Cela fait plus de huit ans que le Mali vit une crise profonde. Les gouvernements successifs et les partenaires internationaux ont multiplié les opérations militaires pour décanter la situation. En vain ! Face à cet enlisement, n’est-il pas temps de changer d’approche ? Aliou Diallo, président-fondateur d’ADP-Maliba, pense qu’il le faut. Ce candidat à la future élection présidentielle malienne a exposé cette semaine sa vision globale pour refonder le Mali.
Les armes ont montré leur limite
Le Mali fait face à une crise majeure depuis 2012, date de l’invasion du nord par des groupes terroristes et des indépendantistes Touaregs. Bamako a fait appel à la France pour stopper l’avancée des assaillants vers le sud et se débarrasser d’eux. En janvier 2013, l’opération Serval a permis d’atteindre ces objectifs, mais momentanément. Comme un coup de pied dans une fourmilière, elle a dispersé les rebelles sans réellement les vaincre. Depuis, ces derniers sont revenus en force, s’ajoutant aux indépendantistes Touaregs qui n’ont jamais été vraiment inquiétés par les forces étrangères (France, Tchad, CEDEAO).
Pour terminer le travail, Paris a lancé l’opération Barkhane en août 2014. Mais, elle aussi n’arrive pas à bouter le terrorisme hors des frontières du Mali, qui court le risque d’une « Afghanisation ». Malgré ces échecs répétés, Bamako et ses alliés continuent de privilégier l’option militaire. « Si la guerre contre le terrorisme se gagnait par les armes, les Américains seraient sortis victorieux des conflits en Irak et en Afghanistan, et les Français maîtriseraient aujourd’hui la bande sahélienne », analyse avec pertinence Aliou Diallo, dans une nouvelle tribune consacrée à la refondation de son pays.
Les terroristes profitent des carences de l’Etat
Le président-fondateur d’ADP-Maliba estime que « pour triompher face à ces guérillas, il faut certes des soldats, mais il faut aussi et surtout gagner les consciences et tacler la racine des problèmes économiques et sociaux qui gangrènent » le Mali. Quelle est cette racine, ou plutôt quelles sont ces racines ? D’abord, il y a l’abandon des populations depuis plusieurs décennies par le gouvernement central, particulièrement dans certaines parties des régions du Nord et du Centre, où les conflits perdurent. « La nature a horreur du vide, et quand l’Etat n’est plus en mesure de répondre aux besoins les plus élémentaires des populations, des hors-la-loi de quelque sorte que ce soit, s’y substituent », relève-t-il.
Ces groupes armés terroristes distribuent des vivres et des médicaments, et assurent même la protection des populations. « Aussi révoltant que cela soit, les terroristes se substituent à l’Etat… et font mieux que le gouvernement pour répondre aux besoins de base des populations », constate amèrement Aliou Diallo. Au sentiment d’abandon, ce serait greffé un sentiment de désespoir, surtout chez les jeunes. Ceux-ci souffriraient depuis plusieurs années du manque d’emploi. Pis, ils n’auraient aucune perspective d’avenir. Désespérés, ils prennent volontiers le chemin de l’immigration clandestine vers l’Europe. Pour ceux qui choisissent de rester, il n’y aurait pas d’autres choix que de céder aux « sirènes de tous les fanatismes », c’est-à-dire d’intégrer les groupes terroristes.
Un Plan Marshall pour la jeunesse malienne
« La jeunesse de notre pays demande simplement qu’on lui donne une chance de pouvoir écrire son destin. Cette demande aussi fondamentale que de pouvoir respirer lui est refusée depuis des décennies », souligne l’ex député de Kayes, qui se désole du délitement des valeurs morales au Mali. Cette déchéance commence bien sûr par « la classe politique sans vision, sans boussole, qui ne s’accroche aux postes et aux honneurs que pour les avantages qu’eux et leurs proches peuvent en tirer ». Face à cette gangrène, l’entrepreneur malien propose de gagner les consciences en ramenant des valeurs au sommet de l’Etat.
« Notre foi et nos valeurs cultuelles et culturelles maliennes sont la digue la plus efficace contre les groupes armés terroristes », mais également contre les gouvernements corrompus, croit Aliou Diallo. Il faut donc que le peuple malien prône la tolérance, l’amour et la piété pour désarçonner ses ennemis. En parallèle à cet indispensable redressement moral, l’homme d’affaires souhaite résoudre le problème du chômage, le second ferment de la crise malienne. Pour ce faire, il met sur la table un Plan Marshall pour le Mali de plus de 15. 000 milliards de FCFA. Ce programme pharaonique vise à construire des infrastructures (ponts, routes, écoles, usines, centrales électriques, etc.) et à créer des dizaines de milliers d’emplois via l’entrepreneuriat.
Missionner les chefs religieux et traditionnels pour dialogue avec les rebelles
« L’emploi est la clé qui permettra de débloquer une fois pour toute la crise malienne. Dans le Nord et le Centre bien sûr, mais aussi à Bamako et dans tout le pays », insiste le PDG d’Hydroma, pionnière mondiale de l’exploitation de l’hydrogène naturel. Sur le volet sécuritaire à proprement dit, Aliou Diallo appelle à repenser drastiquement l’approche militaire et dialoguer avec les maliens qui ont pris les armes pour faire enfin cesser le sacrifice des jeunes fils du pays en uniforme. C’est le vœu qu’il formule depuis de nombreuses années. D’où son surnom de « chantre du dialogue ». Outre les leaders religieux, Aliou Diallo avait suggéré de missionner les chefs traditionnels, eux aussi représentants légitimes du peuple. Ce message est sur le point d’être entendu.
En plus des discussions, le milliardaire malien souhaite revoir la politique sécuritaire du pays. Pour lui, le retrait prochain des soldats de Barkhane doit être vu comme une opportunité pour prendre enfin son autonomie. « Le retrait des soldats français nous place paradoxalement dans une position de force pour négocier au mieux un nouveau partenariat militaire axé sur la formation, la fourniture d’équipements, le renseignement… le tout, pour la première fois, sous entière souveraineté malienne ! », a-t-il indiqué. Il est surtout convaincu que son pays n’a « pas besoin de faire la charité à qui que ce soit » et que « les relations internationales sont des rapports de force, pas de la mendicité ».
« Tous ceux qui me connaissent savent que je suis un pragmatique »
Ainsi, pense-t-il que le Mali doit penser à prendre son destin en main en recrutant des soldats, en acquérant des armements et du matériel militaire pour renforcer ses capacités et bâtir une armée forte. « Il s’agit d’investissements qui entreront dans le cadre de mon Plan Marshall en créant des emplois et en sécurisant de manière efficace les zones où le gouvernement malien n’a aujourd’hui plus le contrôle », précise Aliou Diallo.
Si son programme a tout pour plaire, l’entrepreneur malien essuie quelques critiques de la part de ses adversaires politiques. Ces derniers le considèrent comme un rêveur, qui reviendra à la réalité une fois au pied du mur. « N’en déplaise à ceux qui n’osent jamais rien, mon projet n’est pas utopique. Tous ceux qui me connaissent savent que je suis un pragmatique. Ma priorité est de préparer la paix et la prospérité du pays dès le premier jour de mon mandat », a tancé celui qu’on présente comme le favori de la prochaine présidentielle au Mali.