« Un autre Togo n’est-il pas possible ? », se demande Maryse Quashie

Dans leur chronique hebdomadaire « Cité au quotidien » de cette semaine, intitulée « Des différences pour l’harmonie », Maryse Quashie et Roger Folikoue écrivent sur les différences entre les hommes. Les deux universitaires y voient même une source d’harmonie et, faisant le rapprochement avec sa situation politique, se demandent si un autre Togo n’est pas possible. Lisez plutôt!

Cité au quotidien

DES DIFFÉRENCES POUR L’HARMONIE

Faites-vous partie des personnes qui se demandent où nous trouvons la force de persévérer dans la fidélité  à  cette tribune?  Aujourd’hui nous  avons décidé  de répondre  à  cette interrogation. Si, d’une part, votre étonnement vient de ce que vous savez ce que cela représente comme travail  et  donc  comme  ascèse,  nous  pouvons  vous  répondre  que  la  tentation  de  laisser tomber  est  vite  vaincue  par  cette  question:  «Ne  serions-nous pas capables d’écrire deux pages  de  réflexion  par  semaine  alors  que  notre  désir  est  de  nous  adonner  aux  activités intellectuelles ? ».

« Mais si, nous le pouvons! ». La réponse vient tout de suite. En d’autres termes notre première réponse s’inscrit dans le «Yes  we  can»  que  Barack  OBAMA  a prononcé lors de son investiture en janvier 2008. Par  contre, si  notre  persévérance  vous interpelle  par  rapport  au  fait  que  les  choses  ne semblent pas bouger dans notre pays, nous vous répondons que notre constance s’enracine dans une autre question «Quel monde allons-nous laisser aux générations qui viennent? »

Alors l’énergie revient pour réfléchir, se mettre à l’ordinateur, écrire, corriger, diffuser, etc. En fait cela revient à dire que nous croyons que ce que nous faisons est la part indispensable que nous devons apporter à l’instauration d’un nouveau vivre-ensemble dans notre société. Cela signifie surtout que nous sommes convaincus que l’avènement d’une autre société est possible. Mais alors, laquelle? Le  mieux  est  que  nous  nous  servions  encore  une  fois  des  images  que  notre  culture  nous offre: Au début du monde, la terre était couverte d’eau. Les seules créatures étaient les poissons. Leur bonheur faisait plaisir à voir.

C’est d’ailleurs pour cela que l’expression est passée dans le langage ordinaire: «Heureux comme un poisson dans l’eau!». Mais  voilà, un jour, parce que leur habitat s’était réduit,  dans  la  mesure  où d’autres animaux, vivant eux  sur  la  terre  ferme, ont  été  créés;  et  de  ce  fait l’eau prenait moins de place sur terre; par contre dans les eaux, il y avait pas mal de conflits. Une idée vint alors à l’un d’entre eux: il proposa qu’on choisisse certains d’entre eux pour mettre un peu d’ordre  dans le monde des eaux.

Comment  les  choisir? Ce  fut  la  question  qui  les  préoccupa  longuement. Avec  quel  critère décider de qui allait faire partie de ceux qui conduiraient les autres? La taille, la couleur, la longévité? Il fallut se rendre à l’évidence,  à  moins  de  rendre tous  les poissons  pareils  pour être comparables, qu’on n’arriverait pas à trouver une solution acceptable par tous. Alors  un  vieux  mérou  solitaire,  proposa  une  autre  solution:  «Et  si  nous  demandions  au Créateur de nous rendre si différents que nous n’ayons pas les mêmes besoins?  On  ne  se battrait pas parce que  beaucoup veulent s’approprier la même chose.» Le  Créateur  accéda  à  leur  demande.  Et  les  poissons  se  différencièrent,  il  y  avait  les  gros  et les  petits,  mais  aussi,  certains vivaient en bancs, d’autres en famille, certains solitaires,  et puis encore certains préféraient les profondeurs plutôt sombres, alors que d’autres devaient remonter  à  la  surface souvent pour respirer. Pour parfaire son œuvre, le Créateur, leur donna des couleurs diverses, c’est ainsi que certains se perdaient dans  la  végétation  et  le relief des fonds marins alors que d’autres étaient habillés de couleurs vives, et que d’autres encore n’étaient pas visibles à l’œil nu.

C’est ainsi que le proverbe retrouva toute sa vigueur : « heureux  comme  un  poisson  dans l’eau»  parce  que  chacun  menait  sa  vie  selon  ses  besoins  spécifiques  et  respectait  le  mode de vie de l’autre. Que voulons-nous dire par cette parabole?  Nous  voudrions expliquer  que notre vision va  bien  au-delà du combat pour l’alternance, pour la justice et l’équité, combat que nous partageons avec tant d’autres au Togo, en Afrique et dans le monde. Nous sommes tendus vers cette société où il fera bon vivre pour tous. Cette société où la différence constitue non seulement une possibilité mais un droit. Le droit à la différence n’est-il pas alors le premier droit existentiel des êtres vivants et  même  le  droit qui  fonde et  justifie la singularité  plurielle de  tous  les  êtres  dans l’univers? Un droit facile à mettre en œuvre parce qu’ils seront peu nombreux ceux qui auront encore peur  de  la  différence  au  point  de  devenir  agressifs,  et  ceux  qui  seront  au pouvoir  ne mettront pas leur énergie dans leur volonté d’instaurer un unanimisme de mauvais aloi.

Ce  n’est  pas  possible?  Pourquoi?  Parce  que nulle  parton  n’a  jamais  vu cela? Mais justement, c’est parce que cela ne s’est jamais vu que  cela vaut  la  peine d’essayer,  parce que  cela  peut  encore  arriver. La  différence  est  une  chance  et  constitue  une  condition nécessaire et  suffisante  pour  l’harmonie. Et   si   tel   est   le   cas   alors   la   lutte   pour   la reconnaissance  de  chacun  dans  sa  différence  est  un  chemin  de  reconstruction  sociale  car chacun  est  considéré comme  une  note  indispensable  à l’ensemble.

Voilà  ce  qui  nous soutient dans notre fidélité à cette tribune. Nous vous invitons donc à examiner ce projet. Cela ne sera guère difficile car il y a déjà dans notre culture, des éléments qui peuvent nous aider. Ainsi  en  est-il de l’hospitalité: si traditionnellement l’étranger est le bienvenu, celui que notre cœur désire (Amedjro en Gengbé), cela signifie qu’on en a pas peur, il ne représente pas un danger potentiel, parce que  comme le dit RIVIERE,Ni celui qui reçoit, ni celui qui bénéficie de l’accueil ne sont considérés dans leur individualité présente mais en tant que liés à une famille sur laquelle on s’informe, et à des ancêtres auxquels on verse un peu d’eau ou d’alcool en libation.

Le visiteur introduit des rapports entre communautés sur lesquels se fonde l’humanisme africain, fait d’ouverture au monde et non pas de cette xénophobie ethnocentrique que certains étrangers ont attribué inconsidérément à des groupes qu’ils supposaient clos.Il  en  est  de  même  de  la  solidarité:  on  sait  comment les  communautés  villageoises s’organisaient pour que personne ne se sente isolé au moment des gros travaux des champs.La réussite collective était prioritaire par rapport à la réussite individuelle. Il nous faut cependant revisiter ces valeurs alors que les groupes humains où nous vivons se sont  considérablement  ouverts. 

Par  exemple,  la  solidarité  ne  devrait  pas  se  réduire  à l’entraide entre personnes venant de la même famille, du même village, etc. Pour  réaliser  cela, donner à nos valeurs traditionnelles un sens pour aujourd’hui, il  est évident que nous devons résister aux modèles bâtis par des dizaines d’années de refus du pluralisme  et  de  la  différence,  toute  cette  gouvernance  qui  a  voulu  instaurer  une  fausse unanimité en bâillonnant ceux qui pensent autrement. Et le modèle à donner à la jeunesse n’est pas celui d’une société où seulement certains réussissent au détriment de la majorité  qui s’appauvrit de jour en jour. En fait ce à quoi nous voulons vous inviter par notre tribune, c’est de montrer que ce sur quoi  nous  devons  nous  entendre  c’est cette  société  où  l’harmonie  est  bâtie  sur  les différences. De  plus, nous  voudrions  vous  convier  à  chercher ensemble les  moyens  pour construire cette société, en acceptant d’y arriver  par  des  moyens  divers mais  tous  tendus vers un même but.

Et si tous, nous sommes tendus vers le bonheur partagé par tous et pour tous alors nous aurons un autre regard sur des entités comme partis d’opposition et parti au pouvoir; partis politiques et organisations de la société civile; gens du nord et gens du sud; chrétiens et non-chrétiens; croyants et athées etc.  Ce changement  de  regard viendrait  du fait que nous aurons enfin compris que la différence est la règle de notre être au monde et c’est cette différence qui rend possible l’harmonie. Alors un autre Togo n’est-il pas possible dans une autre Afrique qui doit se positionner dans un monde à réinventer ?

 Lomé , le 25 juin 2021

One thought on “« Un autre Togo n’est-il pas possible ? », se demande Maryse Quashie

  1. Oui un autre Togo, un meilleur Togo que celui des analphabètes GNASSINGBE, est possible si les togolais sortent de leur torpeur et se libèrent de la peur pour dégager cette mafia pilleuse diabolique satanique maléfique et sadique des man.geurs de chi.en (Kozah Nostra) qui les prend en otage depuis plus de 50 ans!!!

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *