée, il est alors parfois nécessaire d’intensifier le conflit pour permettre d’avancer vers sa résolution dans l’intérêt général du peuple.
On ne peut pourtant pas faire l’économie d’un dialogue
Dans notre lecture des choses, le schéma de sortie de crise est clair : mobilisation citoyenne pour rendre effective l’indispensable transition qui permettra de mettre en place des institutions fortes pour un Togo nouveau, réconcilié avec lui-même et dans lequel le vivre-ensemble harmonieux permet à chaque Togolais de s’épanouir, sans aucune exclusion. L’intensification du conflit doit permettre à nos dirigeants de se résoudre à accepter que la transition est la voie la plus adaptée à une évolution en douceur et sans heurts majeurs. Dans les conditions de vie draconienne imposées à la population, nous ne pouvons faire l’économie de ce conflit. Il est consubstantiel à la nature du régime. Quand les conditions seront réunies, la discussion sincère entre togolais permettra d’asseoir les règles qui régiront la transition.
N’est-ce pas ce qui a été fait en 2017 ?
Petite précision : c’est ce qui a failli être fait en 2017-2018. Sauf que la coalition C14 qui dirigeait la lutte a accepté de mettre sous éteignoir les manifestations avant d’aller à un dialogue, contre l’avis de la population. Je continue de déplorer cette suspension des manifestations, d’autant plus que cette décision n’a jamais été prise collectivement au niveau de la coalition C14. Le groupe a été mis devant le fait accompli, ce qui a d’ailleurs fait planer un risque d’implosion de la coalition. A l’époque, j’ai eu à dire sur les médias de la place et de l’étranger que j’étais sceptique quant à cette stratégie. Je suis persuadé qu’autant le régime dispose de toutes les ressources de l’Etat pour exercer la répression à tout moment sur la population, autant les citoyens ne doivent en aucun moment se délester de leurs instruments de lutte, les manifestations, y compris lorsqu’ils sont dans des pourparlers avec le pouvoir.
Une telle stratégie ne menace-t-elle pas la paix sociale ?
Non ! C’est le statu quo et l’injustice sociale qui menacent la paix. Actuellement, le régime fait la promotion de la paix et de la stabilité, surtout pour attirer les investisseurs. En réalité, cette absence de trouble n’est pas synonyme de paix, ce n’est pas une situation construite avec l’adhésion et la contribution des citoyens. Elle leur est imposée par la frayeur. D’ailleurs, la promotion qui en est faite traduit la précarité de la situation. Voyez-vous des pays où règne la démocratie faire l’apologie de la paix chez eux ? La stabilité et la paix durables émanent de la satisfaction des citoyens vis-à-vis du cadre de vie qui leur est proposé. C’est ce à quoi aspirent les Togolais et c’est l’objet de mon engagement.
N’est-ce pas un vœu pieu quand on voit l’état de décomposition de l’opposition togolaise ?
Les citoyens étaient dans le même état en 2010 après l’élection présidentielle frauduleuse et ils se sont dressés en 2012 contre le régime sous la conduite du CST. Les Togolais traversaient le même état d’esprit en 2015 quand le régime a confisqué à nouveau la victoire électorale, cela ne les a pas empêchés de se mettre massivement en ordre de bataille en 2017 avec la coalition C14. Le rythme semble être tous les deux ans après l’élection. Après cette dernière élection frauduleuse de 2020, on peut s’attendre à un réveil du peuple en 2022. Et peut-être même que les conséquences de la pandémie mondiale liée à la Covid-19, se feront l’accélérateur de ce sursaut contestataire. L’avenir nous le dira. Soyons tous prêts ! Gamesu
Propos recueillis par Théau Mbemba
Togo-Nathaniel Olympio: « Au Togo, le régime impose la paix aux citoyens par la frayeur ».
Cet homme est toujours éclairé.
Very sun.
Vive le Togo libre.