Ouro-Djikpa Tchatikpi n’est plus à présenter. L’ancien dignitaire du Parti National Panafricain (PNP) se fait discret depuis qu’il a quitté son parti en claquant la porte. L’homme politique était aussi présent à la conférence de presse du Comité pour la libération de tous les prisonniers politiques, la semaine dernière à Brother Homé. Sollicité par certains journalistes, il a accepté leur accorder un entretien à bâtons rompus. Six (06) questions lui ont été posées sur l’opposition, ses tiraillements internes, les voies de sortie, l’alternance…Voici ses réponses.
Son silence sur la scène politique
Ouro-Djikpa Tchatikpi : Je ne suis pas si silencieux dans la mesure où nous je continue par agir d’une manière ou d’une autre. On n’est pas obligé de crier sur les toits ce que l’on fait pour faire avance le débat sur la terre de nos aïeux. Donc je vous rassure, je ne suis pas aussi silencieux que vous ne le pensiez.
Affaiblissement de l’opposition depuis le 22 février 2020 et par la pandémie
Ouro-Djikpa Tchatikpi : La situation de l’opposition était compliquée avant l’arrivée de la pandémie. La pandémie est intervenue en fin de l’année 2019-début 2020, et en ce moment-là, l’opposition était déjà dans tous ses états. Aujourd’hui la pandémie Covid-19 vient compliquer la situation, elle est utilisée par le régime comme un prétexte pour obstruer tous les orifices de la liberté d’expression, de manifestation, non seulement du peuple, mais en même temps de l’opposition. Mais lorsqu’on obstrue tous les orifices d’un système vivant, comme celui d’un peuple, on donne toutes les chances d’une explosion tôt ou tard. Et lorsque cela se passera, il ne faudrait pas que les tenants du pouvoir s’en prennent aux uns et aux autres ; ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes.
Attente de l’alternance
Ouro-Djikpa Tchatikpi : Chaque chose qui a un début, a forcément une fin. Le système qui nous régente a connu son début un 13 janvier 1963, le jour où le président démocratiquement élu pour la première fois en Afrique de l’ouest et en Afrique a été abattu. C’était le début du système qui nous régente atrocement aujourd’hui. Tel que le système est connu, il faut vous attendre aussi à la fin ; raison pour laquelle le peuple togolais doit avoir espoir. Un jour cette alternance surviendra ; moi je ne parle pas en termes d’alternance, mais d’alternative.
Réorganisation du peuple togolais pour cette alternative
Ouro-Djikpa Tchatikpi: Le peuple togolais est celui qui n’a pas besoin d’être réorganisé. Il a eu la chance d’être réveillé de nouveau puisqu’il était toujours en action depuis le 5 octobre 1990. Il y a eu des dates auxquelles le peuple s’est mis en branle. Je veux parler de 2005, de 2012, 2017. Ce peuple-là est toujours là, mais il n’attend que l’heure H (…) Si nous avons eu l’échec en 2017-2018, ce n’est pas du ressort du peuple, c’est du ressort des dirigeants du mouvement, des responsables de partis politiques ayant pris le devant pour amener le peuple vers la terre promise, c’est ceux-là qui ont péché. Ce n’est pas le peuple. Donc le peuple est toujours là, au carrefour, là où l’opposition l’a laissé. Le peuple togolais de l’intérieur, comme son extension au niveau de la diaspora, est toujours là et attend l’heure H.
Tiraillements entre les partis de l’opposition
Ouro-Djikpa Tchatikpi: L’opposition togolaise est victime de la subtilité de la mauvaise foi du régime en place et de la nuisance du régime en place. Les difficultés qu’elle connaît viennent du régime en place. Puisque lorsque vous posez la question de savoir : tout ce qui se passe au niveau de l’opposition, à qui profite le crime, et que vous arrivez à trouver la réponse, vous allez déboucher rapidement sur le régime en place qui nous régente. C’est le régime qui est à la base de ça. Donc le message qui doit être adressé aux responsables des partis politiques, des organisations de la société civile, des syndicats, de tout ce qui constitue la machine à mobiliser, est : Tout ce qui nous réunit est plus fort que ce qui nous nous divise. Nous devons prendre conscience. Tous les responsables, tous les acteurs doivent prendre conscience que le Togo qui nous réunit est plus cher ce qui nous divise.
Probables nouveaux 5 octobre 1990 ou 19 août 2017
Ouro-Djikpa Tchatikpi : 5 octobre 1990, j’y étais. Je finissais le campus puisque j’ai soutenu mon mémoire le 1er octobre 1990 à l’INSI (Ecole nationale supérieure d’ingénieur) et quatre (04) jours plus tard, le pays a basculé. Cette date-là ne s’est pas annoncée, elle est arrivée de façon brusque. 19 août 2017, ç’en était la même chose. J’étais à la manœuvre du PNP, mais la date-là, elle n’a pas été la première à avoir été choisie pour manifester ; il y a eu des dates, mais celle-là est venue comme ça de façon drue à la surprise générale. La prochaine date, elle ne saura être annoncée par qui que ce soit, qu’il soit ange ou prophète.
Message à l’endroit des Togolais qui attendent l’alternance ou l’alternative
Ouro-Djikpa Tchatikpi: Le peuple togolais doit laver son cœur. Le peuple dont je parle, nous en faisons partie. Nous devons véritablement assainir nos cœurs. L’alternance, pour ne pas dire l’alternative, ne s’acquiert pas lorsqu’on est dans un état d’esprit de crocs-en-jambe, de peaux de banane, de faire du mal à l’autre, de pousser l’autre pour pouvoir prendre sa place…Lorsqu’on observe la scène politique togolaise, le peuple togolais est pris dans cette marmaille-là où on peut diffamer facilement quelqu’un, alors qu’il n’en est rien. On est pris dans cette atmosphère-là à telle enseigne que même si au 19 août, Dieu ramenait l’alternative pour les Togolais et qu’il observait nos cœurs, la manière dont nous nous comportons les uns contre les autres, il serait obligé de ramener ça provisoirement en attendant. C’est pour cela que j’ai dit : assainissons nos cœurs, renaissons de nouveau, ayons l’esprit humain, l’esprit de patriotisme, l’esprit de solidarité. Nous n’en sommes pas encore là.
Ailleurs lorsque quelqu’un veut tomber, on le soutient ; mais ici avant même que tu ne tombes, on te pousse à tomber. Est-ce que ce n’est pas la réalité ? Est-ce que je me trompe ? Alors assainissons-nous, il va falloir que nous renaissions de nouveau, nous nous comportions de la manière qu’il faille. Nous, nous allons de nouveau prendre nos baluchons et voir dans quelle mesure résoudre le problème togolais. Le problème togolais, aucun Togolais n’en est à l’origine. C’est pour cela que depuis qu’on attrape les branchages du système qui nous régente, on n’arrive pas à déboulonner, déraciner le système. Le système est composé en trois étapes, il y a le tronc, il y a les racines et il y a les branchages. Depuis 1990 jusqu’à aujourd’hui, nous sommes dans les branchages. L’équation n’est pas de couper les branches, elle est de dépouiller le système. Point barre !